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dimanche 6 septembre 2015
Les femmes de Stepford - Ira Levin
Joana, son mari et ses deux enfants emménagent dans la charmante petite banlieue de Stepford. Grandes maison, larges pelouses, voisins aimables et femmes au foyer, c'est la classique american way of life. Seulement, quelques détails interpellent Joana. Pourquoi n'y a-t-il dans cette ville qu'une seule organisation, le club des hommes, interdit aux femmes ? Pourquoi ces dernières ne semblent s'intéresser à rien d'autre que leur ménage ? Sorties tout droit d'une publicité pour détergent, elles sont soumises à leur mari et ne quittent pas leur maison pour autre chose que faire les courses. Joana va réussir à se faire quelques amies un peu moins ennuyeuses, mais celles ci vont brusquement changer, devenant soudain obsédées par le ménage et leur apparence ...
Les femmes de Stepford n'est pas le livre le plus surprenant qui soit. Vraiment, la couverture semble nous crier au visage que toutes ces ménagères parfaites sont en fait des robots. Et même sans l'illustration on le soupçonnerait bien avant Joana. Mais heureusement, Ira Levin manie fort bien le doute et la paranoïa. Les indices s'accumulent, mais il y a peut-être une explication rationnelle à tout ça ... Joana est peut-être juste un peu perturbée par son déménagement dans une contrée aux coutumes différentes ... Jamais le roman ne tranche pour nous, il n'y a pas de révélation claire et nette. Mais bon, le lecteur n’optera pas pour l'explication la plus terre à terre, ce ne serait pas marrant.
Comme dans Rosemary's Baby et L'invasion des profanateurs, le danger vient de l'intérieur même de la communauté. Les autres changent, la confiance laisse place au doute, puis à la défiance. La structure familiale éclate sous les soupçons. Les femmes de Stepford est particulièrement intéressant grâce à son contexte de guerre des sexes, si l'on peut dire. Le roman s'ouvre même sur une citation de Simone de Beauvoir, pour poser l'ambiance. Les femmes, à l'image de Joana, tentent de s'émanciper, et les hommes veulent, sous leur apparente bonne volonté, conserver leurs privilèges de maitres et seigneurs. A moins bien sur que tout cela ne soit que divagations de l'esprit névrosé de Joana ... Finalement, Les femmes de Stepford est un livre court et prévisible, mais qui vaut néanmoins le détour pour son contexte franchement original (un livre de SF qui parle de la condition féminine !) et la façon dont Ira Levin manie habilement la paranoïa. Un mélange extremement efficace et pertinent.
158 pages, 1972, J'ai Lu
L'avis de Nébal
samedi 22 décembre 2012
Un bonheur insoutenable - Ira Levin
Ira Levin a écrit pas mal de livres qui furent adaptés en film, dont le plus célèbre est Rosemary's baby. Et une fois n'est pas coutume, en ce qui concerne Un bonheur insoutenable, je trouve que le titre du bouquin en français est plus réussit que l’orignal : This perfect Day.
Un bonheur insoutenable est donc une dystopie. Et les dystopies, j'aime ça. Commençons par le commencement : l'univers. Le monde ne forme plus qu'une seule grande nation appelée la Famille, et ses habitants ne sont plus des "citoyens" ou même des "hommes", mais des membres de la Famille. Chaque membre doit régulièrement se soumettre au traitement. Ce traitement contient divers vaccins mais surtout de nombreuses substances chimiques qui ont pour effet, entre autres, de réduire les besoins sexuels, de limiter l’agressivité, d'annihiler tout volonté d’auto-détermination, en bref, de transformer chacun en un imbécile heureux. D'où le tire original comme le titre français. De plus, les membres se ressemblent tous : non seulement ils ont presque le même physique (il y a un modèle masculin et un modèle féminin, répétés à l'infini), mais ils ont tous le même nom : il en existe quatre pour chaque sexe. Et ce ne sont même pas les parents qui décident quel nom choisir entre les quatre possible, non, c'est Uni. Uni, c'est l'ordinateur qui contrôle le monde. Il n'a pas pris le pouvoir par la force, loin de là, il a été programmé par des hommes. C'est lui qui décide par exemple que chacun doit vivre 62 ans, ni plus ni moins, pour des raisons purement pragmatiques d’efficacité.
Le squelette de la trame du roman est plutôt classique. Le héros, Copeau, s'est vu attribuer ce nom officieux par son grand père, un excentrique qui a aussi planté en lui la graine du doute et de la rébellion face à l'ordre établit. On suit Copeau depuis l'enfance, pendant plusieurs dizaines d'années. Il rencontrera un petit groupe de rebelles qui l'initieront au libre arbitre et à la réflexion personnelle en parvenant à lui faire réduire sa dose de traitement. Mais il n'est pas facile de se démarquer quand le moindre petit indice d'anormalité déchaine chez tous les membres une folle envie de vous "aider", car être anormal, c'est être malade. Et en plus, il faut réussir à se cacher de son conseiller, un homme ou une femme chargé de vous surveiller et de prévenir tout risque de déviance, avec qui vous devez avoir de fréquents entretien pour lui faire part de la moindre "friction". Bref, Copeau sera tiraillé entre normalité et volonté de liberté. Un beau jour, il parviendra à s'enfuir jusqu'à une ile non contrôlée par Uni, une ile où les hommes vivent libres. Mais là non plus la vie n'est pas rose : le travail est dur, les logements chers ... Les immigrants sont très mal traités par les autochtones et ne peuvent même pas choisir leur propre nom, on leur en donne un à leur arrivée. Ainsi, c'est comme au sein de la famille : ils ont tous un nom impersonnel et imposé. Ensuite, Copeau partira à la tête d'un petit groupe à l'assaut d'Uni. La situation se révélera finalement être plus compliquée que prévue.
Ce fantasme d'un monde contrôlé par une unique source de pouvoir semble aujourd'hui bien loin de nos préoccupations. En effet, comme chez Orwell où le télécran ne pouvait pas être éteint, les personnages d'Un bonheur insoutenable doivent obligatoirement passer deux heures par jour devant la TV, histoire d’être bien uniformisées et normalisés. Peut être Orwell comme Ira Levin n'imaginaient pas que le télécran serait volontairement laissé allumé et les deux heures de TV journalières largement dépassées de façon tout à fait volontaire. Un bonheur insoutenable parait donc un peu vieillot, mais c'est dur de lui en vouloir, d'autant plus qu'il m'a tout de même énormément plu. Se plonger dans un monde dystopique est toujours riche en enseignements, et je retiendrais ici quelques idées principales. Tout d'abord, le risque de vouloir se débarrasser des tourments du libre arbitre est grand : Uni (ou Dieu, ou tel homme politique, telle grosse société ... ) ne sait-il pas ce qui est bon pour moi mieux que moi-même ? S'il possède ce pouvoir, n'est-ce pas qu'il est apte à l'exercer ? Bref, il est toujours tentant de se libérer de ses responsabilités sur des personnes "mieux qualifiées" qui ne le sont, en réalité, probablement pas. Ensuite, il existe un droit la tristesse, à l'insatisfaction. Une société idéale serait-elle celle dans lequel le bonheur est permanent ? Non. Comment un tel état de fait pourrait-il être autre chose qu'artificiel ? Comment ce bonheur pourrait-il ne pas devenir "insoutenable" ? Copeau a fait son choix : il savait qu'en recevant moins de traitement, il pourrait parvenir à des niveaux de conscience supérieurs, mais que cela s'accompagnerait de tristesse et d'insatisfaction.
Au final, même si Un bonheur insoutenable peut sembler un peu daté et propose une trame non dénuée de défauts, j'ai préféré ne pas trop m'y attarder pour évoquer le plus important : l’univers dystopique décrit, dans lequel la tyrannie repose sur un bonheur artificiel très confortable. Bref, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de répression visible qu'il y a pour autant liberté : il est si facile de mettre de coté son esprit critique et sa volonté propre pour se prélasser dans la norme, dans le politiquement correct. Il est bon de lire de temps en temps des romans qui nous le rappellent, et Un bonheur insoutenable est de ceux là. Une dystopie riche en idées et très accrocheuse, à lire.
372 pages, 1970, J'ai lu
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