mercredi 30 mars 2022

De la tranquillité de l'âme - Sénèque

De la tranquillité de l'âme - Sénèque

Détail amusant : j'ai fini ce petit traité sur une terrasse froide et ombragée alors qu'on me posait un lapin, ce qui m'a donné l'occasion de pratiquer l'équanimité du philosophe face aux caprices de la fortune. Blague à part, j'avais déjà lu ce petit texte de Sénèque, ainsi que d'autres, il y a des années. Les stoïciens m'avaient profondément touché, et Sénèque, Marc-Aurèle et Épictète sont sans doute, avec Lovecraft, les auteurs que j'ai le plus relu au cours de ma vie d'adulte.

Dans cette édition, la longue préface de Paul Veyne a le bon goût de ne pas simplement être une stérile démonstration d'érudition et d'offrir quelques utiles clés de lecture en replaçant l’œuvre dans son contexte. Sénèque s'adresse à son ami Sérénus, apprenti stoïcien qui a été chef des pompiers de Rome. Pour remettre son ami sur la voie du philosophe, Sénèque pond un texte à portée générale plaisante pour nous mais que j'imagine déconcertant pour le pauvre Sérénus, qui s'attendait peut-être à des conseils plus spécifiques. Notons que quand Sénèque encourage le sage à se lancer en politique, il ne s'agit aucunement de la politique telle qu'on l'entend aujourd'hui : il n'est pas question d'avoir des opinions, mais de servir l’État et la communauté humaine en quittant son loisir bourgeois pour occuper des fonctions publiques. La vrai question est : le sage doit-il occuper des fonctions publiques ou choisir la retraite ? La vertu et le bonheur se trouvent-ils dans la société ou au contraire dans son rejet ? Et si la perspective de Sénèque est celle du sommet absolu de la société de son époque, ses propos ne sont pas pour autant détachés du réel, au contraire, puisqu'il s'agit de relativiser sa position dans le monde social pour se jouer des chaînes de Fortune.

Merci à Paul Veyne de me rappeler le terme eudémonisme, doctrine du bonheur comme souverain bien. L'équilibre du stoïcisme repose donc sur deux piliers : d'un coté cet eudémonisme, et de l'autre l'éthique, qui privilégie le bien moral (mais tend à l'associer au bonheur). Ce numéro d'équilibrisme façonne ma propre existence. A mon sens, l'éthique suprême de la modernité est l'éthique environnementaliste, car elle est la condition de toutes les autres, la question est donc : comment concilier cette éthique et l'eudémonisme ?

Les propos de Sénèque, 2000 ans après leur rédaction, ne manquent pas d’éclairs de génie. Je note cette observation confirmée par la science : « Considérons combien nous supportons plus aisément ne rien posséder que de perdre ce que nous possédions. » Une fois cette connaissance acquise, comment ne pas observer d'un œil neuf les gesticulations humaines ? De plus, si la notion de divinité, à l'époque, se déplace lentement d'une certaine indifférence protéiforme vers une métaphysique platonicienne qui deviendra chrétienne, j’apprécie tout particulièrement cette vision des dieux :

Si on doute du bonheur de Diogène, on peut alors douter tout autant de la condition des dieux immortels et se demander s'ils ne sont pas malheureux de ne pas posséder de domaines, de jardins, de terres mises en valeur par un métayer ou encore de ne pas pratiquer l'usure à taux élevé sur le forum ! N'as-tu pas honte, qui que tu sois, d'être fasciné par la richesse ? Regarde donc le ciel : tu verras les dieux, nus, donner tout et ne posséder rien. Considères-tu comme pauvre ou à l'image des dieux immortels un homme qui s'est défait de tous ses biens soumis aux caprice de la Fortune ?

Excellent ! Je n'ai aucun doute que Sénèque varie sa vision des dieux selon l'argument qu'il veut faire passer... Et, comme toujours, je suis touché par la façon dont les stoïciens envisagent la mort :

Que la nature, notre première créancière, nous mette en demeure de la rembourser, et nous lui dirons : « Reçois mon âme meilleure que tu ne me l'as donnée : je ne cherche ni esquive ni échappatoire. C'est de mon plein gré que je t'ai préparé et te remets ce que tu m'avais donnée sans que j'en aie conscience... Emporte-le ! »

Sans oublier les outils d'une certaine invulnérabilité, visualisation négative que, finalement, j'ai envie d’appeler réalisme et comment être heureux sans être réaliste ?

Dans ce cycle interminable de réussites et de vicissitudes, si on ne considère pas comme devant se réaliser toute éventualité, on fournit contre soi-même des armes à l'adversité alors qu'on peut la briser si on la voit venir.

jeudi 24 mars 2022

Salade sauvage avec 5 plantes faciles à trouver

Hop, dans cette petite vidéo je récolte 5 légumes sauvages communs pour en faire une agréable salade. Outre mon habituelle lutte pour gérer le focus seul, je parle plus que jamais, en anglais, et je suis par la suite hautement frustré en entendant mes fautes de grammaire. Ce qui, finalement, ne me change guère de ce blog.

Sous-titres français disponibles et lien direct vers la vidéo.

mercredi 16 mars 2022

Vivre avec la terre I - Permaculture, écoculture : la nature nous inspire - Pierrine & Charles Hervé-Gruyer

Premier tome d'une masse de 1000 pages par les fondateurs de la ferme du Bec Hellouin en Normandie, ferme qui s'est retrouvée être en France à l'avant-garde des pratiques agricoles écologiques, à petite échelle, et pour l'instant marginales. (Ou peut-être juste la plus médiatisée, mais passons.) De plus, cette ferme a l'avantage d'être le sujet de diverses études scientifiques. La permaculture, on connait, quant à l'écoculture, c'est une création des auteurs qui recoupe fortement la permaculture, mais se veut plus pratique et concrète.

Commençons par quelques réserves. Sur la forme, on peut regretter la présence parfois abusive de photos de pleine page qui n’apportent pas grand-chose, et le fait que chaque nouvelle partie est introduite par une double page blanche, ce qui cause au moins 34 pages blanches sur les trois tomes. Et sur le fond, je regrette quelques passages qui parlent de "mandalas de fleurs", d'une vague "énergie", de "pensée positive", etc. Ceci dit, c'est chipoter : l'ensemble est riche, pragmatique et solide scientifiquement. Après avoir fini ce premier tome, j'ai hâte de me jeter avidement sur le second.

Déjà, notons que les auteurs, sans être catastrophistes, sont clairement dans une perspective d'effondrement. En somme, si on continue comme ça, effondrement, si on arrête tout, effondrement. Ils choisissent de ne quasiment pas utiliser d'engins motorisés, de rester aussi low-tech que possible, etc., même si la frontière est toujours arbitraire : ils indiquent à un moment avoir tout de même un petit tracteur dont le moteur sert à activer un broyeur à végétaux, et les serres sont une obligation pour rester viable économiquement. D'ailleurs, cette viabilité économique est centrale : avec une surface de maraîchage qui ne dépasse pas quelques milliers de mètres carrés, ils sont rentables et ont créé des emplois permanents. Études à l’appui, ils affirment que sur 1000m² (dont une moitié sous serre) ils produisent autant de légumes (en valeur) que sur un hectare mécanisé, le tout en partant d'un sol ingrat. Impressionnant. A l'inverse de l'agriculture intensive classique dépendante aux engrais de synthèse non renouvelables, qui appauvrit et à long terme détruit les sols, leur approche construit un sol riche et sain, le tout en monopolisant moins de terres et en étant bien moins dépendant au pétrole. 

Un bref résumé des pratiques circulaires de la ferme du Bec Hellouin :

Plus de sol → plus d'eau → plus de végétaux → plus de pluie → plus de végétaux → plus d'animaux → plus de sol

La capacité d'un sol à absorber l'eau de pluie augmente avec sa richesse en matière organique, qui agit comme une éponge. Il y a aussi une corrélation entre la teneur en matière organique et la pluviométrie : des sols riches en matière organique font pousser une végétation plus dense, et l'évapotranspiration des plantes est l'une des causes principales des pluies. Cette logique est contraire à celle de l'agriculture contemporaine, qui "ignore" le sol et nourrit les plantes avec des intrants de nutriments solubles et directement assimilables. J’apprécie la perspective du sol comme "système digestif" : les organismes du sol rendent les éléments du sol biodisponibles pour les plantes.  De plus, un sol sain ne doit pas être compacté, pour favoriser la croissance des racines et la teneur en oxygène, importante pour les divers micro-organismes. Ainsi une densité racinaire forte favorise les micro-organismes du sol. Le carbone entre dans le cycle du vivant via la photosynthèse : les végétaux utilisent l'énergie du soleil pour transformer le CO2 atmosphérique en carbone organique (sucres/glucose) et en oxygène. La rupture des chaines de carbone par les micro-organismes du sol, rupture qui rend les nutriments accessibles aux plantes, s’appelle la minéralisation.

Les racines sont l'un des facteurs qui enrichissent le sol : un arbre perd en moyenne 30% de ses racines chaque année et celles-ci retournent au sol, en plus de l'aérer en "creusant". La macrofaune du sol consomme ces racines et aère elle aussi le sol, ce qui augmente sa capacité à absorber l'eau. Les lombrics, quant à eux, enrichissent le sol avec leurs déjections extrêmement fertiles. De plus, les organismes vivants stockent les nutriments dans leur corps, ce qui évite la perte de ces nutriments par lessivage. Ils "rendent" les nutriments à leur mort. Je note, page 97, la présence du tableau du rapport C/N (carbone/azote) des différentes matières, auquel je me référerai probablement souvent à l'avenir.

Quelques détails sur le fonctionnement des plantes. La photosynthèse (CO2 in, O2 out) n'a lieu que le jour, mais la respiration (O2 in, eau et CO2 out, production d'énergie) le jour et la nuit : c'est pourquoi une plante dégage de l'oxygène pendant le jour et en absorbe pendant la nuit. Tant que la plante croît, l'équilibre est en faveur de la photosynthèse, donc de l’absorption de CO2. Quand la plante meurt, le carbone est progressivement libéré dans le sol et l’atmosphère. La plante transpire et perd de l'eau quand elle ouvre ses stomates pour absorber le CO2 nécessaire à la photosynthèse. En cas de manque d'eau, la plante ferme ses stomates et donc ne peut plus effectuer d'échange gazeux : la photosynthèse est impossible, la croissance s’interrompt. Dans le même ordre d’idée, le vent favorise l'évaporation de l'eau. Donc, si le vent est certes bon pour assainir les feuillages, les végétaux ferment leurs stomates face à trop de vent et donc interrompent la photosynthèse.

Les auteurs mentionnent leurs erreurs initiales de conception :

  • Déjà, le trop grand éparpillement de leurs terres, qui nuit à l'optimisation.
  • La trop grande ambition en surfaces de maraichage. Ils les réduisent chaque année pour optimiser. Le cœur intensif de la ferme, qui crée plusieurs emplois, ne fait que 1,2 hectares, et seulement 1000m² sont cultivés intensément en maraichage
  • Trop de diversité initiale dans les cultures, ce qui encore une fois réduit l'optimisation. On peut avoir une végétation riche et variée sans chercher à cultiver des centaines de variétés, comme ils ont tenté initialement.

Toujours dans l'idée de jouir des avantages d'un système complexe, chaque zone qui n'est pas cultivée intensément fournit néanmoins de nombreux services :

  • Forêt-jardin : fruits et autres plantes comestibles, pâturage occasionnel, brise-vent, source de biomasse, source de biodiversité
  • Mares : source d'eau pour l'arrosage mais aussi par capillarité, contribue à des microclimats avantageux (inertie thermique de l'eau et réfléchissement des rayons solaire), biomasse, (roseaux, consoude et même vase), abrite grenouilles et crapauds qui bouffent les limaces, élevage de poisson, plaisir esthétique et loisir
  • Pré-verger : pâturage, bois à fourrage, fertilité (déjections des animaux), force de travail des animaux de trait

Point capital : le but est de tendre vers l'autofertilité. Sur un terrain de par exemple 1 hectare, on cultive intensément 1000m² à la main, et on utilise la biomasse, déjections, etc. des 9000 autres m² pour nourrir le sol des zones de culture intensive. Dans les faits, il n'y a cependant pas de raison de se priver d'intrants qui viennent des alentours (fumier, BRF...), et la ferme du Bec Hellouin en profite abondamment, ce qui encourage à relativiser l'autonomie réelle possible.

Quelques rappels des problèmes de l'agriculture classique :

  • L'érosion éolienne des sols nus
  • L'érosion hydrique de sols tassés ou déstructurés
  • La lixiviation : l'entraînement par l'eau de pluie des ions minéraux dans les terres pauvres en matières organiques
  • La tendance à la croissance perpétuelle des besoins en engrais chimiques car ces mêmes engrais nuisent à la santé du sol
  • Les problèmes de santé humaine causés par les pesticides

Ainsi les auteurs évoquent la Haute-Normandie, qu'ils connaissent bien. Le taux de matière organique de la terre des plateaux en monoculture classique est tombé à 0,8% : les sols ne se tiennent plus, l'érosion est importante, et ces terres se retrouveront bonnes à rien en cas de manque d'engrais de synthèse. A l'inverse, les pratiques encouragées par les auteurs sont celles-ci : sol presque toujours couvert, apport de matière organique plutôt que d'engrais (donc construire un sol riche et sain), travail minimal du sol, agroforesterie, pas de produits chimiques...

Le paillis, ou mulch, est une version anthropisée de la litière qui recouvre et nourrit le sol dans la nature. Les vertus sont nombreuses : protection du sol contre le soleil, l'assèchement, la compaction, régulation de la température et de l'humidité, compostage en place, moins de désherbage, enrichissement de la vie du sol... Les auteurs préconisent de ne pas cultiver (en buttes permanentes) une surface supérieure à celle que l'on est en mesure de pailler. Les allées entre les buttes peuvent aussi servir de lieu de compostage en place, spécialement pour les paillis carbonés, plus abondants, qui quelques années plus tard peuvent être transférés sur les buttes. Ainsi 20 centimètres de paillage annuels (qui provient essentiellement du terrain lui-même) peuvent créer un ou deux centimètres de sol. Notons aussi l'utilisation d'un hache-paille, type d'ancien broyeur à végétaux dénué de moteur, devenu difficile à trouver. Autre option : avoir à disposition un billot de bois et un hachoir pour débiter rapidement la biomasse de type tige épaisse.

A propos de compost, je noterai surtout de choix de composter les adventices en graines à part : un compostage réussi est supposé tuer les graines, mais ça ne fonctionne pas toujours. Ce compost "sale" sert cependant au repiquage des courges, qui s'en contentent joyeusement. De même, le compost humain des toilettes sèches est utilisé seulement pour les arbres. Les poules, quant à elles, s'intègrent très bien à un système de compostage : elles apprécient l'abondance de vers et l’enrichissent de leurs déjections. Les buttes permanentes sont surtout dédiées au repiquage et semblent se contenter du paillage, l'essentiel de compost va donc aux planches permanentes plates destinées aux semis directs.

De l'importance du point de départ.

Les questions de biochar, de thé de compost et autres cultures de micro-organismes ne me semblent pas essentielles, mais je note néanmoins l'affirmation suivante, frappante si fondée : un substrat de rempotage comprenant du biochar inoculé en micro-organismes permettrait une croissance jusqu'à 3 fois plus rapide des jeunes plants.

En plus de toutes les qualité de cette approche de l'agriculture, n'oublions pas les capacités de séquestration du carbone organique, de très loin supérieures à celles de l'agriculture conventionnelle.

samedi 12 mars 2022

Destinées improbables : Le hasard, la nécessité et l'avenir de l'évolution - Jonathan B. Losos

Destinées improbables : Le hasard, la nécessité et l'avenir de l'évolution - Jonathan B. Losos

La thèse centrale, passionnante, est dans le sous-titre : les rôles respectifs du hasard et de la nécessité dans l'évolution. En d'autres mots : la contingence et la convergence. Laquelle de ces deux forces domine le processus évolutionnaire ? Comme d'habitude, la réponse est évidente : la vérité se trouve quelque part au milieu. Le livre prend ainsi le temps de décrire de nombreuses expériences scientifiques en détail, ce qui ne manque pas d'intérêt : ces expériences sur l'évolution sont particulièrement évocatrices et elle imposent l'idée que l'évolution est un phénomène parfois étonnamment rapide, qui peut tout à fait être observé avec succès sur un temps très réduit. Dommage que le livre, faute de véritablement développer l'idée centrale autrement qu'en décrivant des expériences de façon toujours plus minutieuse, finisse par s’avérer un peu lassant. Attention : ce petit compte-rendu est un peu plus tiré de juste ma mémoire que d'habitude.

La convergence évolutive, c'est par exemple les porcs-épics de l'ancien monde et du nouveau monde qui convergent vers la même forme de façon indépendante, alors qu'ils sont deux espèces bien différentes. On retrouve ce phénomène partout : les serpents à bec, l'apparition de la caféine dans certaines plantes, l'apparition du vol, des yeux, ou même de l'agriculture pour les humains, mais aussi l'agriculture pour les termites et fourmis, etc. Le vol est apparu trois fois chez les vertébrés : oiseaux, chauve-souris et ptérosaures. Notons que ces trois adaptations concernent la même fonction, mais cette fonction est obtenue par les traits physiques différents. De même pour l'alimentation par filtration d'eau des baleines (mammifères) et des requins-baleines (poissons cartilagineux), sans parler des traits plus évidents qui permettent la nage et la vie sous-marine.

Dans le même temps, les mutations à l'origine du processus évolutionnaire sont aléatoires : même si les organismes tendent à converger vers une forme adaptée à un environnement donné, cette forme ne peut émerger que par le hasard des mutations, hasard qui n'est pas forcément déterminé et reproductible. Par exemple, les ornithorynques sont très bien adaptés à leur environnement (les petits cours d'eau) et pourtant aucune bestiole semblable n'est apparue ailleurs qu'en Australie. Même chose pour les kangourous, qui sur le plan écologique occupent un peu la même niche que les cerfs ou les bisons. On retrouve un phénomène similaire avec les lémuriens à Madagascar. Les chemins évolutionnaires se développant sur le très long terme, l'évolution ne peut agir qu'avec le "matériau" qu'elle a sous a la main à un endroit et un moment donné : ainsi il n'y a pas de forme optimale qui sort de la fabrique de la nature, mais des formes qui tendent vers l'optimisation et qui sortent d'un réservoir biologique donné, lui même déterminé par ses millions d'années d'histoire évolutionnaire. Ainsi un oiseau (le kiwi) peut évoluer pour occuper la niche écologique d'un rongeur, mais il ne va pas se transformer en rongeur, de même que les rongeurs ne deviennent pas des kiwis. Donc, on a à la fois convergence (vers des traits adaptatifs précis) et hasard (chaos évolutionnaire à partir duquel émergent ou non les traits adaptatifs précis).

Les marsupiaux australiens convergent avec leurs homologues placentaires : taupe marsupiale – taupe ; phalanger volant – vrais écureuils volants ; wombat – marmotte commune ; dasyure – chat sauvage ; thylacine – loup :


L'auteur raconte avec grands détails les expérience qu'il a mené sur des ilots où ont été introduits des lézards qui, preuve par l'observation, ont évolué pour s'adapter à leur nouvel environnement. Les choses peuvent aller vite, par exemple : une tempête balaie tous les lézards qui ont des pattes trop petites pour bien s'accrocher, ou une période de sécheresse tue tous les lézards dont la taille les rends moins résilients, et hop, en quelques années on a des changements significatifs chez leurs descendants, des changements qui tendent à répondre à des pressions évolutionnaires bien précises. Les îles sont les environnements parfaits pour observer ces phénomène, pour les oiseaux également.

La capacité de l'évolution à agir très rapidement d'autant plus frappante pour les micro-organismes, notamment concernant leur résistance toujours croissante aux antibiotiques et aux pesticides. Étonnamment, tout le monde est conscient de cet exemple de la rapidité des processus évolutionnaires, sans pleinement le réaliser !

Il y a de nombreuses autres expériences évoquées, notamment à propos des pinsons "de Darwin", qui comme les lézards répondent extrêmement vite aux pressions évolutionnaires, les poissons guppy, dont la couleur évolue en fonction de plusieurs facteurs dont la présence ou non de prédateurs, et la bactérie E. coli (expérience de Lenski), qui offre peut-être l'exemple le plus frappant de mutation purement aléatoire aux conséquences énormes.

Sur le plan végétal, notons aussi l'expérience de Park Grass, où depuis plus de 100 ans des parcelles de terres amendées différemment sont laissées à elles-mêmes. Ce n'était pas l'objectif initial, mais aujourd'hui c'est très utile pour examiner l'évolution des végétaux dans différentes niches maintenues sur du temps long. Chaque parcelle est ainsi devenue différente des autres, et les plantes ont évolué pour s'adapter à leur sol particulier.

dimanche 6 mars 2022

Logorrhée et autres poèmes

Munch - Sun

Je n'écris plus vraiment. Ce petit poème agressif date de l'automne 2021. Pour d'autres textes rimés qui explorent des thèmes parfois moins morbides, voir Poèmes III, Brouillard, Poèmes II et Poèmes.

 

    Logorrhée

Cette fois pas le moindre charnier
Peu d’explosions et pas de tranchées
L’atome muselé s’ensauvage, incivil
Et pour oublier on fuit les villes

C’est juste les profs qu’on décapite
Le futur est rongé par les mites
De la religion, du marché et du fric
La puanteur monte, mais aucun déclic

Au chevet de ma grand-mère mourante
J’ai vu les traits d’Europe expirante
Les vieillards sont rangés au placard
Comme l’avenir de nous autres crevards

Pas besoin d’être facho pour voir le crépuscule
Qui tombe sur la termitière des homoncules
Quand encore un prof démissionne
Je sais pas vous, mais ça m’chiffonne

Putain d’algorithme angélique
Enchaîné à ton lien vassalique
C’est pas qu’je sois un luddite
Mais j’les sens traîtres tes exabits

Les milliardaires s’en mettent plein les couilles
Des megayachts pour se transhumaniser la nouille
Ils fantasment comme des tarés sur l’espace
Où ils s’imaginent fuir leur propre chiasse

Pour nous reste que l’angoisse
Les pieds englués dans la mélasse
Cormorans en pleine marée noire
Même plus soif, y en a trop marre

Le bruit des bagnoles en déroute
Sur la terrasse c’est toujours l’autoroute
Bulle de métal pour cerveau épuisé
Allez, j’vais ramasser des lactaires poivrés

La haine ça se sublime
Avec un p’tit rime
Logorrhée apocryphe
Sur un riff explosif

 

 

Je comptais ne publier que celui-ci, mais je me suis ensuite rendu compte que dans mes cartons virtuels traînaient encore quelques textes qui, bien que branlants et boiteux, méritent peut-être d'être postés ici avant que je ne les oublie complètement.



    Pour ne pas flancher

Un coup de vent annonciateur
Effleure ma peau privilégiée
Et à mes sens épargnés
Donne un avant-goût de la peur

Il y a dans l'indicible
Une certitude écrasante
Une avalanche sur la pente
C'est la peur ou le risible

Pour ne pas flancher
On se pare d'un sourire
Accompagné d'un air de lyre
Et d'un cynisme aiguisé

On dénigre le réel
Pour ne pas flancher
On s'illusionne en affligés
Et on vérifie avec soin ses selles

On est fasciné par les égarés
On rit, on pleure, on croit
On se crée, on s'imagine un moi
Pour ne pas imploser

J'ai confusément entendu dire
Que certains se laissent aller
Malgré tout sans flancher
Ni croire en rien le rien en ligne de mire

05/05/21

 

    Insanité

Il serait si facile de faire rimer croyance
Avec démence
Donc je vais me contenter de déblatérer des
Insanités

Hélas le liquide noir commence à s’assécher
Je dois hâter
Mes vers pour ne pas tomber à cours de quintessence
Triste essence

Je bois beaucoup mais trop peu pour être créatif
Trop apocryphe
Pour que l’alcool comble ce rien qui crève la faim
Juste malsain

Peut-être devrais-je compenser comme mon père
Désolé, mère
Promis, je ne me tuerai pas avant que tu meures
J’ai peur, j’ai peur

Il serait si facile de faire rimer croyance
Avec démence
J’en sais trop pour déblatérer ces insanités
Si essoufflées

05/07/21

 

    Sans cause

Ce n’est pas dans ma tête
C’est dans la matière et ses trous
Où à chaque pas le monstre guette
Éparpillement entouré de ses flûtistes fous

Ce n’est pas que dans ma tête
Que résonnent ces échos assourdissants
Cyclone qui me soulève comme une miette
Et d’un coup de vent anéantit mes tympans

Ce n’est pas mon imagination
Qui fait naître ce hurlement lointain
Symphonie du bois, du métal et du béton
Car toute substance exacerbe la même faim

Les écrans sont de plus en plus fins
Et mes yeux de plus en plus malades
Les pixels exponentiels ne comblent pas cette faim
Par leur furie de chimériques accolades

L’infini sous les pupilles
Et un mur sous le scalp
Ma raison est un sac de billes
Qui dégringole un pic des Alpes

Là où il n’y a rien
On met quelque-chose
C'est un instinct
Sans cause

05/07/21



    Dragon

Il y a un dragon qui rêve, je rêve
Sous le béton, sous le goudron
Il y a un dragon qui dort, ma sève
Le réel, sous l’hallucination

Un riff, marteau-piqueur
Un métro là où il fallait pas
Moi, j’ai même pas peur
Un métro de plus il fallait pas

La ville brûle d’une flamme ancienne
Feu de joie, sortez les patates
Ville ou flamme, l’une est malsaine
La reine attaque, c’est mat

Battement d’aile dans les oreilles
Je lève la tête — là-haut un dieu
Peau de roche couleur de miel
Voilà qui fait sourire mes yeux

La chose mange, elle est frugale
Oh non, pas de problèmes éthiques
C’est nous qui avions la fringale
Avant ce remède deutéronomique

Là dans mon village abandonné
Là où trônait mon joli verger
Tas de cendre, très chrétien
C’est la fin, mais c’est rien

7/10/21

 


    Rétrospective

Avant internet,
L'alcool.
Avant l'alcool,
L'instinct.

04/01/20