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samedi 17 octobre 2015

Récits de SF - Rosny Ainé (Un autre monde, Les Xipéhuz ...)


Récits de SF - Rosny Ainé (Un autre monde, Les Xipéhuz, Dans le monde des variants  ...)

Cette anthologie consacrée à Rosny Ainé est très dense, écrite en caractères particulièrement petit, du coup je vais faire son compte rendu en plusieurs fois. Sont également présents Les navigateurs de l'infini, La mort de la Terre et Le cataclysme, textes déjà lus dans un autre recueil, que je vais donc passer sous silence ici. 
  • Un autre monde (1895). Dans à peu près tout ce que j'ai pu lire de lui, Rosny semble fasciné par l'idée d'univers parallèles, même s'il n’emploie pas ce terme. Disons de différentes formes de vie vivant plus ou moins sur le même plan mais ne pouvant avoir aucune interaction, ne se percevant pas. Or, dans cette nouvelle, le narrateur est un être très particulier. Il a la peau violette, les yeux anormaux, un organisme extremement rapide se nourrissant principalement d'aclool, voilà qui semble déjà suffisant pour en faire un exclu. Mais surtout, il a la capacité de voir cet autre monde : à ses yeux seuls s'offre le spectacle de ce règne animal invisible pour le commun des mortels. Ces créatures vivent, se battent, se déplacent ... Et pour manger, elles ne s'abaissent pas à manger leur prochain, non, elles absorbent leur énergie et laissent leur proie en vie. Ce détail est important, Rosny, dans son œuvre, semble en effet vouloir tendre vers un idéal loin des faiblesses du corps. Bref, notre narrateur comprend que s'il veut échapper à la solitude et l'ennui d'une vie de berger, il doit se diriger vers la ville et devenir ... un cobaye. Plutôt amusant quand on pense au cliché moderne de l’être exceptionnel fuyant les hommes de science justement pour ne pas devenir un cobaye. Finalement, il trouve le savant de ses rêves, et ensemble ils vont explorer les mystères de cet autre monde. Cette nouvelle est remarquable de deux façons. Tout d'abord, c'est une excellente histoire de jeunesse. Un jeune homme intelligent et solitaire cherchant sa voie dans la campagne, on pense presque à Hermann Hesse. Ensuite, c'est, il me semble, un point remarquable dans la naissance de la science fiction : Rosny imagine en effet un monde obéissant à une autre science, à d'autres loi. Ce texte a probablement inspiré Maurice Renard pour L'Homme truqué (1921).
  • Le jardin de Mary (1895). Un tout petit texte très poétique sur la mort d'une jeune femme. Encore une fois, on sent l'espoir de la proximité d'autres mondes.
  • Dans le monde des variants (1939). Un thème extremement proche de la première nouvelle de ce recueil, bien qu'écrit 44 ans plus tard. On retrouve un jeune homme fort particulier, Abel, qui a la capacité de percevoir un univers parallèle. Mais contrairement au narrateur d'Un autre monde, Abel peut vivre à a fois dans le plan humain et le plan des variants, comme il appelle les créatures de cette autre dimension. La thématique du corps est plus que jamais présente. Abel expérimente l'amour des humains et des variants, la première n'est que plaisir de la chair, l'autre est délice de l'âme. Et l'on sent que Rosny, comme dans Les navigateurs de l'infini, est attiré par cet idéal de communion et de pureté qu'il décrit avec habilité. Il a vraiment l'air septique envers les possibilités de l'amour terrestre ...
  • Les Xipéhuz (1887). Une nouvelle particulièrement intéressante qui n'est pas sans évoquer La mort de la Terre. Dans un passé lointain, une proto-civilisation entre en contact avec une forme de vie nouvelle, les Xipéhuz. Et rapidement, il s'avère que l'humanité va devoir se battre pour survive. On a droit à quelques scènes de bataille assez épiques, mais le plus intéressants concerne le point de vue choisi. Ces hommes encore pour la plupart nomades vont devoir prendre conscience d'eux-mêmes en tant qu'espèce. Et plus particulièrement, le personnage de Bakhoûn est fascinant. Sorte de philosophe antique, en avance sur son temps, c'est lui qui va prendre en charge la lutte contre les Xipéhuz. Il commence par les étudier par un processus absolument scientifique, en effectuant observations et expériences, puis il applique ses découvertes à la stratégie militaire. Et l'on sent la peine qu'a le sage à devoir éradiquer une forme de vie intelligente, sans avoir jamais pu communiquer avec elle, ou même la comprendre juste un peu.
  • Nimphée (1893). Cette nouvelle assez longue est de loin la plus ennuyeuse jusqu'à maintenant. Lors d'une expédition dans des contrées mystérieuses, le narrateur va rencontrer une race fort sympathique d'hommes amphibies. Puis sa fiancée se fait capturer par une autre tribu, et il court à sa recherche en se lamentant. Il ne cesse d'insister sur la beauté de sa copine, sa pureté, sa douceur, sa vulnérabilité, sa féminité ... C'est un peu lourd. Et surtout il ne passe pas grand chose d'intéressant, le coup de l'amoureuse enlevée, il n'y a rien de plus éculé. Reste les paysages exotiques et l'idée d'humanités parallèles ayant subies des évolutions différentes en fonction de leur environnement.

lundi 28 septembre 2015

La Mort de la Terre - J.H. Rosny Ainé


La Mort de la Terre - J.H. Rosny Ainé

  • Les navigateurs de l'infini (publié en 1925, manuscrit non daté). La première chose amusante avec cette grosse nouvelle, c'est qu'avec un titre pareil, on s'attend à un voyage aux confins du cosmos. Mais non, en fait les trois héros ne vont que sur Mars. On ne saura d'ailleurs rien des détails de leur voyage, ils ressemblent à trois gentlemen qui vont faire un safari en Afrique. Ils arrivent tranquillement sur Mars, se baladent et dissèquent les créatures qui croisent leur chemin. On sent instantanément que ce récit n'a pas très bien vieilli. Mais il est loin d’être inintéressant. Rosny Ainé invente sur Mars une faune assez variée. Il y a les Tripèdes, qui ressemblent à des humains et dont la civilisation est sur le déclin, les Zoomorphes, des créatures plates et dangereuses, parfois gigantesques, qui prennent petit à petit le pas sur les Tripèdes, et pour finir les Éthérés, êtres immatériels dont ne saura pas grand chose. Les héros vont aider les Tripèdes à lutter contre les étranges Zoomorphes, et le narrateur aura une invraisemblable amourette avec une femelle locale. Au delà de l'inventivité concernant la faune, il y une chose que j'ai trouvé fascinante dans ce récit : le rapport au corps. Les héros classent les êtres vivants et placent les Éthérés au dessus d'eux mêmes simplement parce qu'ils n'ont pas de corps, sans rien savoir d'autre sur eux. Quand aux pratiques sexuelles des Tripèdes, voici ce qu'en dit l'auteur : « Leur étreinte, car leur acte nuptial est une étreinte, est extraordinairement pure. C'est tout le corps qui aime, en quelque sorte immatériellement. Du moins, si la matière intervient, ce doit être sous forme d'atomes dispersés, de fluide impondérables. La naissance de l'enfant est un poème. [...] La naissance et la croissance primitive de ces êtres a quelque chose de divin, toute l'infirmité, toute la laideur terrestre en sont bannies, comme elles sont bannies de la caresse nuptiale. » Cette vielle haine occidentale du corps, cette séparation entre un esprit supérieur et une chair inférieure, est le thème le plus marquant de cette grosse nouvelle. 
  • Le cataclysme (1888, reparu en 1896 avec le titre final). La plus petite nouvelle du recueil, qui utilise très bien l'unité de lieu et de temps. Un couple, quelques domestiques, une maison isolée sur un plateau et des phénomènes inexplicables. Les personnages perçoivent des changements, se souviennent d'anciennes légendes, et finissent par céder à leur instinct pour s'enfuir en courant ... Juste un vague petit indice sur l'origine cosmique du cataclysme. Ce qu'il faut en retenir, c'est simplement que certaines choses, bien que probablement explicables scientifiquement, dépassent l'entendement humain, et la seule façon de s'en sortir, c'est de fuir.
  • La Mort de la Terre (1910). Une nouvelle fort intéressante de la part d'un auteur qui a beaucoup écrit sur l'origine de l'humanité (La Guerre du feu ...) : cette fois, cent mille ans dans le futur, c'est la fin de l'humanité. A cause de l'industrie humaine mais aussi pour des raisons naturelles, il n'y a quasiment plus d'eau sur Terre, juste quelques sources autour des quelles sont regroupés les derniers représentants de l'humanité. Plus pour très longtemps. Et dans les vastes déserts se baladent lentement les ferromagnétaux, espèce d'origine minérale que l'on suppose intelligente. Mais encore une fois, comme dans La Force mystérieuse et Les navigateurs de l'infini, la compréhension mutuelle est impossible, un règne est destiné à remplacer l'autre. Bien loin du minimalisme des apocalypses d'aujourd'hui (La Route, Mad Max ...), le début du récit est un peu lourd, la faute à trop d'exposition. Mais une fois que les enjeux se mettent en place, l'ambiance est vraiment là : l'humanité, triste et résignée, ne peut plus faire grand chose pour se sauver. Passer ses journées à voler dans le désert et explorer toutes les grottes possibles pour chercher de l'eau ... mais à quoi bon quand on est plus qu'une dizaine ? Franchement, pour un récit écrit en 1910, difficile de ne pas être enthousiasmé. La plus grande différence, c'est qu’aujourd’hui, après les deux guerres mondiales, les fictions mettant en scène la fin de l'humanité se passent dans un futur beaucoup, beaucoup plus proche ...
220 pages, denoël

jeudi 17 septembre 2015

La Force mystérieuse - J.H. Rosny Ainé


La Force mystérieuse - J.H. Rosny Ainé

Ce roman est vraiment un peu ... fourre-tout. La force mystérieuse dont il est question commence par modifier la nature de la lumière, puis successivement rend les gens agressifs, réduit à néant les propriétés chimiques de nombreux matériaux terrestres, fait baisser dangereusement la température, la fait remonter, donne un boost de croissance aux végétaux ... Et ce n'est que la première moitié du roman. Disons qu'on a un peu l'impression de plein d'idées balancées en vrac. De plus, les expériences scientifiques effectuées par les deux personnages principaux tout le long du récit sont à peu près incompréhensibles, on est bien loin de la limpidité parfaite des expériences de L'Homme élastique par exemple. Cela dit, il est difficile de pas suivre avec un certain intérêt le progrès du chaos d'origine inconnue que nous propose Rosny Ainé. Les hommes sont assaillis par quelque chose qu'ils sont incapables de comprendre, et toute leur science ne les sauvera pas. La seule chose à faire est de se terrer dans un coin et d'attendre, en espérant ne pas faire partie des morts quand l'aube se lèvera ...

Dans la seconde moitié de son roman, Rosny Ainé introduit un nouveau concept fort intéressant. Les hommes sont en quelque sorte parasités par un étrange organisme qui les pousse à s'unir en petits groupes, humains et animaux mélangés. Disons que l'un de ces parasites à besoin de s'accrocher à une vingtaine d’êtres vivants variés et crée entre eux des liens de nature télépathique, mais aussi physique : il devient impossible pour les membres d'un groupe de trop s'éloigner les uns des autres. On devine les nouvelles perturbations sociales que va apporter ce changement. Et cela empire encore quand les groupes, touchés de carnivorisme, s'attaquent entre eux pour dévorer les animaux des autres groupes ... On a d'ailleurs droit à une scène de bataille champêtre assez réussie. Autre aspect intéressant : dans cette campagne où se réfugient les deux scientifiques et leurs compagnons, leur science et leur savoir passent pour du surnaturel. Les locaux les surnomment les sorciers. A une époque où la science-fiction est encore très jeune en France, c'est un détail amusant. Bref, malgré une cohérence assez discutable, La Force mystérieuse est un roman tout à fait digne d’intérêt. On y trouve d'intéressantes idées (novatrices ?) sur les univers parallèles et les formes de vie d'une nature très différente de la notre, sans compter la description réjouissante d'une société se désagrégeant.

190 pages, 1913, petite bibliothèque des ombres