mercredi 20 mai 2020
La cité perdue de Z - David Grann
La cité perdue de Z (The lost city of Z, 2009) est centré autour de Percy Fawcett (1863-1925?), explorateur anglais connu pour avoir parcouru l’Amazonie de long en large et pour y avoir mystérieusement disparu alors qu'il cherchait, en compagnie de son fils de 22 ans, une cité qui, il en était persuadé, devait prouver l'existence d'une civilisation complexe au cœur de la jungle. L'auteur se met en scène dans ses recherches, il évoque de nombreuses autres expéditions, mais Fawcett reste l'axe principal, autour duquel tout le reste tourne. C'est un aventurier à l'ancienne, militaire puis diplômé de la Royal Geographic Society, qui se fera espion avant de cartographier l'Amazone pendant des années. Leader impitoyable doté d'une résistance physique remarquable et surtout d'un système immunitaire miraculeux, il a des idées relativement progressives pour l'époque. Ainsi il refuse de tirer sur les indigènes, préférant risquer le contact amical, et donc ne voyage qu'avec des petits groupes pour ne pas effaroucher les locaux. Au fil de ses voyages, à force de trouver des restes abondants de poteries et chez les tribus les traces d'une culture ancienne voire grandiose, et à force de lire les récits des conquistadors qui décrivaient des villes gigantesques, il se persuade qu'il doit rester quelque part au moins une véritable cité, qu'il nomme Z. Il obtient la gloire, mais reste pauvre, et après avoir combattu tout le long de la première guerre mondiale, il se tourne fermement vers le spiritisme, en compagnie de notamment Conan Doyle et Ridder Haggard, auteur de l'inimaginablement populaire She, l'un des livres les plus lus de tous les temps. Les deux écrivains, dans leur fiction, s'inspirent de Fawcett.
Vraiment, il y a de quoi faire et David Grann s'en donne à cœur joie, pour un résultat parfaitement captivant. De la jeunesse victorienne de Fawcett à son intégration dans l'improbable Royal Geographic Society, repaire d'excentriques, d'une expédition amazonienne plus ou moins catastrophique à une autre, de l'époque des premiers contacts avec l'Amérique jusqu'à un présent où certains mystiques voient en Fawcett un prophète, le livre parvient à être extrêmement vaste sans jamais s'égarer. On a également un aperçu de la façon dont la technique se met au service de l'exploration : le premier hydravion, les premiers prototypes de radio et l’apparition des spécialistes qui rendent obsolètes les baroudeurs polymathes comme Fawcett. Et aujourd'hui, quand l'auteur retrace les pas de Fawcett, il lui arrive de chercher en vain la jungle : là où notre viril héros victorien suait sous la canopée, il n'y a plus d'arbres, la faute au progrès. Et comme la moitié des pluies sur l'Amazone sont générées par l'humidité de la forêt, sa disparition entraine des contrecoups climatiques qui entament encore plus la forêt en un triste cycle destructeur.
Les descriptions des horreurs de la jungle son nombreuses, mention spéciale aux insectes qui pondent dans les plaies, ou tout simplement sous la peau : les vers se développent tranquillement dans l'hôte bien vivant. Les indigènes, grâce un sifflement particulier, parviennent à attirer les vers, qui sortent leur tête de la chair, il suffit ensuite de pincer un peu et plop, le ver est dehors... Notons aussi que dans la jungle, il est extrêmement difficile de trouver de la nourriture pour qui ne connait pas parfaitement l'environnement, ce qui peut sembler étonnant vu la luxuriance ambiante : ainsi la faim est un problème permanent, c'est notamment ce qui a poussé les chercheurs à conclure que toute civilisation complexe était impossible en Amazonie.
Mais alors, cette cité de Z ? Fawcett avait-il raison ou était-il juste un illuminé de plus ? Eh bien, s'il était certainement un peu illuminé et qu'il n'y a pas précisément de « cité de Z », il semble qu'il ait eu raison sur le principe. Les recherches archéologiques les plus récentes confirment que l'Amazonie, quand les conquistadors s'y baladaient, était bel et bien remplie de véritables villes regroupant des milliers d'habitants, villes reliées entre elle par des routes bien droites et des ponts. En somme, comme en Amérique du nord et en Amérique centrale, il y avait très certainement des millions d'habitants, dont la majorité ont été balayés par les maladies apportés par les conquistadors, dont les récits flamboyants ont pendant longtemps été perçus comme des délires fiévreux. Comme Fawcett le soupçonnait grâce aux restes de poteries, les villes étaient sur des petites hauteurs, pour que les terres artificiellement fertilisées et donc précieuses ne soient pas balayées par les crues. Faute de roche, la plupart des constructions étaient en bois ou autres matières organiques, alors les villes abandonnées ont été prestement avalées par la jungle. Fawcett avait raison, il cherchait au bon endroit, mais, faute des bons savoirs et techniques, il n'y avait pour ses yeux avides pas le moindre vestige à contempler.
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