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samedi 30 août 2025

Biologie de Campbell #30 - La diversité des végétaux II : l'évolution des plantes à graine

LES GRAINES ET LES GRAINS DE POLLEN SONT DES ADAPTATIONS DÉTERMINANTES DE LA VIE SUR TERRE

Graine = embryon + réserve de nourriture + enveloppe protectrice

Apparues il y a 360 millions d'années, les plantes à graine ont acquis, par rapport aux plantes non vasculaires et aux vasculaires sans graines, de nouvelles adaptations à la vie sur la terre ferme :

  • Gamétophytes de taille réduite. En effet, les gamétophytes de beaucoup de vasculaires à graines sont microscopiques. L'avantage est que ces petits gamétophytes peuvent profiter de la protection du sporophyte pour se développer. Chez les plantes à graine, les spores ne se développent plus seuls en extérieur : les gamétophytes sont le plus souvent protégés de l'environnement extérieur. Les spores germent dans un organe (les sporanges) du sporophyte pour former des gamétophytes (pollen ou sac embryonnaire). Après fécondation, les embryons sont protégés à l'intérieur des graines formées dans ce cadre protégé. Les graines sont bien plus aptes à résister ensuite à l'environnement extérieur que les spores eux-mêmes.
  • Hétérosporie : la capacité de produire des spores femelles et des spores mâles (pas forcément par le même individu).
  • Ovules : ils sont constitués du mégaspore, qui se trouve dans le mégasporange, et le tout est protégé par une enveloppe ou deux de tissu du sporophyte, le tégument. C'est cet ensemble qu'on appelle ovule.
  • Pollen : Les grains de pollen ne sont pas des gamètes, ce sont des gamétophytes mâles qui produisent et stockent les gamètes mâles. Ils font partie de la phase haploïde (une seule série de chromosomes) du cycle de vie des plantes à graines. Chez les plantes non vasculaires et les vasculaires sans graines, comme les fougères, des gamétophytes autonomes libèrent des spermatozoïdes qui doivent impérativement se déplacer dans de l'eau. En revanche, un grain de pollen peut être transporté par le vent ou les animaux, ce qui libère les plantes à graines de la dépendance aux milieux humides. La pollinisation est le transfert du pollen à la partie d'une autre plante (ou de la même) abritant les ovules. Si un grain de pollen germe, il fabrique un tube qui transporte des spermatozoïdes dans le gamétophyte femelle, qui est dans l'ovule. La fécondation déclenche la transformation de l'ovule en une graine.

Avant l'apparition des graines, le spore était le stade le plus protégé des cycles de développement de tous les végétaux. Par exemple, les spores des mousses sont plus résistants (froid, chaleur, etc.) que les mousses elles-mêmes. Ils ont aussi la capacité de se disperser. Les spores ont été le principal moyen de propagation des plantes terrestres pendant leurs 100 premiers millions d'années d'existence.

La graine, grâce à ses réserves nutritives et enveloppe, peut survivre bien plus longtemps qu'un spore. Quand elles germent, elles puisent directement dans leurs réserves les éléments nutritifs nécessaire à leur développement initial.

CHEZ LES GYMNOSPERMES, LES GRAINES SONT GÉNÉRALEMENT "NUES" ET PORTÉES SUR DES CÔNES

Les vasculaires à graines modernes forment deux clades frères :

  • Les gymnospermes, dont la plupart sont des conifères
  • Les angiospermes, qui forment des fleurs et des fruits

En exemple, le cycle de développement du pin rigide est détaillé. Notons juste que les spores mâles sont produits dans des petits cônes, et les spores femelles dans de gros cônes, ceux qu'on appelle typiquement pommes de pin. Le pollen (mâle) est transporté en grande quantité par le vent.

Au moment de la pollinisation, les écailles du cône femelle s'écartent pour laisser pénétrer les grains de pollen ; puis elles se referment. Elles s'écartent à nouveau quand les graines (ailées pour cette espèce) sont matures et que les vent les emporte.

Les premiers vasculaires à graine ont disparu et on ignore de quelle lignée éteinte viennent les gymnospermes. Les plus vieux fossiles de gymnospermes datent de 305 millions d'années. Au cours de la transition entre le Carbonifère et le Permien, le climat est devenu plus aride, ce qui a favorisé les gymnospermes, plus adaptés à ce nouveau climat moins humide pour les raisons vues plus haut, mais aussi grâce, comme c'est le cas pour les conifères, à leurs aiguilles recouverte d'une épaisse cuticule dont les stomates sont enfoncés dans l'épiderme.

Les différents groupes de gymnospermes :

  • Les cycadophytes, qui ressemblent à des palmiers, sont particulièrement menacés par la destruction de leur habitat (tropiques et hémisphère sud).
  • Les gnétophytes, dans les zones tropicales ou désertiques.
  • Les ginkgophytes, dont la seule espèce actuelle est le Ginkgo biloba, qui n'existerait plus à l'état sauvage.
  • Les pinophytes (conifères) constituent le plus vaste embranchement des gymnospermes. La majorité garde leurs feuilles toute l'année.

CHEZ LES ANGIOSPERMES, LES FLEURS ET LES FRUITS SONT DES ADAPTATIONS A LA REPRODUCTION

Aujourd'hui, ce sont de loin les végétaux les plus variés et répandus sur Terre.

La fleur est la structure unique qui sert à la reproduction des angiospermes. Chez nombre d'entre eux, ce sont les insectes qui sont responsables de la transmission du pollen. On trouve aussi des anémophiles (pollinisation par le vent), notamment chez les graminées et les arbres qui forment des populations denses. Après fécondation, l'ovaire se transforme en fruit, qui protège les graines et contribue à leur dispersion.

Le cycle de développement type des angiospermes est détaillé. Rappelons que la plupart des fleurs possèdent des mécanismes encourageant la pollinisation croisée (contraire d'autopollinisation) qui assure la variabilité génétique, facteur capital pour la survie et l'évolution d'une espèce. Par exemple, les étamines et les carpelles peuvent ne pas atteindre leur maturité en même temps, ou la disposition des organes fait obstacle physique à l'autopollinisation, ou bien il y a auto-incompatibilité entre le pollen et le stigmate (organe visqueux qui reçoit le pollen) d'une même plante en raison de la similarité de leurs allèles.

Une fois collé au stigmate, le grain de pollen absorbe de l'eau et germe. La cellule végétative fabrique un tube pollinique qui s'insinue dans le style (tube) jusqu'à l'ovaire.

Ensuite s'effectue une double fécondation, caractéristique des angiospermes. En gros, deux spermatozoïdes sont déposés et s'unissent avec des organes différents. L'un s'unit avec l'oosphère, ce qui produit un zygote, qui devient un embryon de sporophyte portant une racine rudimentaire et une ou deux feuilles embryonnaires, les cotylédons. L'autre spermatozoïde s'unit avec deux noyaux polaires et forme l'albumen, la réserve de nutriments composés de cellules triploïdes.

La double fécondation est peut-être une adaptation évolutionnaire qui évite aux plantes d'avoir à fabriquer un albumen pour rien en cas de non fécondation.

Les angiospermes sont apparues au début du Crétacé, il y a environ 140 millions d'années. Ainsi les végétaux et les animaux interagissent depuis des centaines de millions d'années et ces interactions ont eu une importance capitale dans les trajectoires prises par ces organismes. On peut penser à tous les herbivores qui poussent les végétaux à développer des résistances, à toutes les interactions autour de la pollinisation...  

Les angiospermes comptent actuellement plus de 250000 espèces (potentiellement bien plus encore). Jusqu'à la fin des années 1990, on s'accordait généralement pour les classer entre monocotylédones et dicotylédones, entre autres caractéristiques. Des études génétiques récentes remettent en cause ce système. Aujourd'hui, la classification ressemble à ça :

  • Les angiospermes basales ne comptent qu'une centaine d'espèces, notamment le nymphéa tubéreux. 
  • Les magnoliidées comptent environ 8000 espèces, dont le magnolia, le laurier et le poivrier. 
  • Les monocotylédones, qui incluent plus du quart des angiospermes, soit 70000 espèces, dont les orchidées, les palmiers et les graminées, dont le riz et le blé. 
  • Les eudicotylédones contiennent plus de deux tiers des espèces d'angiospermes, dont la plupart des arbres à fleur les plus connus, les rosacés et les légumineuses. 

Comme on le sait, la vie humaine est étroitement liée à celle des plantes vasculaires à graines. La plupart des aliments que nous consommons viennent des plantes à graines. De même pour l'alimentation du bétail. Les plantes à fleur fournissent également thé et café, le cacao, de nombreuses épices, médicaments... Les vasculaires à graines sont également les seules plantes à fournir du bois.

mercredi 20 août 2025

Biologie de Campbell #29 - La diversité des végétaux I : la colonisation des milieux terrestres

 

Publié aussi sur le site de la pépinière (vu qu'on passe clairement au végétal).

LES VÉGÉTAUX SE SONT DÉVELOPPÉS A PARTIR DES ALGUES VERTES

De nombreuses preuves morphologiques et biochimiques attestent de cette ascendance, notamment des preuves portant sur les ADN nucléaires, chloroplastiques et mitochondriaux d'un grand nombre de végétaux et algues.

Un grand nombre d'espèces de charophytes (ancêtres des plantes) vivent en eau peu profonde, au niveau des rivages. Dans ce milieu sujet à l'assèchement, la sélection naturelle favorise les individus capables de survivre à des périodes d'immersion partielle. Ils ont notamment évolué une couche de polymère, la sporopollénine, qui permet d'éviter la déshydratation des zygotes (cellule formée par l'union de deux gamètes) suite à l'exposition à l'air.

L'environnement terrestre pour les plantes naissantes s'est accompagné d'avantages (beaucoup plus de lumière, beaucoup plus de CO2, sol des rivages riche en minéraux) mais aussi d'inconvénients (rareté de l'eau, manque du soutien structurel offert par l'eau) qui ont mené à des adaptations évolutives.

Rappelons qu'il ne semble pas y avoir de frontière claire entre les végétaux "officiels" et leurs proches parents les charophytes. La limite qu'on trace entre les deux est forcément arbitraire.

Ceci dit, de nombreuses caractéristiques sont uniques aux végétaux (même tous ne sont pas possédés par tous les végétaux) :

  • Avoir un épiderme recouvert d'une cuticule composée de cire et d'autres polymères afin d'éviter le dessèchement au contact de l'air.
  • Avoir des stomates, pores spécialisés qui permettent la photosynthèse, en facilitant l'échange de CO2 et d'O2 avec l'air ambiant, et l'évaporation d'eau.
  • L'alternance de générations : ce n'est pas forcément très visible, notamment chez les plantes à fleur, mais le cycle de développement de tous les végétaux alterne deux générations d'organismes multicellulaires. Ce sont les gamétophytes (souvent microscopiques et hébergés dans les organes reproducteurs de la plante), et non directement le sporophyte (souvent ce qu'on perçoit comme la "plante"), qui produisent les gamètes. C'est franchement contre-intuitif et je ne rentre pas dans les détails.
  • Les méristèmes apicaux : zones situées aux extrémités croissantes des plantes (racines comprises), là ùu une ou plusieurs cellules se divisent continuellement. Ces cellules produites par le méristème se différencient pour donner les différents tissus de la plante.

Il en existe d'autres, plus compliquées encore.

Si des micro-organismes avaient déjà colonisé la terre ferme il y a 1,2 milliard d'années, les spores des premiers végétaux semblent apparaitre il y a 470 millions d'années. Les fossiles de structures végétales de plus grande taille datent de 425 millions d'années.

Une façon de caractériser les végétaux repose sur l'absence ou la présence d'un réseau complexe de tissu conducteur (ou vasculaire) composé de cellules formant des canalisations dans lesquelles l'eau et les nutriments circulent dans la plante. La plupart des végétaux modernes sont ainsi des plantes vasculaires. Les végétaux qui en sont dépourvus sont souvent qualifiés de bryophytes.

Les vasculaires forment un clade rassemblant environ 93 % de toutes les espèces de végétaux existants.

Je place ci-dessous le tableau qui récapitule la classification des végétaux :

Mais n'oublions pas qu'il existe aussi des lignées disparues.

LES GAMÉTOPHYTES DOMINENT LES CYCLES DE DÉVELOPPEMENT DES MOUSSES ET D'AUTRES PLANTES NON VASCULAIRES

Les mousses sont les bryophytes les plus emblématiques, cependant, certaines plantes communément appelées "mousses" sont en fait des algues rouges, des lichens, ou même des plantes à fleurs. Dans l'histoire évolutionnaire, les mousses pré-datent les plantes vasculaires.

Contrairement à ce qu'on observe chez les plantes vasculaires, dans le cadre de l'alternance des générations, chez les mousses, ce sont les gamétophytes haploïdes (une seule série de chromosomes) qui sont plus gros et vivent plus longtemps que les sporophytes diploïdes (double série de chromosomes, en paires).

Chez les mousses, la germination de la spore produit la plupart temps un filament qui a l'aspect d'une algue verte et qui n'a qu'une cellule d'épaisseur, le protonéma. Il a une surface étendue qui favorise l'absorption d'eau et de minéraux. Quand les ressources sont suffisantes, il émet un "bourgeon" pourvu d'un méristème apical. Celui-ci engendre la structure qui porte les gamètes, le gamétophore, qui est la structure visible. Protonéma et gamétophore constituent ensemble le gamétophyte.

Les gamétophytes n'ont pas de racines, mais des rhizoïdes, qui ne possèdent pas de cellules conductrices spécialisées et n'interviennent que peu dans l'absorption d'eau et minéraux. Leur rôle concerne surtout la fixation de la plante.

J'essaie de simplifier la description de la vie sexuelle des mousses, mais de nombreuses espèces peuvent également se reproduire de façon asexuée.

De toutes les plantes modernes, les bryophytes sont celles qui possèdent les sporophytes les plus petits (la partie de la plante qui est diploïde et qui constitue l'essentiel de la plupart des autres types de plantes). Ils possèdent des plastes (donc sont capables de photosynthèse) et sont généralement incapables de vie autonome, ils restent accrochés à leur gamétophyte maternel, qui fournit les nutriments.

Par exemple, chez les mousses communes qui nous sont familières, le tapis vert est le gamétophyte, haploïde et sont les "feuilles" n'ont parfois qu'une cellule d'épaisseur, et les petites tiges surmontées d'une capsule, qui grimpent en hauteur pour libérer leurs spores, sont les sporophytes, diploïdes.

Ces spores donnent naissance à des gamétophytes mâles ou femelles, et produisent des "tapis de mousse" mâles ou femelles. Les "tapis de mousse" mâles émettent des spermatozoïdes qui ont besoin de se déplacer dans une mince couche d'eau pour rejoindre et féconder l'oosphère des "tapis de mousse" femelles. Après fécondation, une nouvelle tige à spore est créée et le cycle continue.

Grâce au vent et à la légèreté de leurs spores, les bryophytes peuvent se disséminer sur toute la planète. Certaines espèces entrent en symbiose avec des bactéries. D'autres encore peuvent coloniser des milieux extrêmes en tolérant une déshydratation presque complète pour se réhydrater quand de l'eau devient disponible. 

Les mousses du genre Sphagnum (sphaignes) constituent souvent une part importante des dépôts de matière organique à demi décomposée qui forment la tourbe. 

LES FOUGÈRES ET D'AUTRES VASCULAIRES SANS GRAINES ONT ÉTÉ LES PREMIERS VÉGÉTAUX DE GRANDE TAILLE

Les bryophytes ont dominé le monde végétal pendant les premières dizaines de millions d'années de l'existence des plantes, mais aujourd’hui, ce sont les vasculaires qui dominent. Leurs plus anciens fossiles remontent à 425 millions d'années.

Comme c'est le cas pour les bryophytes, les spermatozoïdes des fougères et des autres grandes vasculaires sans graines doivent "nager" dans une mince couche d'eau pour atteindre les oosphères. Ces plantes sont donc dépendantes des milieux humides.  

  • Chez les vasculaires modernes, les sporophytes prédominent dans les cycles de développement ; c'est la partie de la plante la plus volumineuse.
  • Les vasculaires ont deux types de tissus conducteurs : le xylème, qui assure la majeure partie du transport de l'eau et des minéraux, et le phloème, qui distribue les monosaccharides, les acides aminés et d'autres produits organiques de leur lieu de production dans la plante à leur lieu d'utilisation. Le xylème est généralement constitué de cellules lignifiées, donc solides et pouvant résister à la gravité. Cette capacité d'atteindre une grande taille a donné aux plantes vasculaires un avantage évolutionnaire : meilleur accès à la lumière, meilleure dispersion des spores... Ce processus a mené aux premières forêts il y a 385 millions d'années.
  • Les racines sont des organes qui absorbent l'eau et les nutriments provenant du sol. Elles permettent aussi de fixer solidement en place des plantes qui peuvent maintenant atteindre de grandes tailles. Il semblerait que les racines ont été sujettes à un phénomène d'évolution convergente dans plusieurs lignées.
  • Les feuilles sont le principal organe photosynthétique des vasculaires. Les microphylles (410 MA), aux petites feuilles en forme d'aiguille, précèdent les mégaphyles (370 MA), aux feuilles larges et ramifiées.

Je passe sur les détails de la vie sexuelle de ces plantes vasculaires sans graine. Disons simplement que la plupart des espèces sont homosporées (elles ont un seul type de spore qui donne un gamétophyte bisexué).

Panorama rapide de la diversité des vasculaires sans graines :

  • Les lycophytes sont généralement des plantes tropicales épiphytes (c'est-à-dire qu'elles utilisent un autre organisme comme substrat, sans que cela relève du parasitisme) qui croissent sur des arbres. D'autres espèces vivent sur le sol des forêts tempérées. Durant le Carbonifère, cette lignée comprenait aussi bien des plantes minuscules que des géantes dépassant les 40m. Leur diversité a régressé lorsque le climat s'est refroidi. Il en existe aujourd'hui 1200 espèces.
  • Les monilophytes :
    • Les fougères sont bien connues. Certaines peuvent produire plus d'un billion (un million de million) de spores au cours de leur vie. Il en existe plus de 12000 espèces aujourd'hui. Ce sont les vasculaires sans graines les plus répandues.
    • Les prêles. Fun fact : les prêles des champs sont comestibles (d'autre espèces sont toxiques), ça ressemble à des asperges riches en silice. C'est leur tige à spores qu'on mange, pas les feuilles, qui servaient autrefois à aiguiser des lames, car elles sont aussi riches en silice. J'ai quelques bons souvenirs de récoltes de prêles sauvages. Au carbonifère, elles pouvaient atteindre 15m. Aujourd'hui, il n'y en a plus qu'une quinzaine d'espèces, qui vivent en milieu humide.
    • Les psilotes et autres restent des plantes dépourvues de racines.

Les ancêtres de ces plantes modernes ont formé les premières forêts. Elles ont contribué à l'importante diminution de la concentration en CO2 survenue durant le Carbonifère, qui a entrainé un refroidissement global, puis la formation de glaciers très étendus. Les racines des vasculaires sécrètent des acides qui dégradent les roches, ce qui accélère la libération du calcium et du magnésium dans le sol, deux minéraux qui réagissent au contact du CO2 dissous dans l'eau de pluie et forment divers composés stables et à terme s'intègrent aux roches.

Ce sont également ces forêts qui, avec le temps, se sont transformées en tourbe, elle même s'étant transformée en charbon au fil des millions d'années. Ce carbone des forêts des premières plantes vasculaires retourne donc aujourd’hui dans l'atmosphère.

lundi 28 juillet 2025

Biologie de Campbell #28 - Les protistes

Biologie de Campbell #28 : Les protistes

Les protistes, comme les végétaux, les animaux et les eumycètes, sont des eucaryotes (leurs cellules ont un noyau et des organites tels que les mitochondries). Les cellules eucaryotes ont également un cytosquelette, qui permet le soutien d'une structure irrégulière et leur permet de changer de forme au fil de leur nutrition, déplacement, etc.

La majorité des organismes issus des lignées eucaryotes sont des protistes, et la majorité des protistes sont unicellulaires.

Les grands organismes multicellulaires (végétaux, animaux, eumycètes) ne constituent que les extrémités de quelques branches du grand arbre de la vie.

En gros, les protistes regroupent tous les eucaryotes qui ne sont ni des animaux, ni des plantes, ni des champignons. 

C'est un groupe fourre-tout. Les spécialistes utilisent des classifications plus précises basées sur la génétique. 

Les protistes sont extrêmement variés. La plupart étant unicellulaires, on les considère comme les plus simples des organismes eucaryotes, mais à l'échelle cellulaire, bon nombre constituent en fait les cellules les plus perfectionnées qui soient. Les protistes unicellulaires remplissent les mêmes fonctions essentielles que les organismes multicellulaires, mais en recourant à des organites infracellulaires plutôt qu'à des organes multicellulaires.

Certains protistes sont photo-autotrophes et renferment des chloroplastes, alors que d'autres sont hétérotrophes et absorbent des molécules organiques. D'autres, les mixotrophes, pratiquent les deux méthodes. Les différents modes de nutrition seraient apparus indépendamment dans différentes lignées (évolution convergente). Certains se reproduisent par voie sexuée, d'autres par voie asexuée.

Contrairement à ce qu'on a cru dans le passé, bon nombre de protistes possèdent des mitochondries. La phylogenèse des protistes est encore incertaine et changeante. Ici, l'hypothèse retenue classe les protistes en 4 groupes.

La diversité des protistes serait permise par l'endosymbiose, relation étroite entre deux organismes, l'un situé à l'intérieur de l'autre (comme les mitochondries et les plastes, qui dériveraient de procaryotes absorbés par les ancêtres des eucaryotes).

De plus, dans le cas des algues par exemple, il y a eu endosymbiose secondaire : les eucaryotes ayant une endosymbiose ont eux-mêmes été absorbés par un autre eucaryote pour devenir eux-mêmes des endosymbioses

La suite du chapitre décrit les différents clades qui composent les protistes. Je ne vais pas trop m'attarder sur la description de toute cette complexité, je vais juste essayer de relever des points particulièrement intéressants. 

Certains protistes sont des parasites, comme T. vaginalis, qui se déplace sur les muqueuses avec ses flagelles.

Les diatomées, par exemple, un groupe de protistes photosynthétiques, sont des algues unicellulaires qui possèdent une paroi de silice, ressemblant à du verre, qui leur confère une énorme résistance à la pression. Il existerait 100 000 espèces de ce simple groupe. Un seau d'eau marine peut contenir des millions de ces organismes. La diversité invisible de la vie ne manque jamais d'étonner. Et il existe encore d'autres groupes de protiste appelés algues (algues dorées, algues brunes...). D'ailleurs, techniquement, les algues en général sont des protistes photosynthétiques, non des plantes. Et la vie sexuelle des algues, c'est encore tout un truc, avec alternance de générations. On retrouve d'autres complications sexuelles chez d'autres protistes.

Deux anecdotes sur deux groupes de rhizariens. Les fossiles de foraminifères servent à comprendre les évolutions de température de l'océan dans le passé. En effet, ces organismes captent plus de magnésium dans les eaux plus chaudes que dans les eaux plus froides. Les cercozoaires, eux, pourraient être issus d'une symbiose photosynthétique avec une bactérie différente de celle des plastes (et donc des plantes telles qu'on les connait). Évolution convergente !

Les algues rouges et les algues vertes sont les organismes les plus proches des végétaux. Les algues rouges doivent pour la plupart leur couleur rougeâtre à un pigment photosynthétique appelé phycoérythrine, qui masque le vert de la chlorophylle. Ces pigments (et d'autres) leur permettent d'absorber la lumière bleue et la lumière verte, qui pénètrent assez profondément dans l'eau. On en a trouvé jusqu'à 260m de profondeur, un record pour un organisme photosynthétique.   

Sont détaillés aussi les unichontes, groupe extrêmement diversifié qui comprend les animaux et les eumycètes.

Les protistes remplissent des fonctions essentielles au sein des communautés écologiques. La plupart d'entre eux sont aquatiques, qui vivent dans l'eau ou juste des environnements humides. Ils constituent une part importante du plancton par exemple. Certains forment des relations symbiotiques avec d'autres espèces, par exemple les protistes qui colonisent l'intestin de nombreuses espèces de thermites leur permettent de digérer le bois. Certains sont des symbiotiques parasites, comme celui qui cause le paludisme, ou un autre à l'origine du mildiou de la pomme de terre. Certains sont photosynthétiques et sont d'importants producteurs de composés organiques à partir de CO2, ainsi 30 % de la photosynthèse serait accomplie par des protistes aquatiques.

La grande leçon de ce chapitre extrêmement dense, auquel je n'ai pas fait honneur, est la stupéfiante diversité et richesse de la vie. Au-delà des classiques animaux, végétaux, champignons, bactéries, etc., il y a encore de vastes domaines du vivant auxquels nous sommes aveugles au quotidien. Chaque paragraphe de ce chapitre semble pouvoir se déployer en un domaine d'étude à part entière, qui occuperait une armée de chercheurs pendant toute leur vie sans l'épuiser.

mercredi 18 juin 2025

Biologie de Campbell #27 - Les bactéries et les archées

Biologie de Campbell #27 - Les bactéries et les archées

DES ADAPTATIONS STRUCTURALES, FONCTIONNELLES ET GÉNÉTIQUES CONTRIBUENT AU SUCCÈS DES PROCARYOTES  

Les procaryotes ont probablement été les premiers habitants de la Terre il y a plus de 3,5 milliards d'années. Ils sont presque tous unicellulaires, mais les cellules de certaines espèces restent jointes après la division cellulaire.

La paroi cellulaire joue un rôle fondamental, notamment en empêchant l'éclatement dans un milieu hypotonique (c'est-à-dire un milieu ayant une concentration en solutés inférieure à celle du cytoplasme ; dans un environnement hypotonique, l'osmose incite l'eau à entrer dans la cellule).

Chez les eucaryotes qui en sont pourvus, comme les végétaux ou les eumycètes, la paroi est généralement constituée de cellulose ou de chitine. En revanche, la plupart des parois bactériennes contiennent une substance appelée peptidoglycane, tissu moléculaire qui entoure entièrement la bactérie et sert de point d'ancrage à d'autres molécules ; les parois cellulaires des archées ont juste divers polysaccharides et protéines.

Certaines cellules procaryotes peuvent former un biofilm lorsque plusieurs d'entre elles joignent la couche gluante appelée capsule qui les recouvre, ce qui leur permet d'adhérer à leur substrat, de prévenir la déshydratation ou de les protéger du système immunitaire de leur hôte.

En cas de difficulté, certaines bactéries produisent des structures cellulaires résistantes appelées endospores. La cellule copie son chromosome et l'entoure d'une robuste structure multicouche. L'endospore se déshydrate et son métabolisme s'arrête. La plupart des endospores peuvent résister plusieurs minutes à de l'eau bouillante par exemple ; dans des milieux moins hostiles, elles peuvent se conserver pendant des millions d'années. Elles se réhydratent quand elles perçoivent de meilleures conditions.

Certains procaryotes adhèrent entre eux ou à un substrat grâce à de courts et fin appendices, les fimbriae.

La moitié des procaryotes sont capables de déplacement, à l'aide de flagelles ou d'autres méthodes. Il semblerait que les flagelles des procaryotes, des bactéries et des archées soient apparues indépendamment ; ce sont des structures analogues, c'est un cas de convergence évolutionnaire.

Le flagelle bactérien est une structure complexe, composée de 42 types de protéines. Comme pour toutes les structures complexes, son évolution est possible car, globalement, chaque étape entre l'absence de flagelle et le flagelle actuelle ont été des pas donnant un avantage aux organismes qui les franchissaient.

LA REPRODUCTION, LES MUTATIONS FRÉQUENTES  ET LES RECOMBINAISONS GÉNÉTIQUES FAVORISENT LA DIVERSITÉ GÉNÉTIQUE CHEZ LES PROCARYOTES

Les procaryotes possèdent une grande diversité et donc une grande variation génétique.

Chez les espèces à reproduction sexuée, la création d'un nouvel allèle à l'issue d'une mutation est un évènement rare ; chez ces espèces, la variation génétique découle principalement de nouvelles combinaisons d'allèles durant la méiose et la fécondation. Chez les eucaryotes, non sexués, la grande variation s'explique par des mutations et reproductions fréquentes.

Par exemple, E. coli dans l'intestin humain : la probabilité de mutation spontanée lors d'une division (= reproduction) est de 1 sur 10 millions. Mais il y a 2 x 10¹⁰ cellules d'E. coli qui naissent chaque jour dans un intestin humain ; en conséquence, en un jour, chaque gène d'E. coli aura 2000 bactéries sur lesquelles il sera mutant, et comme la bactérie a 4300 gènes, en tout plus de 8 millions de mutations par jour par intestin humain.

On comprend donc que l'évolution des procaryotes peut être extrêmement rapide. 

Si les procaryotes ne pratiquent ni la méiose ni la fécondation, ils ont d'autres méthodes de recombinaison génétique (combinaison de l'ADN à partir de deux sources).

  • Lors de la transformation, le génotype d'une cellule procaryote est modifié par l'incorporation d'ADN étranger. C'est un échange de segments d'ADN homologues. Oui, une bactérie peut ramasser des bouts d'ADN qui trainent dans son environnement et les incorporer à son ADN à un endroit adapté.
  • Lors de la transduction, les bactériophages (virus qui infectent les bactéries) transportent des gènes procaryotes d'une cellule à une autre. C'est souvent le fruit d'incidents dans le cycle de la réplication phagique. 
  • La conjugaison est un processus de transfert d'ADN entre cellules procaryotes habituellement de la même espèce. Une cellule donne l'ADN et l'autre la reçoit. La bactérie donneuse étend un pilus sexuel vers la seconde, puis le pilus se rétracte, tirant les deux cellules l'une vers l'autre. Ensuite, un pont se forme, permettant le transfert de l'ADN. Par exemple, les plasmides, ces morceaux d'ADN séparés de l'ADN principal, peuvent contenir les gènes codant pour le pilus sexuel et se transférer ainsi. C'est aussi un mécanisme par lequel les bactéries peuvent échanger des gènes de résistance aux antibiotiques ou à d'autres menaces.

DE TRÈS NOMBREUSES ADAPTATIONS NUTRITIONNELLES ET MÉTABOLIQUES SONT APPARUES CHEZ LES PROCARYOTES

On peut classer les eucaryotes en fonction de leur mode de nutrition, c'est-à-dire de leur mode d'obtention de l'énergie et du carbone nécessaire à la constitution des molécules organiques qui composent les cellules. Les procaryotes possèdent plus d'adaptations métaboliques que les eucaryotes.

Les procaryotes ont besoin de deux choses : énergie et carbone. 

Les autotrophes ont pour source de carbone le dioxyde de carbone ou autre composé inorganique. Parmi eux :

  • Les photo-autotrophes, tirant leur énergie de la photosynthèse (cyanobactéries...) 
  • Les chimio-autotrophes, qui tirent leur énergie de substances chimiques inorganiques présentes dans leur milieu

Les hétérotrophes ont pour source de carbone au moins un composant organique, comme le glucose par exemple, pour synthétiser d'autres composés organiques. Parmi eux :

  • Les photo-hétérotrophes, photosynthétiques
  • Les chimio-hétérotrophes, qui tirent leur énergie (en plus de leur carbone) de substances organiques présentes dans leur milieu

 Le rôle de l'oxygène (O₂) constitue une autre variable métabolique chez les procaryotes.

  • Les aérobies stricts utilisent l'O₂ pour leur respiration cellulaire, ils en sont dépendants
  • Les anaérobies stricts, à l'inverse, ne survivent pas en présence d'O₂. Certains survivent exclusivement grâce à la fermentation, d'autres utilisent un mécanisme appelé respiration cellulaire anaérobie.
  • Les anaérobies facultatifs utilisent l'O₂ s'ils en trouvent, mais ils peuvent aussi recourir à la fermentation en milieu anaérobie 

Chez tous les organismes, l'azote est essentiel à la production des acides aminés et des acides nucléiques. Les procaryotes ont de nombreuses façons d'acquérir de l'azote, par exemple la fixation de l'azote. 

Certains procaryotes pratiquent la coopération métabolique. Par exemple, une même cellule ne pouvant à la fois accomplir photosynthèse et fixation d'azote, certaines cyanobactéries forment des colonies filamenteuses dans lesquelles la majeure partie des cyanobactéries sont photosynthétiques et d'autres fixent l'azote. Les jonctions intercellulaires permettent l'échange de ces nutriments. Ces colonies sont ce qu'on appelle les biofilms. Certaines bactéries peuvent aussi coopérer de façon similaire avec des archées.

LES PROCARYOTES ONT DIVERGÉ POUR FORMER UN GROUPE DE LIGNÉES DIVERSES

La diversité génétique des procaryotes est immense. On est loin d'en connaitre toutes les espèces.

De plus, grâce au transfert horizontal de gènes, d'importante parties du génome de nombreux procaryotes constituent en fait des mosaïques de gènes importés d'autres espèces — jusqu'à 75 %. Ce fait complique grandement l'établissement de l'arbre de la vie. On distingue néanmoins deux lignées distinctes, bactéries et archées.

La grande majorité des espèces de procaryotes connues sont des bactéries.

Les archées sont plus proches des eucaryotes que les bactéries ; l'ancêtre commun des archées et eucaryotes est plus récent que l'ancêtre commun des archées et des bactéries. Les archées n'ont pas d'espèces pathogènes pour les animaux.

Ils contiennent les organismes extrémophiles. Les halophiles extrêmes vivent dans les milieux très salés. Les thermophiles extrêmes prospèrent à des températures qui désactivent la plupart des enzymes.

De nombreuses espèces d'archées vivent dans des environnements moins extrêmes, notamment les méthanogènes, qui utilisent le CO₂ pour oxyder le H₂ et qui rejettent du méthane. Ce sont des anaérobies stricts.

LES PROCARYOTES REMPLISSENT DES FONCTIONS ESSENTIELLES DANS LA BIOSPHÈRE  

Les procaryotes chimio-hétérotrophes agissent à titre de décomposeurs (comme les eumycètes) et sont indispensables à la vie sur Terre. Ils permettent de dégrader et recycler les éléments.

Les procaryotes transforment aussi les molécules, les rendant assimilables par d'autres organismes, comme le glucose, qui remonte en haut des chaines alimentaires. Les cyanobactéries, elles, produisent de l'oxygène. D'autres procaryotes fixent l'azote atmosphérique.

Les procaryotes peuvent aussi immobiliser les nutriments du sol en les utilisant dans leur constitution.

Les procaryotes jouent un rôle crucial dans de nombreuses interactions écologiques, notamment via la symbiose entre un hôte (l'organisme le plus gros) et son symbionte (le plus petit).

  • Dans le mutualisme, un procaryote et son hôte entretiennent une relation mutuellement bénéfique.
  • Dans le commensalisme, la relation est au bénéfice d'une espèce sans pour autant nuire à l'autre. Par exemple, plus 150 espèces de bactéries vivent à la surface de la peau humaine à raison de 10 millions de cellules par centimètre carré.
  • Dans le parasitisme, une espèce bénéficie en nuisant à l'autre.

LES PROCARYOTES ONT SUR LES HUMAINS DES EFFETS TANT BÉNÉFIQUES QUE DÉFAVORABLES

L'intestin humain contient de 500 à 1000 espèces de bactéries dont les cellules sont plus nombreuses que la totalité des cellules du corps humain. Nombre de ces espèces sont mutualistes et participent à la digestion.

Par ailleurs, les bactéries sont à l'origine d'environ la moitié des maladies qui affectent les humains. 

Certaines maladies bactériennes sont transmises par d'autres espèces, comme les puces ou les tiques. Aux USA, la maladie de Lyme contamine de 15000 à 20000 personnes chaque année. 

Les procaryotes pathogènes causent en général des maladies en produisant des toxines. Les exotoxines sont des protéines sécrétées par certaines bactéries (et d'autres organismes). Les capacités évolutives rapides des bactéries font la course avec les méthodes modernes de défense humaine, comme les antibiotiques.

lundi 19 mai 2025

Biologie de Campbell #26 - La phylogenèse et l'arbre de la vie

  • La phylogenèse est l'histoire de l'évolution d'une espèce ou d'un groupe d'espèces apparentées.
  • La systématique est une discipline dont l'objectif est de classifier les organismes et d'établir leurs liens évolutifs.
  • La taxinomie est la désignation et classification des organismes.

     

LA PHYLOGENÈSE RÉVÈLE LES LIENS ÉVOLUTIFS

Pour éviter toute confusion, les biologistes désignent les organismes étudiés par leurs noms scientifiques. Ce sont des appellations formées de deux mots latins, elles constituent la nomenclature binominale. Le premier nom scientifique indique le genre, le deuxième nom indique l'espèce en tant que telle. Par exemple : Panthera pardus pour le léopard.

En plus de baptiser plus de 11000 espèces, Linné les a aussi classées hiérarchiquement. Cette classification initiale a évolué pour se stabiliser sous la forme suivante de classification classique. Voici un exemple pour le léopard :

  • Espèce : Panthera pardus
  • Genre : Panthera
  • Famille : Félidés
  • Ordre : Carnivores
  • Classe : Mammifères
  • Embranchement : Cordés
  • Règne : Animaux
  • Domaine : Eucaryotes (les 2 autres sont Bactéries et Archées)

Un rang taxinomique est appelé taxon, peu importe sa catégorie de placement. Donc chaque ligne ci-dessus est un taxon.

Les catégories plus vastes ne sont souvent pas comparables entre lignées. Par exemple, un ordre d'escargots ne présentera pas nécessairement le même degré de diversité morphologique ou génétique qu'un ordre de mammifères. L'arrangement des espèces selon des ordres, classes, etc., suit souvent mais pas nécessairement l'histoire évolutive.

On peut représenter l'histoire évolutive d'un groupe d'organismes dans un diagramme arborescent appelé arbre phylogénétique. Deux points importants :

  • Ces arbres ne donnent aucune information sur les "dates" des divers embranchements.
  • Un taxon n'est pas le fruit de l'évolution d'un taxon voisin (exemple classique des chimpanzés et humains).

LA PHYLOGENÈSE REPOSE SUR DES DONNÉES MORPHOLOGIQUES ET MOLÉCULAIRES

  • Les ressemblances entre organismes attribuables à des ascendances communes sont des homologies.
  • Les ressemblances entre organismes attribuables à la convergence évolutionnaire sont des analogies.

On devine que les analyses génétiques aident à faire la différence entre les deux, mais les analyses morphologiques le peuvent aussi. En effet, des organismes analogiques pourront par évolution convergente avoir évolué des formes semblables avec des éléments constitutifs différents (structure de l'ossature, etc.), alors que des organismes homologues auront bien plus de ressemblances dans leurs éléments constitutifs.

LES ARBRES PHYLOGÉNIQUES SONT CONSTRUITS A PARTIR DE CARACTÈRES COMMUNS

La cladistique est une méthode relevant de la systématique dont le principal critère de classification est l'ancêtre commun. Un clade comprend espèce ancestrale et tous ses descendants. Un clade inclut toujours les espèces descendantes, contrairement au taxon, qui peut n'évoquer qu'un clade, règne, genre, etc.

Pour les mammifères, par exemple :

  • La colonne vertébrale est un caractère ancestral commun : un caractère qui précède le taxon.
  • En revanche, la pilosité est un caractère dérivé commun : innovation exclusive à ce clade.

Il est donc possible d'utiliser les caractères dérivés pour déduire la chronologie évolutionnaire. En effet, les clades possédant un caractère dérivé commun se rejoignent dans le passé au d'un même ancêtre commun. Quelques exemples de ces caractères : quatre membres locomoteurs, mâchoires articulées, colonne vertébrale...

Rappelons que tout arbre phylogénétique est une hypothèse.

LE GÉNOME RECÈLE L'HISTOIRE ÉVOLUTIVE DE TOUT ORGANISME

Les divers types de gènes peuvent évoluer à différentes vitesses. En conséquence, en fonction du type du type de gène, on peut étudier des périodes évolutives courtes ou longues. Par exemple, l'ARNr (ARN ribosomique) évolue relativement lentement, elle est donc utilisée quand on étudie des taxons qui ont divergé il y a des centaines de millions d'années. A l'inverse, l'ADNmt (ADN mitochondrial) évolue relativement lentement et permet d'étudier par exemple des périodes qui remontent à quelques dizaines de milliers d'années.

LES HORLOGES MOLÉCULAIRES RENDENT COMPTE DU TEMPS DE L'ÉVOLUTION

Le concept d'horloge moléculaire est une approche qui sert à mesurer le temps absolu des changements évolutifs à partir de l'observation que certaines régions du génome auraient évolué à vitesse constante. Même ces gènes-là ne sont "précis" qu'au sens statistique.

Par ailleurs, certains gènes évoluent un million de fois plus rapidement que d'autres. En effet, certaines mutations sont neutres à l'égard de la sélection naturelle. Si les mutations restent neutres, elles sont pas supprimées ni favorisées par la sélection naturelle et elles se produisent alors simplement selon la fréquence moyenne de mutation. Les gènes dont l'importance est forte changent lentement, car la plupart des mutations auront tendance à avoir un fort effet nuisible ; à l'inverse, les gènes dont l'importance est moindre peuvent subir plus de modifications neutres et changent donc plus rapidement.

L'horloge moléculaire n'a évidemment qu'une précision toute relative, mais il existe des méthodes bien plus avancées que ce qui est brièvement évoqué ici.

DE NOUVELLES DONNÉES CONTINUENT D'ENRICHIR LA COMPRÉHENSION DE L'ARBRE DE LA VIE

Par exemple, jusqu'aux années 1960, la vie avait été classée en deux règnes, les végétaux et les animaux. On s'est ensuite accordé sur 5 règnes : végétaux, eumycètes, animaux, monères (procaryotes), protistes. L'analyse génétique a permis de dépasser cette classification en remarquant les différences considérables entre certains procaryotes.

On s'est alors accordé sur un système à trois domaines, situés au-dessus des règnes : bactéries, archées et eucaryotes. Les deux domaines procaryotes (bactéries et archées) ne renferment que des organismes unicellulaires. Le règne des monères est tombé en désuétude quand on a constaté que ses membres provenaient de deux domaines différents, quant au règne des protistes, il s'est aussi effondré car certains des organismes qu'il renfermait étaient plus proches des végétaux, eumycètes ou animaux. 

On sait qu'il y a eu d'importants mouvements de gènes entre les organismes par transfert horizontal, un processus au cours duquel des gènes passent d'un génome à un autre grâce à des mécanismes comme les infections virales, la fusion d'organismes différents, etc. En conséquence, les arbres phylogéniques construits à partir de gènes différents peuvent donner des résultats différents, car tous les gènes ne sont pas transmis linéairement, d'ancêtre à descendants. Ainsi l'arbre de la vie pourrait comporter une bonne part d'enchevêtrements en plus des classiques lignes.

mercredi 14 mai 2025

Biologie de Campbell #25 - L'histoire de la vie sur Terre

Biologie de Campbell #25 - L'histoire de la vie sur Terre

Si dans le chapitre précédent on pouvait parler de microévolution, l'évolution qui correspond au changement des fréquences alléliques dans le temps, il sera ici question de la macroévolution, l'évolution à grande échelle, qui dépasse le niveau de l'espèce.

LES CONDITIONS SUR LA TERRE PRIMITIVE ONT PERMIS L'APPARITION DE LA VIE

Les preuves directes de l'existence de la vie sur Terre remontent à 3,8 milliards d'années.

Observations et expériences en chimie, géologie et physique ont conduit au scénario suivant :

1. La synthèse abiotique (sans vie) et l'accumulation de petites molécules organiques comme les acides aminés et les bases azotées

2. La fusion de ces petites molécules pour former des macromolécules, notamment protéines et acides nucléiques.

3. L'agrégation de ces molécules en protocellules, des gouttelettes enveloppées d'une membrane préservant les différences chimiques entre le milieu interne et le milieu externe.

4. L'apparition de molécules capables d'autoréplication, rendant l'hérédité possible. 

La Terre s'est formée il a environ 4,6 milliards d'années. Au cours du refroidissement suivant la fin des bombardements massifs il y a 3,9 milliards d'années, la condensation de la vapeur d'eau a pu commencer à former les océans. L'énergie nécessaire aux premières synthèses organiques dans ce milieu probablement réducteur (fournisseur d'électrons) aurait pu venir de la foudre ou d'intense rayonnement UV. Des expériences répliquant ces conditions primitives ont vu apparaitre des acides aminés et composés organiques en quelques jours.

D'autres théories avancent que le milieu n'était pas réducteur, mais même dans ce cas, des expériences en atmosphère "neutre" ont vu apparaitre des molécules organiques. Dans tous les cas, les volcans et les cheminées hydrothermales étaient des milieux réducteurs. Le fait est que la synthèse abiotique de molécules organiques peut se dérouler dans diverses conditions.

A propos du processus de formation de protocellules, il s'avère que des vésicules (petits sacs membraneux) peuvent se former spontanément quand des lipides ou d'autres molécules organiques sont mises en contact avec de l'eau : elles s'organisent en une bicouche semblable à celle d'une membrane cellulaire. Certaines matières minérales, comme l'argile montmorillonite, accélèrent l'assemblage des vésicules : elle fournit des surfaces sur lesquelles les molécules organiques adhèrent. Produites par voie abiotique, ces vésicules peuvent se reproduire spontanément et augmenter leur taille ; elles peuvent aussi être dotées d'une bicouche à perméabilité sélective et ainsi produire des réactions métaboliques en utilisant une source externe de réactifs, condition préalable à la vie.

Le premier matériel génétique a probablement été l'ARN. En laboratoire, la sélection naturelle a produit des ribozymes (ARN qui peuvent catalyser une réaction chimique spécifique) capables d'autoréplication

A partir de là, la molécule d'ARN la plus capable de se répliquer engendrera un plus grand nombre de molécules ; parfois, une erreur de transcription donnera naissance à une molécule qui adoptera une forme encore plus apte à l'autoréplication.

Après l'apparition de séquences d'ARN porteuses d'information génétique dans les protocellules, l'ARN aurait pu fournir une matrice pour l'assemblage des nucléotides d'ADN. L'avantage de l'ADN bicaténaire (double brin), en tant que support de l'information génétique, est d'être beaucoup plus stable génétiquement que le fragile ARN monocaténaire (mono brin) et de se répliquer plus fidèlement. 

LES ARCHIVES FOSSILES PERMETTENT D'ÉTABLIR LA CHRONOLOGIE DE LA VIE SUR TERRE

Les roches sédimentaires sont de loin les plus riches en fossiles. Les archives fossiles sont donc essentiellement basées sur l'ordre dans lequel les fossiles se sont accumulés dans ces couches sédimentaires appelées strates. D'autres types de fossiles sont par exemple les insectes piégés dans de l'ambre ou des mammifères piégés dans des sols gelés.

Évidemment, la grande majorité des organismes n'a pas été fossilisée. De plus, les archives fossiles sont biaisées envers les organismes ayant vécu sur de longues périodes et possédaient des structures favorisant la fossilisation (coquilles, carapaces, squelettes...).

L'ordre des strates rocheuses nous renseigne sur l'age relatif des fossiles qui s'y trouvent. Pour déterminer l'age réel d'un fossile, on utilise la datation radiométrique, basée sur la dégradation des isotopes radioactifs. Chaque type d'isotope radioactif a une demi-vie (temps nécessaire à la dégradation de 50 % de l'isotope parent) spécifique, immuable : 5730 ans pour le carbone 14 et 4,5 milliards d'années pour l'uranium 238 par exemple. Plus les fossiles sont anciens, plus il est difficile de les dater, car les organismes n'incorporent guère d'isotopes à demi-vie très longue, comme l'uranium 238. Il faut donc procéder par déduction en estimant l'âge des couches de roches volcaniques alentour, qui elles contiennent des isotopes utiles. 

L'APPARITION DES ORGANISMES UNICELLULAIRES ET MULTICELLULAIRES

On trouve pages 583/4/5 des frises des temps géologiques associées aux principaux évènements du développement de la vie. Je ne prends en note que les plus gros de ces évènements :

  • 4,9 Mrd : origine du système solaire et de la Terre
  • 3,5 Mrd : preuves des premiers procaryotes
  • 2,7 Mrd : oxygène atmosphérique
  • 1,8 Mrd : eucaryotes unicellulaires
  • 1,3 Mrd : eucaryotes multicellulaires
  • 700 M : animaux
  • 500 M : colonisation des milieux terrestres
  • 2,5 M : Homo 

La majeure partie de l'oxygène présente aujourd'hui dans l'atmosphère est d'origine biologique et provient de la scission de molécules d'eau pendant la photosynthèse. L'oxygène, sous diverses formes, peut s'attaquer aux liaisons chimiques, il peut inhiber les enzymes et attaquer les cellules. Son abondance soudaine a sûrement causé la disparition de nombreux groupes de procaryotes, dont certain ont survécu dans des habitats anaérobies.

Les eucaryotes, plus complexes, possédant une enveloppe nucléaire, des mitochondries, etc., seraient apparues par endosymbiose : une cellule procaryote aurait phagocyté une petite cellule qui serait devenue, au fil de l'évolution, un organite présent chez tous les eucaryotes, la mitochondrie. C'est un endosymbionte, une cellule qui vit à l'intérieur d'une autre cellule-hôte. L'interaction initiale aurait été une relation de prédation ou de parasitisme. Ce genre de phénomène (endosymbionte d'abord proie ou parasite devenu partie prenante d'une relation symbiotique) a été observé en laboratoire, et le changement peut s'effectuer en quelques années seulement.

Cette endosymbiose s'est probablement révélée utile dans un environnement devenu riche en oxygène, la symbiose avec une cellule sachant tirer profit de l'oxygène pouvant se révéler très utile à la cellule-hôte. Tous les eucaryotes ont des mitochondries ou au moins des traces génétiques de ces organites. En revanche, tous les eucaryotes ne sont pas pourvus de plastes (organite impliqué dans la photosynthèse). Donc, selon l'hypothèse de l'endosymbiose en série, les mitochondries seraient apparues avant les plastes.

Une autre vague de diversification a suivi : la multicellularité. Notons que les premiers eucaryotes multicellulaires sont bien plus primitifs que les animaux, qui n'apparaissent que des centaines de millions d'années plus tard. 

Le phénomène connu sous le nom d'explosion du Cambrien, il y a environ 530 millions d'années, indique une grande diversification du monde animal, même si existaient déjà les ancêtres des éponges, méduses, mollusques... Il semble que ce soit à ce moment que sont apparus les grands prédateurs, se nourrissant d'autres animaux de grande taille, qui étaient essentiellement herbivores auparavant. Cela aurait été la cause d'une course aux armements entre proies et prédateurs, avec notamment l'apparition d'organes défensifs et offensifs.

Des fossiles prouvent que des procaryotes photosynthétiques recouvraient les surfaces terrestres humides il y a déjà 1 milliard d'années. La colonisation des milieux terrestres par les organismes macroscopiques commence il y a environ 500 millions d'années. Les végétaux semblent avoir colonisé les milieux terrestres en compagnie des eumycètes. Les arthropodes ont été parmi les premiers animaux à coloniser la terre ferme, puis les tétrapodes (à quatre pattes).

L'ASCENSION ET LE DÉCLIN DES GROUPES D'ORGANISMES REFLÈTENT LES TAUX DE SPÉCIATION ET D'EXTINCTION

La dérive des continents favorise l'extinction et la spéciation en changeant continuellement l'environnement des organismes (climat, géographie, etc.). Des populations peuvent se retrouver séparées par la séparation des continents ou mises en contact par leur rapprochement.

La très vaste majorité des espèces un jour présentes sur Terre sont maintenant éteintes. A certains moments, des perturbations environnementales d'échelle planétaire ont causé des extinctions massives.

Les archives fossiles révèlent 5 extinctions massives majeures depuis 500 millions d'années. Au moins 50 % des espèces marines ont disparu au cours de ces extinctions.

L'extinction massive du Permien, peut-être la plus brutale jusque-là, s'est déroulée sur une période couvrant seulement moins de 500 000 ans. Huit ordres d'insectes sur 27 ont été éliminés. Elle s'est produite durant la période d'activité volcanique la plus intense en 500 MA, qui aurait causé de fortes émissions de CO2, donc une massive augmentation de la température et une acidification brutale des océans.

La sixième extinction massive est en cours.

En éliminant autant d'espèces, les extinctions massives peuvent déclencher des radiances adaptatives permettant à de nouveaux organismes de proliférer. Globalement, la diversité de la vie s'est accrue depuis 250 MA. Cet accroissement a été alimenté par des périodes de changements évolutifs durant lesquels des groupes d'organismes engendrent de nouvelles espèces dotées d'adaptations qui leur permettent d'occuper des niches écologiques différentes. Chacune des extinctions massive a été suivie d'une intense radiance adaptative. Ces radiances adaptatives peuvent aussi avoir lieu quand des groupes d'organismes expérimentent de grandes innovations évolutives, comme l'apparition de graines ou des carapaces, ou qui ont colonisé des régions avec peu de concurrence d'autres espèces (comme des îles, par exemple Hawaï).

Par exemple, les mammifères ont subi une radiance adaptative considérable après l'extinction des dinosaures terrestres. Avant 66 MA, les mammifères étaient petits et peu différenciés morphologiquement, souvent nocturnes. Ils se sont adaptés pour remplir les rôles écologiques auparavant tenus par les dinosaures.

DES VARIATIONS DANS LA SÉQUENCE OU LA RÉGULATION DE GÈNES DÉVELOPPEMENTAUX PEUVENT ENTRAINER DES MODIFICATIONS MORPHOLOGIQUES MAJEURES

L'hétérochronie est un changement concernant la vitesse ou la synchronisation des étapes du développement. Par exemple, il suffit de modifier légèrement les vitesses de croissance des diverses parties de l'organisme pour changer considérablement la forme de l'adulte. Chez la chauve-souris, notamment, la formation des ailes se fait accélération de la croissance des os des doigts. De même chez la baleine, chez laquelle la croissance des os des jambes est fortement ralentie.

Des changements évolutifs substantiels peuvent aussi résulter de modifications dans les gènes qui régissent l'organisation spatiale des diverses parties du corps. Par exemple, les gènes homéotiques déterminent l'emplacement des membres.

Les changements morphologiques des organismes résultent souvent de mutations qui modifient la régulation des gènes développementaux, et non de leurs séquences.

L'ÉVOLUTION NE POURSUIT AUCUN OBJECTIF

Je ne prends pas de notes particulières sur cette partie du chapitre. L'intégralité de ce qui précède dans le Campbell témoigne de ce fait. Voir aussi les livres de Richard Dawkins, notamment l'Horloger Aveugle, dont c'est le sujet central.

samedi 10 mai 2025

Biologie de Campbell #24 - L'origine des espèces

Biologie de Campbell #24 - L'origine des espèces

La définition biologique de l'espèce repose sur l'interfécondité et non sur la ressemblance physique.

LE CONCEPT BIOLOGIQUE DE L'ESPÈCE S'APPUIE SUR L'ISOLEMENT REPRODUCTEUR

Une espèce est une population ou un groupe de populations dont les membres peuvent se reproduire les uns avec les autres dans la nature et engendrer une descendance viable et féconde. Ils sont unis par leur compatibilité reproductive potentielle.

Le mécanisme de flux génétique (échange d'allèles entre les populations) tend à préserver le patrimoine génétique commun. A l'inverse, l'absence de flux génétique joue un rôle clé dans la spéciation.

Diverses barrières reproductives entrainent l'isolement reproducteur. Il y a tout d'abord les barrières prézygotiques, qui empêchent l'accouplement ou la fécondation :

  • L'isolement écologique : même en vivant dans le même environnement, des espèces peuvent occuper des niches différentes et ne presque jamais se rencontrer.
  • L'isolement temporel : certaines espèces se reproduisent à des heures, des saisons différentes.
  • L'isolement éthologique : les comportements de parade nuptiale sont une importante barrière reproductive.
  • L'isolement mécanique : même s'il y a tentative d'accouplement, celui-ci peut échouer en raison d'incompatibilité morphologique.
  • L'isolement gamétique : les spermatozoïdes d'une espèce sont généralement incapables de féconder les ovules d'une autre espèce. C'est un processus par exemple chez des espèces aquatiques qui libèrent leurs gamètes dans l'eau.

Ensuite peuvent intervenir les barrières postzygotiques

  • La viabilité réduite des hybrides : l'hybride peut avoir un développement incomplet et être incapable de survivre.
  • La fécondité réduite des hybrides : même s'ils sont vigoureux, les hybrides peuvent être stériles, notamment si les parents n'ont pas le même nombre de chromosomes, la méiose ne produit pas de gamètes normaux.
  • La déchéance des hybrides : Certains hybrides de première génération sont viables et féconds, mais quand ils s'accouplent entre eux ou avec une des espèces parentales, leur progéniture est frêle ou stérile.

Le concept biologique d'espèce ne s'applique pas aux fossiles par exemple, car on ne peut être certain de leur isolement reproducteur, ni aux organismes qui font principalement ou toujours appel à la reproduction asexuée, comme les procaryotes. Notons aussi que des espèces peuvent rester distinctes malgré la présence d'un flux génétique, qui produit des hybrides.

Ce qui précède concerne donc le concept biologique d'espèce. Il existe aussi :

  • Le concept morphologique de l'espèce, qui caractérise une espèce par la forme de son corps, par sa taille, et par d'autres caractéristiques structurales. Il a l'avantage de s'appliquer aussi aux organismes asexués et peut être utile même sans avoir connaissance du flux génétique. Il a cependant l'inconvénient de ne pas être objectif.
  • Le concept écologique de l'espèce, qui définit une espèce sous l'angle de sa niche écologique.

LA SPÉCIATION PEUT AVOIR LIEU EN PRÉSENCE OU EN L'ABSENCE D'ISOLEMENT GÉOGRAPHIQUE

Dans la spéciation allopatrique (autre patrie), le flux génétique est réduit ou interrompu quand une population se divise en sous-populations isolées géographiquement. L'ampleur de la barrière géographique nécessaire dépend de la capacité de déplacement des organismes. Puis mutations, sélection naturelle et dérive génétique modifient les fréquences alléliques.

Dans la spéciation sympatrique (même patrie) se produit dans le cas de populations vivant dans une même zone géographique. Elle est moins fréquente que la spéciation allopatrique et implique différents facteurs :

  • La sélection sexuelle
  • La différenciation des habitats : Par exemple mouches de l'aubépine qui se mettent à manger des pommes. Les deux fruits ne sont aux mêmes endroits, n'ont pas les mêmes moments de maturité, etc.
  • La polyploïdie : Une espèce peut naitre, pendant la division cellulaire, d'un accident qui produit au moins un jeu complet de chromosomes en surnombre. C'est possible chez les animaux mais surtout fréquent chez les végétaux. Près de 80 % des espèces végétales contemporaines descendraient d'ancêtres formés par spéciation polyploïde.

→ Un autopolyploïde est un individu qui possède plus de deux ensembles de chromosomes provenant d'une même espèce. C'est le cas par exemple si les chromosomes d'une cellule ont simplement été doublés (de 2n à 4n). Un tel organisme tétraploïde peut engendrer une descendance tétraploïde par autopollinisation ou par accouplement avec un autre tétraploïde. Si reproduction avec un diploïde, la descendance sera triploïde, ce qui réduit grandement sa fertilité. L'autopolyploïdie entraine donc immédiatement un isolement reproducteur.

→ Les allopolyploïdes sont la descendance devenue fertile à partir d'hybrides interspécifiques, c'est-à-dire issus du croisement de deux espèces différentes, souvent proches. Ces hybrides sont stériles, car les chromosomes des deux jeux dont ils ont hérité (un de chacun des parents) sont incapables de s'apparier pendant la méïose. Mais ils peuvent parfois se multiplier de façon non sexuée : c'est le cas des végétaux. Dans les générations suivantes, divers mécanismes peuvent rendre ces hybrides fertiles : ce sont eux qu'on appelle allopolyploïdes.

Beaucoup d'espèces végétales cultivées sont polyploïdes : avoine, coton, pomme de terre, tabac, blé (lui est un allohéxaploïde, soit 6 jeux de chromosomes), certaines variétés de pommiers, etc. Ce n'est pas pour rien : les polyploïdes ont tendance à être des organismes plus, gros (taille des cellules plus grosses pour tous ces chromosomes, métabolisme renforcé par copies des gènes...).

LES ZONES HYBRIDES RÉVÈLENT LES FACTEURS RESPONSABLES DE L'ISOLEMENT REPRODUCTEUR

Une zone hybride est une zone où les membres d'espèces différentes mais proches se rencontrent, s'accouplent et produisent au moins un descendant hybride. Elle est déterminée par les frontières plus ou moins poreuses des habitats des espèces, mais aussi par le fait que peu ou pas de descendants hybrides viables sont produits. Ces zones peuvent se déplacer en fonction des changements de l'environnement.

Il est possible que des hybrides viables subissent un isolement reproducteur et forment une nouvelle espèce. Au fil du temps, les zones hybrides peuvent connaitre 3 autres mouvements :

  • Le renforcement : les barrières reproductives sont renforcées et la formation d'hybride cesse progressivement. En effet, les hybrides sont souvent moins adaptés que les espèces parentes.
  • La fusion : les barrières reproductives sont affaiblies et les deux espèces fusionnent
  • La stabilité : production continuelle d'individus hybride

 

LA SPÉCIATION PEUT SE PRODUIRE RAPIDEMENT OU LENTEMENT ET PEUT RÉSULTER DE CHANGEMENTS DANS UN, DEUX OU PLUSIEURS GÈNES

Les archives fossiles montrent de nombreuses espèces apparaissant soudainement (à l'échelle géologique), se maintenant des millions d'années puis disparaissant. Ces périodes de stabilité sont des équilibres ponctués. Dans le cas d'autres espèces, les changements apparaissent plus graduels.

Il semble que l'hybridation soit un phénomène par lequel la spéciation peut se produire rapidement. La durée totale du processus de spéciation peut énormément varier, de milliers d'années à des millions d'années. Rappelons que la spéciation ne s'amorce qu'après interruption du flux génétique entre les populations ; après cette interruption, les populations doivent diverger génétiquement jusqu'à l'isolement reproducteur avant que d'autres phénomènes ne rétablissent le flux génétique.

Combien de gènes contribuent à la formation d'une nouvelle espèce ? L'isolement reproducteur peut parfois être expliqué par les effets d'un seul gène, par exemple si c'est un gène qui cause un changement morphologique rendant l'accouplement impossible. De même, chez les fleurs, il est possible que la simple couleur des pétales détermine les pollinisateurs, et un changement de couleur peut créer un isolement reproductif.

mardi 6 mai 2025

Biologie de Campbell #23 - L'évolution des populations

Note : Je suis toujours aussi captivé et stupéfait par les mécanismes de l'évolution, les rouages de la vie à travers le temps et l'espace. Quoi de plus remarquable ? Il y a dans les 20 pages de ce chapitre de quoi renverser des citadelles mentales.

L'évolution agit à l'échelle des populations, pas des individus. Face aux changements du milieu (entre autres facteurs), la proportion d'individus présentant certains traits varie au sein d'une population. 

LA VARIATION GÉNÉTIQUE REND L'ÉVOLUTION POSSIBLE 

Quelle que soit l'espèce, les traits phénotypiques varient d'un individu à l'autre. Ces disparités individuelles reflètent souvent la variation génétique.

Comment savoir quelle est la variation génétique entre individus ? On mesure le pourcentage moyen de locus hétérozygotes. Par exemple, la drosophile est en moyenne hétérozygote pour 14% de ses locus, ce qui est très élevé. Pour les humains, 0,1%.

  • hétérozygote : deux allèles différents pour un locus donné
  • homozygote : deux allèles identiques pour un locus donné 

Mesurer la variation sur le plan moléculaire (diversité des nucléotides) est peu pertinent car ces différences sont peu liées à des différences phénotypiques, car beaucoup d'entre elles sont à l'intérieur des introns, les fragments d'ADN non codants.

Certaines variations phénotypiques ne sont pas issues de différences génétiques entre individus, mais par des différences de milieu. Il y a des cas extrêmes, avec certaines chenilles dont l'apparence est affectée par ce qu'elles mangent afin d'avoir un camouflage approprié à leur milieu du moment, mais chez les humains on peut penser au bronzage ou au bodybuilding.

La diversité génétique sur laquelle repose l'évolution résulte de mutations, de duplications génétiques ou d'autres processus qui produisent de nouveaux allèles et gènes. La reproduction sexuée est aussi une occasion de variation génétique quand les gènes existants se recombinent.

Une mutation est un changement dans la séquence de nucléotides de l'ADN d'un organisme. Une mutation infime peut avoir un effet considérable sur l'organisme. La plupart des mutations sont dommageables. Parfois, la sélection naturelle fait que ces allèles nuisibles disparaissent rapidement. Chez les organismes diploïdes (c'est-à-dire que les chromosomes sont présents par paires, par exemple 46 chromosomes organisés en 23 paires chez les humains), les allèles nuisibles peuvent se maintenir et se propager chez les individus hétérozygotes, car un allèle dominant plus favorable peut masquer les effets de l'allèle nuisible. C'est aussi un réservoir d'allèles qui peuvent se révéler adaptées si le milieu change.

Beaucoup de mutations ne sont pas nuisibles : les mutations ponctuelles dans des régions non codantes donnent généralement lieu à des variations neutres.

Notons que chez les organismes multicellulaires, seules les mutations de lignées cellulaires produisant des gamètes transmissibles peuvent se transmettre aux descendants. Chez la majorité des animaux, la plupart des mutations se produisent dans des cellules somatiques (cellules non reproductives) et disparaissent à la mort de l'individu.

La duplication des gènes causée par des erreurs au cours de la méiose (ou autres facteurs) sont d'importantes sources de variation. Les duplications qui n'ont pas d'effet grave peuvent se maintenir, permettant aux mutations de s'accumuler au fil du temps. Il en résulte un génome plus grand, dont les nouveaux gènes peuvent avoir de nouvelles fonctions. Par exemple, les ancêtres lointains des mammifères avaient un seul gène olfactif ; aujourd'hui, les humains en ont 380 et les souris 1200.

Le taux de mutation n'est pas le seul facteur : comptent aussi la vitesse de reproduction, c'est-à-dire le nombre de générations en un temps donné.

Et, bien sûr, la reproduction sexuée est un facteur important de brassage génétique.

L'ÉQUATION DE HARDY-WEINBERG PERMET DE VÉRIFIER SI UNE POPULATION ÉVOLUE

Une population se définit comme un groupe d'individus d'une même espèce qui vivent dans la même zone, se reproduisent et engendrent une descendance féconde. Des populations d'une même espèce peuvent se retrouver assez isolées les unes des autres.

Dans une population qui n'évolue pas, les fréquences alléliques et génotypiques restent constantes de génération en génération (en gros) : c'est l'équilibre de Hardy-Weinberg. Je passe sur les calculs. C'est comme un jeu de carte : on a beau le mélanger, il reste le même.

Cet équilibre dépend de 5 conditions, qui sont bien rarement réunies dans la nature :

  1. Il n'y a pas de mutations.
  2. L'accouplement se fait de manière aléatoire.
  3. Il n'y a pas de sélection naturelle. 
  4. La taille de la population est extrêmement grande.
  5. Il n'y a pas de flux génétique (le retrait ou l'ajout d'allèles dans une population).

Il est donc rare que cet équilibre touche une population, en revanche, il est fréquent qu'il touche des gènes précis.

LA SÉLECTION NATURELLE, LA DÉRIVE GÉNÉTIQUE ET LE FLUX GÉNÉTIQUE PEUVENT MODIFIER LES FRÉQUENCES ALLÉLIQUES D'UNE POPULATION

La sélection naturelle repose sur le succès différentiel de survie et de reproduction. Les individus d'une population présentent des variations dans leurs caractères héréditaires ; ceux qui sont dotés des variations les mieux adaptées à l'environnement ont tendance à laisser une descendance plus nombreuse que les autres. Génétiquement : certains allèles se transmettent à la génération suivante dans des proportions qui diffèrent de celles de la génération parentale. La sélection naturelle entraine une évolution adaptative.

Des phénomènes aléatoires peuvent faire fluctuer la fréquence allélique de manière imprévisible d'une génération à l'autre, en particulier dans les petites populations : c'est la dérive génétique. Elle peut avoir des effets considérables tout n'étant que pur hasard. Deux cas spécifiques de dérive génétique :

L'effet fondateur : Par exemple quand des graines d'une population de végétaux se retrouvent sur une île après une tempête. Entre celles qui retrouvent dans l'océan et la minorité qui trouve une nouvelle terre, c'est du hasard. 

Le goulot d'étrangement : Par exemple, un changement environnemental soudain, comme un incendie ou une inondation, peut réduire brutalement et drastiquement la taille d'une population, et ainsi sélectionner des allèles par pur hasard.

Le flux génétique est l'échange d'allèles entre différentes populations en raison de la migration d'individus fertiles ou de leurs gamètes. Un flux génétique important peut fondre deux populations en une. Un flux génétique entre deux populations peut aussi maintenir partiellement des traits non adaptés au milieu d'une des populations par simple apport d'allèles venues de l'autre population.

LA SÉLECTION NATURELLE EST LE SEUL MÉCANISME QUI ENTRAINE UNE ÉVOLUTION ADAPTATIVE CONSTANTE

Le hasard intervient dans l'apparition de nouvelles variations génétiques (comme les mutations), et le tri entre en jeu quand la sélection naturelle favorise certains allèles plutôt que d'autres. Le résultat de ce processus n'est pas aléatoire, il est adaptatif.

Dans un environnement donné, certains caractères peuvent accroitre la valeur d'adaptation, c'est-à-dire la contribution d'un individu au patrimoine génétique de la génération suivante par rapport à la contribution d'autres individus. La sélection agit directement sur le phénotype et donc indirectement sur le génotype.

On distingue 3 "modes" de sélection naturelle : 

  • La sélection directionnelle : modifie la composition générale d'une population en favorisant les phénotypes situés à une seule extrémité de la distribution (par exemple sélectionner les individus les plus foncés car ils se camouflent mieux).
  • La sélection divergente : favorise les deux phénotypes extrêmes (par exemple sélectionner les individus les plus foncés ET les individus les plus sombres car ils sont plus adaptés à deux niches spécifiques du milieu que les individus intermédiaires).
  • La sélection stabilisante : elle élimine les phénotypes extrêmes (par exemple élimine les individus plus clairs ou plus foncés car les individus de couleur intermédiaire se camouflent mieux dans le milieu)

La sélection sexuelle peut donner lieu au dimorphisme sexuel, qui s'exprime par des différences marquées dans les caractères sexuels secondaires des mâles et femelles d'une même espèce.

  • La sélection intrasexuelle est la sélection qui a lieu entre les individus de même sexe et qui passe par la concurrence directe pour gagner les faveurs d'un partenaire de sexe opposé. Par exemple, chez un certain nombre d'espèces, un mâle seul jouit du privilège reproductif avec un groupe de femelles. Pour défendre ce statut, il doit combattre d'autres mâles, se livrer à des parades nuptiales, etc.
  • La sélection intersexuelle passe par une prédilection qu'ont les partenaires d'un des deux sexes (généralement les femelles) pour les potentiels partenaires de sexe opposé. Dans de nombreux cas, il semble que les femelles préfèrent les mâles aux traits les plus éclatants et aux comportements les plus impressionnants. Ainsi des caractères sexuels secondaires peuvent avoir une valeur d'adaptation négative (plumage chatoyant, etc.) mais si les femelles préfèrent ce trait, ce trait sera sélectionné en priorité, jusqu'à un certain point. Globalement, les femelles préfèrent chez les mâles les traits corrélés à une valeur d'adaptation positive.
Chez les organismes diploïdes, un grand nombre d'allèles récessifs défavorables échappent à la sélection naturelle car ils sont portés par des individus hétérozygotes. Ainsi la sélection naturelle préserve la variation à certains locus et peut maintenir deux formes ou plus d'un phénotype dans une population. C'est la sélection équilibrée. C'est ainsi que l'évolution ne détruit pas variation génétique en éliminant tous les allèles défavorables.

Dans la sélection selon la fréquence, la valeur d'adaptation des individus ayant un phénotype particulier diminue si elle est trop répandue dans la population. Par exemple, des poissons qui mangent les écailles d'autres poissons, et dont la bouche est adaptée à un seul côté d'attaque, droite ou gauche : si l'un ou l'autre devient trop fréquent, les proies s'adaptent, ce qui réduit le succès reproductif du "côté" le plus courant et favorise l'autre, ceci dans une perpétuelle fluctuation stabilisatrice (Perissodus microlepis).

Si un phénotype hétérozygote est différent et avantageux par rapport aux phénotypes homozygotes, il peut y avoir un avantage hétérozygote. Pages 548/9 est développé l'exemple du lien entre l'anémie à hématies falciformes et le paludisme. En gros, les homozygotes porteurs de deux allèles de la leucémie sont fortement désavantagés (car gravement malades), mais les hétérozygotes porteurs d'un seul allèle de la leucémie sont avantagés par rapport aux deux types d'homozygotes (100% leucémie ou 0% leucémie) car un seul allèle donne un avantage contre le paludisme. C'est pourquoi cet allèle est si fréquent tout en étant responsable d'une maladie mortelle.

Pourquoi la sélection naturelle ne peut produire des organismes "parfaits" ?

  • La sélection naturelle ne peut que modifier la proportion des variations existantes. Les nouveaux allèles avantageux apparaissent par hasard.
  • L'évolution est limitée par des contraintes historiques. L'évolution ne peut se débarrasser par exemple d'une anatomie ancestrale. Elle travaille à partir de structures existantes.
  • De nombreuses adaptations sont des compromis. Chaque organisme exerce des activités diverses qui sont en contradiction les unes avec les autres.
  • Le hasard, la sélection naturelle et l'environnement entrent en interaction.  

dimanche 27 avril 2025

Biologie de Campbell #22 - La "descendance avec modification" : l'évolution selon Darwin

Biologie de Campbell #22 - La "descendance avec modification" : l'évolution selon Darwin

Note : On arrive sur quelques chapitres dont le sujet m'est déjà un peu familier, à travers mes lectures de Richard Dawkins, Darwin lui-même, et de nombreux autres ouvrages de biologie. Il faut bien avouer qu'en comparaison à tout ce qui précède dans le Campbell, c'est-à-dire les vastes complexités de ce qui se déroule au niveau atomique ou moléculaire, les mécanismes l'évolution sont aisément compréhensibles à un niveau quasi instinctif. Une fois les grandes lignes intégrées, elles sont visibles partout au quotidien, dans toutes les formes de vie et tous leurs actes.

LA THÉORIE DE DARWIN A RÉVOLUTIONNÉ L'IDÉE D'UNE TERRE ET PEUPLÉE D'ESPÈCES IMMUABLES

L'idée que la vie pouvait avoir évolué graduellement au fil du temps n'était pas totalement nouvelle. Mais la doxa, qui remontait à Aristote, envisageait une fixité des espèces. La scala naturae aurait été l'échelle de complexité croissante et hiérarchique de ces espèces. Cette vision est compatible avec le christianisme. Ainsi, Carl von Linné, dans les années 1700, a cherché à classifier la diversité du vivant sans véritablement dépasser ce cadre-là. Il se concentrait sur la ressemblance et non la parenté.

Les idées de Darwin s'appuyaient sur les fossiles et l'existence des strates rocheuses dans lesquelles on les trouve. La paléontologie, créée en bonne partie par le français George Cuvier (1769-1832) a déterminé que plus une strate est profonde, plus elle contient des fossiles différents des espèces contemporaines. De plus, certaines espèces semblent apparaitre alors que d'autres semblent disparaitre. Cuvier a donc adopté l'idée de phénomènes d'extinction, tout en rejetant l'idée d'évolution : il voyait les extinctions comme des évènements soudains qui tuaient des espèces locales, avant que des espèces venues d'ailleurs ne repeuplent.

En parallèle, une doctrine nommée gradualisme posait que l'accumulation de phénomènes mineurs pouvaient entrainer des changements majeurs, notamment en géologie, mais aussi en biologie.

Selon Lamarck (1744-1829), l'évolution explique les fossiles et l'adaptation des fossiles à leur environnement. Il a publié sa théorie en 1809, l'année de naissance de Darwin. Son idée de l'usage et du non-usage posait que les organes utilisés par un organisme se développaient, et que ces caractères acquis étaient transmis héréditairement.  

A noter que des mécanismes lamarckiens pourraient contribuer à l'évolution : chez les bactéries par exemple, une adaptation peut être transmise si elle modifie le matériel génétique. Par exemple, une bactérie attaquée par un virus pourra intégrer dans son matériel génétique les fragments de gènes étrangers qui augmenteront ses chances de survie. De plus, le domaine de l'épigénétique étudie l'expression du patrimoine génétique, expression qui peut être modifiée, et ces modifications transmises entre générations, sans changement génétique. Notons bien que les phénomènes épigénétiques ne modifient pas le génome et restent un phénomène marginal par rapport aux mécanismes darwiniens.

LA DESCENDANCE AVEC MODIFICATION PAR SÉLECTION NATURELLE EXPLIQUE LES ADAPTATIONS DES ORGANISMES AINSI QUE L'UNITÉ ET LA DIVERSITÉ DE LA VIE

Darwin (1809-1882) doit beaucoup aux 5 années de son expérience de naturaliste sur le navire Beagle en Amérique du Sud, en Océanie et aux Îles Galápagos. Il a pu observer directement des milliers d'organismes dans de nombreux contextes géographiques. Par exemple, il a pu constater que les espèces végétales et animales des régions tempérées d'Amérique du Sud étaient plus proches des espèces des régions tropicales de ce continent que des espèces des régions tempérées d'Europe. Il a aussi pu faire des observations géologiques, comme des fossiles marins en haut des Andes ou un tremblement de terre ayant un impact majeur sur la géographie.

Darwin a ainsi pu observer de nombreux exemples d'adaptation, c'est-à-dire de caractéristiques héréditaires qui améliorent les chances de survie et de reproduction des organismes dans un évènement donné. Plus tard, en mettant toutes les informations recueillies en lien, Darwin a perçu le lien entre l'adaptation et la formation de nouvelle espèces. Son explication de l'origine des adaptations est basé sur la sélection naturelle : les individus dotés de certains caractères héréditaires tendent à avoir des taux de survie et de reproduction plus élevés que d'autres en raison de ces caractères.

De l'origine des espèces parait en 1859. Une décennie plus tard, la majorité des biologistes de l'époque sont ralliés à la théorie de l'évolution. Ceci dit, dans la première édition, Darwin n'utilisait pas le terme évolution mais descendance avec modification.

La sélection artificielle, à propos de plantes et d'animaux domestiques, très aisément observable, permet de comprendre que la sélection naturelle obéit à une logique similaire de façon, justement, naturelle. Pour Darwin :

  • Observation 1 : les membres d'une population diffèrent souvent par leurs caractères héréditaires.
  • Observation 2 : toutes les espèces peuvent produire une descendance plus importante que celle que leur environnement peut soutenir, et une bonne partie de cette descendance n'arrive pas à survivre et à se reproduire.
  • Inférence 1 : les individus présentant des caractères héréditaires qui leur confèrent des plus grandes chances de survivre et de se reproduire dans un environnement donné tendent à laisser une descendance plus nombreuse que les autres individus.
  • Inférence 2 : de génération en génération, cette capacité inégale de survie et de reproduction entraine une accumulation de caractères favorables dans la population.

On voit que la sélection artificielle peut obtenir des résultats considérables à une échelle humaine. Donc, la sélection naturelle, qui agit sur des milliers, des millions de générations, peut obtenir des résultats d'autant plus drastiques.

Rappelons que :
  • Les individus n'évoluent pas 
  • La sélection naturelle peut amplifier ou atténuer uniquement des caractères héréditaires qui diffèrent entre les individus d'une population. Si tous les individus d'une population possèdent un caractère par ailleurs héréditaire, celui-ci n'est pas touché par la sélection naturelle.
  • L'environnement étant très variable, les caractères peuvent être favorables, inutiles ou nuisibles selon les contextes. 

UNE SOMME CONSIDÉRABLE DE DONNÉES SCIENTIFIQUES ATTESTE L'ÉVOLUTION 

→ Observations directes. On a pu observer la sélection naturelle dans le cadre d'introduction de nouvelles espèces végétales. Des insectes, par exemple, peuvent connaitre des changements rapides pour s'adapter à nouvelles sources de nourriture (longueur des pièces buccales, etc.). On peut le constater aussi face à l'évolution des bactéries et virus pharmacorésistants. Les souches résistantes ne mettent que quelques années à apparaitre.

Avec ces exemples, on perçoit que l'évolution est...

  • Un processus de multiplication plus que de création : elle favorise la sélection d'individus déjà présents dans la population. 
  • Potentiellement très rapide chez les espèces à générations courtes.
  • Dépendante du milieu. 
→ L'homologie. C'est l'analyse des similarités entre divers organismes. Des espèces reliées ont des caractéristiques communes en raison de leur ascendance commune. L'homologie est pertinente à l'échelle anatomique comme moléculaire. Par exemple, tous les mammifères, aussi différents soient-ils, ont des membres antérieurs composés des mêmes éléments osseux. Ce sont des structures homologues, c'est-à-dire des variations fonctionnelles sur un même thème structural présent chez l'ancêtre commun. Cette homologie est encore plus présente au stade embryonnaire. Il existe même des organes vestigiaux. Sans parler des gènes homologues entre espèces très différentes.
 
Les homologies et l'identification des structures communes (membres avec doigts, plumes, etc.) facilitent la "pensée arborescente", qui permet de retracer l'histoire évolutionnaire des espèces, qu'on peut représenter par un arbre phylogénétique.
 
Une autre cause de ressemblance entre les espèces est l'évolution convergente. Des organismes différents ont tendance à "trouver" des solutions adaptatives similaires face aux défis posés par leur milieu. Par exemple, les marsupiaux, en Australie, se sont développés de façon très similaire aux mammifères placentaires, des animaux se ressemblant ayant évolué pour occuper les mêmes niches (le phalanger du sucre et l'écureuil volant, etc.). Dans ce cas, on parle de caractéristiques analogues, pas homologues.

→ Les archives fossiles. Elles permettent d'observer les organismes du passé et sont des témoignages directs des changements évolutifs.

→ La biogéographie. C'est l'étude scientifique de la distribution géographique des espèces. La division de la Pangée en plusieurs continents et la dérive des continents permettent (entre autres facteurs) de comprendre la répartition des espèces aujourd'hui. L'étude des espèces insulaires, isolées pendant un temps long, est particulièrement révélatrice.