mardi 27 avril 2021

Trouver et manger 7 plantes sauvages comestibles sans bouger (vidéo)

Je viens de rentrer d'une semaine passée dans une petite ferme (récit à venir sous peu). Je n'avais pas pris de matériel vidéo, ce n'était pas l'idée, mais il y avait tant de choses sauvages à manger que, à un moment, quand je me suis assis et ai vu autant de plantes sauvages comestibles autour de moi, je me suis dit que je devrais faire une petite vidéo. Filmée à l'arrache avec mon portable, qualité médiocre de l'image, mais c'est la première fois que je m'adresse à la caméra, et sans préparation : expérience intéressante.

Sous-titres français disponibles en bas à droite et lien direct vers la vidéo.

lundi 12 avril 2021

The Fifth Science - Exurb1a

The Fifth Science - Exurb1a

The Fifth Science (2018) d'Exurb1a est un recueil de nouvelles connectées et centrées autour du thème de l'intelligence non-humaine : c'est la cinquième science du titre, la capacité à insuffler l'intelligence à n'importe quoi. On va donc de l'IA classique aux étoiles conscientes. Les nouvelles sont bien sûr inégales, parfois un peu naïves, mais le niveau global est très élevé. C'est de la SF qui explore les limites de l'humain et de l'intelligence sur d'énormes échelles temporelles et spatiales, j'aime ça.

Le premier texte, For Every Dove a Bullet, est excellent. Une entité désincarnée ressemblant à un esprit humain nait dans l'esprit d'un véritable humain. On suit son parcours et son évolution au fil des millénaires, sa quête pour comprendre sa propre identité. L'ampleur ramassée dans une simple nouvelle est remarquable, on jongle entre les époques et les niveaux de technologie sans aucun sentiment de confusion. La quête intime d’identité est mêlée à la destinée galactique de l'humanité et à des considérations morales plutôt bien amenées. Un début qui met en confiance. Le second texte, The Menagerie, est inférieur pour une raison simple. Un homme, la mémoire en vrac, se réveille dans une station de recherche habitée par une humaine suspecte et des IAs encore plus suspectes. Scénario horrifique classique et habilement développé, mais rabaissé par une facilité narrative : l'horreur est basée sur la répétition presque quotidienne de la résurrection et de la torture du protagoniste pendant des siècles, alors s'il est par exemple la millième incarnation de ce processus, pourquoi la méchante IA prend-elle le temps de lui expliquer son plan machiavélique comme s'il était James Bond ? Est-ce qu'elle a expliqué son plan déjà mille fois auparavant à toutes ses incarnations précédentes ? Peut-être, ça pourrait faire sens dans l'intrigue, mais en l'état ce détail affaiblit la narration. A Dictionary revient vers les grands espaces et la colonisation spatiale. Un médecin blasé se retrouve impliqué dans l'accident d'un vaste vaisseau stellaire, accident en lien avec l'existence d'anomalies d'origine intelligente. Il n'y a pas vraiment de dénouement précis, mais la narration reste très efficace, et même touchante, notamment à travers la déconnexion entrainée par le décalage temporel lié aux voyages stellaires.

And the Leaves All Sing of God évoque la quête de connaissance des IAs, quête qui se heurte à plusieurs impasses qui semblent avoir été laissées là par une intelligence encore supérieure. Les aventuriers qui s'y frottent se suicident ou ne reviennent pas sains d'esprit. The Lantern mélange unité de temps et de lieu avec vastes horizons temporels et spatiaux. Les humains ont crée les lanternes, d'étranges créatures capables de guider les vaisseaux à travers ce qui, dans cet univers, fait, je crois, office d’hyperespace. Mais les lanternes étaient autrefois des humains, et parfois, elles doivent faire de nouvelles recrues. The Want Machine est une petite fable sur une machine qui a la capacité de détruire les désirs humains qui empêchent de trouver le bonheur... Évidemment, l'esprit humain n'est pas aussi simple. Water for Lunch est sans doute la nouvelle la plus faible. Elle n'est pas activement mauvaise, mais c'est une dystopie on ne peut plus convenue, avec tous les clichés du genre, et une morale du type "les réseaux sociaux c'est pas bien ça coupe du réel". The Girl and the Pit relève le niveau et explore habilement, malgré une fin bizarre, l'hypothèse de la civilisation extraterrestre cachée. Pour vivre heureux, vivez cachés ! Et réfrénez les ambitions. Be Awake, Be Good est un gros morceau, et un un morceau de qualité. On a presque l'impression de lire un texte de la Culture de Iain Banks. Deux factions avancées aux projets opposés se livrent bataille sur une planète plus arriérée, avec en fond une humanité qui s’éteint doucement pour laisser la place aux étoiles conscientes, dont les projets sont potentiellement inquiétants. La construction non chronologique fonctionne bien et c'est riche en bonnes idées. Je regrette une facilité : l’enjeu est d’influencer l'intelligence d'une nouvelle étoile consciente, et de la façon dont c'est raconté, on a l'impression qu'il suffit de lui dire "be good"... Néanmoins, de la très bonne SF. The Caretaker se la joue encore une fois fable morale sur fond de voyage temporel. Pas mal, mais le twist est un peu gros. Lullaby for the Empire conclut efficacement sur le crépuscule de l'humanité, qui laisse la place à ses créations plus intelligentes qu'elle, créations qui elles-mêmes sont sur le point de façonner ce qui leur sera supérieur.

vendredi 9 avril 2021

Une ferme résiliente - Ben Falk

Une ferme résiliente - Ben Falk

The Resilient Farm and Homestead de Ben Falk (2013, Une ferme résiliente et productive pour vivre à la campagne en français) a un côté manuel, mais c'est avant tout une sorte de mémoire autour de l’expérience de l'auteur à la ferme Whole System Design. Ben Falk gagne sa vie en conseillant autrui sur la conception de terrains à visée d'habitation durable et d'autosuffisance alimentaire, et il pratique ce qu'il prêche (dans un contexte bien plus froid que le climat français moyen). Il y a beaucoup de choses là-dedans, c'est dense, et si j'ai sauté quelques pages, l'ensemble est tout à fait solide et recommandable. Je ne fais ci-dessous que relever quelques points dans toute cette densité. Je me concentre surtout sur le végétal, mais il est aussi question de construction et de conception des lieux de vie, notamment le rôle capital du poêle à bois pour le chauffage, la cuisine, ou même l'eau chaude...

Ben Falk évoque les différentes méthodes alternatives pour gérer la terre, et notamment l'agroforesterie mélangée à de l'élevage léger et diverses autres cultures (le tout sous les arbres), méthode qui semble avoir eu une place capitale dans l'histoire de l'humanité (voir l'article Les jardins-forêts perdus d'Europe). Ces systèmes, qui privilégiaient notamment les glands, les noisettes et les châtaignes, offrent une remarquable productivité et une grande variété (nourriture végétale et animale, bois...) mais ne sont pas compatible avec l'hyper-efficacité de la monoculture qui génère des surplus, et encore moins avec la monoculture industrialisée. Un arbre, sur le long terme (et c'est bien le point problématique), est particulièrement efficace pour convertir lumière et eau en calories. Passée les premières années, l'arbre (surtout s'il n'est pas dans une monoculture qui le prédispose aux maladies et limite les denrées alternatives) devient quasiment autonome. Résilience des systèmes biologiques contre panne inéluctable des systèmes mécaniques. Et quelle ressource (chaleur, construction) plus intemporelle que le bois ?

On retrouve bien sûr les mêmes points que dans Introduction à la permaculture et Edible Forest Gardens : si la complexité dans les systèmes mécaniques ne mène que plus sûrement à la panne, la complexité (ici gérée) dans les systèmes biologiques est un gage de solidité. L'efficacité d'un système mécanique (pompe de l'eau d'un aquifère) se fait au prix de la résilience (lieu de vie choisi en fonction de la présence d'eau en surface, voire naturellement distribuée par la gravité). Ceci dit, l'auteur ne fait pas dans l'idéalisme et ne dit pas non aux systèmes mécaniques pendant qu'ils sont là : il utilise des véhicules quotidiennement, parfois un excavateur, souvent des tronçonneuses...

Une bonne idée pour la création d'un verger ou forêt-jardin : si les arbres plantés (ici des noyers) doivent être prudemment espacés pour laisser entre eux l'espace désiré quand ils seront matures, il est néanmoins possible de les planter plus rapprochés ; les arbres commencent à donner alors qu'ils sont encore jeunes, et il est possible d'en couper plus tard certains, pour faire de la place aux autres, tout en profitant de plusieurs années de récolte et de leur bois. Et une anecdote sur l'adaptabilité : l'auteur voulait faire un verger à un endroit, mais les trous pour les arbres se sont rapidement remplis d'eau. Il a compris que l'endroit était naturellement très humide (je suppose qu'il est question de ce qu'on appelle niveau hydrostatique) alors il a finalement fait des rizières à la place. D'ailleurs, quand on cultive des céréales à petite échelle, se pose la question du décorticage : l'auteur a été assez chanceux pour mettre la main sur une petite machine à décortiquer le riz, mais c'est un point à ne pas négliger. Il mentionne aussi la différence entre son riz "frais", qui cuit en 15 minutes, et le riz "sec" en magasin.

Il est évidemment beaucoup question d'eau, et je retiens particulièrement la création de divers plats et bosses sur les pentes pour retenir l'eau, la forcer à s’infiltrer au lieu de la laisser dévaler. Il s'agit de tout faire pour retenir l'eau sur le terrain, et la conserver pendant les périodes sèches (d'où les étangs). Les étangs, grâce à l'inertie thermique de l'eau, ont aussi l'avantage de conserver la chaleur. De plus, un même terrain a plus de surface s'il est ondulé que s'il est plat, et plus de surface signifie plus d’opportunité d'absorber l'eau et plus d'humus. L'eau est aussi utilisée, via la gravité, pour disperser naturellement les nutriments, par exemple ceux de la pile de compost. Les plantes pérennes à racines longues favorisent le ralentissement et l'infiltration de l'eau (et sont plus résistantes aux sécheresses). En revanche, les pérennes sont bien plus difficiles que les annuelles à sélectionner génétiquement pour leurs résistances diverses, à cause de leur rythme de reproduction bien plus lent.

Astuce pour se faire une idée de l'humidité d'un terrain : laisser un sceau dehors pendant un an et observer la variation de son niveau d'eau. Le sceau devient une petite simulation du niveau hydrostatique.

Creux et monticule en terrain plat


Si les animaux peuvent parfois se refiler des maladies, ici, les poules protègent les moutons des mouches parasites.

Je reproduis quelques-uns des derniers mots de l'auteur :

This book could have been aptly called “The Empowering Lifestyle.” Truly, that’s the biggest reason I stay in it—not to fix the world (it might be broken beyond repair, who really knows?), not even to build fertile soil and plant a new forest. Those are big motivations to be sure, but perhaps the most consistent day-to-day fulfillment comes from having a central role to play in my own survival and thrival, from keeping myself warm, to feeding myself, to enlivening each day with a swim in the pond, a ski through the rice paddies, a night on the rock under the silent stars. Enlivening the land around me and the person within me has been the most dependable outcome of this lifestyle. And that’s been a surprise. The shape my life has taken here does not stem from some grand design but from a series of small actions—trying a pond here, a rice paddy there, a seaberry plant here, a swale there, some mushroom mulch over here. With each passing season the outcome of these tiny experiments becomes visible. I start to see what works, adjust, and try more new things. Each of these things unfolds. Being open to that unfolding is key. It’s so easy to expect specific outcomes, but that hides possibilities. About four years ago a student asked me, “If you could offer one piece of advice about how to make a landscape work, what would it be?” My answer was as simple then as it is now, “Try stuff.”

lundi 5 avril 2021

Devolution - Max Brooks

Devolution - Max Brooks

Une petite communauté isolée contre une horde de monstres, ici des bigfoot/sasquatch/yétis : un cliché narratif on ne peut plus classique, tout dépend donc du traitement. Hélas, Devolution de Max Brooks est un échec complet. Le début parvient à faire illusion : cette petite communauté est montée par un grand nom de la tech pour mettre en avant un concept de vie à la fois écologique et hyper-connectée. Le beurre et l'argent du beurre : la bonne conscience sans renoncer au moindre confort. Leçons de yoga et courses livrées par drone, safe spaces et smart homes, week-end à l'appartement de Seattle quand on en a marre de la montagne... On est carrément dans de la satire sociale, Max Brooks s'attaque à l'écologisme de façade qui n'est qu'un techo-utopisme réservé à ceux qui ont les moyens de se l'offrir, le tout lié à une morale qui idéalise terriblement la nature, et tout ça est plutôt marrant.

Par contre, une fois le premier tiers passé, le niveau chute drastiquement. On sait à l'avance l'essentiel ce qui va se passer, Brooks n'offre absolument rien d'original, et son écriture simpliste devient rapidement un inconvénient quand narration et propos sont également simplistes. Cette histoire de communauté contre des monstres, tout le monde l'a déjà lue et vue 100 fois. Je me suis rapidement mis à survoler le texte tant il a peu à offrir. Le développement des personnages devient comique de médiocrité : le couple alpha, quand les problèmes commencent, sombre instantanément dans le déni et l’effondrement mental, alors que nos deux héros, normalement des gens timides et réservés, se transforment en chefs de guerre pleins de ressource. Alors oui, l'idée c'est que l'adversité révèle l’identité véritable, mais c'est tellement gros, tellement pas subtil... Même chose pour Mostar, la vieille qui fait office de piqure de réalité pour les idéalistes qui n'ont jamais fait face au moindre problème réel. Ce personnage s'est donné pour nom le nom de la ville des Balkans où elle vécu les horreurs de la guerre civile. Encore une fois, donner à son personnage le nom de son trauma, c'est tellement gros...

samedi 3 avril 2021

Atmosphæra Incognita - Neal Stephenson

De Neal Stephenson, j'avais déjà entamé Le samouraï virtuel (Snow Crash) et plus récemment Anathem. Deux très gros romans qui me sont rapidement tombés des mains. Atmosphæra Incognita est bien plus court, une centaine de pages. La couverture est jolie, et en combinaison avec le titre, je m'attendais à de l'exotisme sur une autre planète. Mais non : on est bien sur Terre.

Comme par exemple avec The fountains of paradise d'Arthur C. Clarke, on est là dans ce que j’appellerai de l'ingénierie-fiction. Un type riche veut construire une tour de 20km, et hop, voici le récit de sa construction. L'avantage de ce petit texte, c'est que contrairement à mes autres tentatives de lecture de Neal Stephenson, ça ne traine pas en longueur. Ça va même très, très vite. Les personnages sont des prétextes pour parler de la tour, et la tour elle-même est assez décevante. Il y a quelques notions intéressante : la tour a des "ailes" qui l'aident à rester stable, elle est frappée par des rayons gamma qui viennent de la Terre elle-même... Pourtant, l'ensemble est plutôt vide. La fin est très symptomatique : une petite situation catastrophe, un type meurt, et hop, point final. Quitte à parler essentiellement de la tour, il aurait été bon d'explorer son avenir à long terme, notamment son rôle dans l'exploration spatiale, les découvertes scientifiques qu'elle pourrait permettre, ou simplement offrir une fin ouverte qui suscite la curiosité... Au final, bof, pas grand-chose dans ce petit texte à part la fictionnalisation très sommaire de la construction d'une grosse tour.