dimanche 27 avril 2025

Biologie de Campbell #22 - La "descendance avec modification" : l'évolution selon Darwin

Biologie de Campbell #22 - La "descendance avec modification" : l'évolution selon Darwin

Note : On arrive sur quelques chapitres dont le sujet m'est déjà un peu familier, à travers mes lectures de Richard Dawkins, Darwin lui-même, et de nombreux autres ouvrages de biologie. Il faut bien avouer qu'en comparaison à tout ce qui précède dans le Campbell, c'est-à-dire les vastes complexités de ce qui se déroule au niveau atomique ou moléculaire, les mécanismes l'évolution sont aisément compréhensibles à un niveau quasi instinctif. Une fois les grandes lignes intégrées, elles sont visibles partout au quotidien, dans toutes les formes de vie et tous leurs actes.

LA THÉORIE DE DARWIN A RÉVOLUTIONNÉ L'IDÉE D'UNE TERRE ET PEUPLÉE D'ESPÈCES IMMUABLES

L'idée que la vie pouvait avoir évolué graduellement au fil du temps n'était pas totalement nouvelle. Mais la doxa, qui remontait à Aristote, envisageait une fixité des espèces. La scala naturae aurait été l'échelle de complexité croissante et hiérarchique de ces espèces. Cette vision est compatible avec le christianisme. Ainsi, Carl von Linné, dans les années 1700, a cherché à classifier la diversité du vivant sans véritablement dépasser ce cadre-là. Il se concentrait sur la ressemblance et non la parenté.

Les idées de Darwin s'appuyaient sur les fossiles et l'existence des strates rocheuses dans lesquelles on les trouve. La paléontologie, créée en bonne partie par le français George Cuvier (1769-1832) a déterminé que plus une strate est profonde, plus elle contient des fossiles différents des espèces contemporaines. De plus, certaines espèces semblent apparaitre alors que d'autres semblent disparaitre. Cuvier a donc adopté l'idée de phénomènes d'extinction, tout en rejetant l'idée d'évolution : il voyait les extinctions comme des évènements soudains qui tuaient des espèces locales, avant que des espèces venues d'ailleurs ne repeuplent.

En parallèle, une doctrine nommée gradualisme posait que l'accumulation de phénomènes mineurs pouvaient entrainer des changements majeurs, notamment en géologie, mais aussi en biologie.

Selon Lamarck (1744-1829), l'évolution explique les fossiles et l'adaptation des fossiles à leur environnement. Il a publié sa théorie en 1809, l'année de naissance de Darwin. Son idée de l'usage et du non-usage posait que les organes utilisés par un organisme se développaient, et que ces caractères acquis étaient transmis héréditairement.  

A noter que des mécanismes lamarckiens pourraient contribuer à l'évolution : chez les bactéries par exemple, une adaptation peut être transmise si elle modifie le matériel génétique. Par exemple, une bactérie attaquée par un virus pourra intégrer dans son matériel génétique les fragments de gènes étrangers qui augmenteront ses chances de survie. De plus, le domaine de l'épigénétique étudie l'expression du patrimoine génétique, expression qui peut être modifiée, et ces modifications transmises entre générations, sans changement génétique. Notons bien que les phénomènes épigénétiques ne modifient pas le génome et restent un phénomène marginal par rapport aux mécanismes darwiniens.

LA DESCENDANCE AVEC MODIFICATION PAR SÉLECTION NATURELLE EXPLIQUE LES ADAPTATIONS DES ORGANISMES AINSI QUE L'UNITÉ ET LA DIVERSITÉ DE LA VIE

Darwin (1809-1882) doit beaucoup aux 5 années de son expérience de naturaliste sur le navire Beagle en Amérique du Sud, en Océanie et aux Îles Galápagos. Il a pu observer directement des milliers d'organismes dans de nombreux contextes géographiques. Par exemple, il a pu constater que les espèces végétales et animales des régions tempérées d'Amérique du Sud étaient plus proches des espèces des régions tropicales de ce continent que des espèces des régions tempérées d'Europe. Il a aussi pu faire des observations géologiques, comme des fossiles marins en haut des Andes ou un tremblement de terre ayant un impact majeur sur la géographie.

Darwin a ainsi pu observer de nombreux exemples d'adaptation, c'est-à-dire de caractéristiques héréditaires qui améliorent les chances de survie et de reproduction des organismes dans un évènement donné. Plus tard, en mettant toutes les informations recueillies en lien, Darwin a perçu le lien entre l'adaptation et la formation de nouvelle espèces. Son explication de l'origine des adaptations est basé sur la sélection naturelle : les individus dotés de certains caractères héréditaires tendent à avoir des taux de survie et de reproduction plus élevés que d'autres en raison de ces caractères.

De l'origine des espèces parait en 1859. Une décennie plus tard, la majorité des biologistes de l'époque sont ralliés à la théorie de l'évolution. Ceci dit, dans la première édition, Darwin n'utilisait pas le terme évolution mais descendance avec modification.

La sélection artificielle, à propos de plantes et d'animaux domestiques, très aisément observable, permet de comprendre que la sélection naturelle obéit à une logique similaire de façon, justement, naturelle. Pour Darwin :

  • Observation 1 : les membres d'une population diffèrent souvent par leurs caractères héréditaires.
  • Observation 2 : toutes les espèces peuvent produire une descendance plus importante que celle que leur environnement peut soutenir, et une bonne partie de cette descendance n'arrive pas à survivre et à se reproduire.
  • Inférence 1 : les individus présentant des caractères héréditaires qui leur confèrent des plus grandes chances de survivre et de se reproduire dans un environnement donné tendent à laisser une descendance plus nombreuse que les autres individus.
  • Inférence 2 : de génération en génération, cette capacité inégale de survie et de reproduction entraine une accumulation de caractères favorables dans la population.

On voit que la sélection artificielle peut obtenir des résultats considérables à une échelle humaine. Donc, la sélection naturelle, qui agit sur des milliers, des millions de générations, peut obtenir des résultats d'autant plus drastiques.

Rappelons que :
  • Les individus n'évoluent pas 
  • La sélection naturelle peut amplifier ou atténuer uniquement des caractères héréditaires qui diffèrent entre les individus d'une population. Si tous les individus d'une population possèdent un caractère par ailleurs héréditaire, celui-ci n'est pas touché par la sélection naturelle.
  • L'environnement étant très variable, les caractères peuvent être favorables, inutiles ou nuisibles selon les contextes. 

UNE SOMME CONSIDÉRABLE DE DONNÉES SCIENTIFIQUES ATTESTE L'ÉVOLUTION 

→ Observations directes. On a pu observer la sélection naturelle dans le cadre d'introduction de nouvelles espèces végétales. Des insectes, par exemple, peuvent connaitre des changements rapides pour s'adapter à nouvelles sources de nourriture (longueur des pièces buccales, etc.). On peut le constater aussi face à l'évolution des bactéries et virus pharmacorésistants. Les souches résistantes ne mettent que quelques années à apparaitre.

Avec ces exemples, on perçoit que l'évolution est...

  • Un processus de multiplication plus que de création : elle favorise la sélection d'individus déjà présents dans la population. 
  • Potentiellement très rapide chez les espèces à générations courtes.
  • Dépendante du milieu. 
→ L'homologie. C'est l'analyse des similarités entre divers organismes. Des espèces reliées ont des caractéristiques communes en raison de leur ascendance commune. L'homologie est pertinente à l'échelle anatomique comme moléculaire. Par exemple, tous les mammifères, aussi différents soient-ils, ont des membres antérieurs composés des mêmes éléments osseux. Ce sont des structures homologues, c'est-à-dire des variations fonctionnelles sur un même thème structural présent chez l'ancêtre commun. Cette homologie est encore plus présente au stade embryonnaire. Il existe même des organes vestigiaux. Sans parler des gènes homologues entre espèces très différentes.
 
Les homologies et l'identification des structures communes (membres avec doigts, plumes, etc.) facilitent la "pensée arborescente", qui permet de retracer l'histoire évolutionnaire des espèces, qu'on peut représenter par un arbre phylogénétique.
 
Une autre cause de ressemblance entre les espèces est l'évolution convergente. Des organismes différents ont tendance à "trouver" des solutions adaptatives similaires face aux défis posés par leur milieu. Par exemple, les marsupiaux, en Australie, se sont développés de façon très similaire aux mammifères placentaires, des animaux se ressemblant ayant évolué pour occuper les mêmes niches (le phalanger du sucre et l'écureuil volant, etc.). Dans ce cas, on parle de caractéristiques analogues, pas homologues.

→ Les archives fossiles. Elles permettent d'observer les organismes du passé et sont des témoignages directs des changements évolutifs.

→ La biogéographie. C'est l'étude scientifique de la distribution géographique des espèces. La division de la Pangée en plusieurs continents et la dérive des continents permettent (entre autres facteurs) de comprendre la répartition des espèces aujourd'hui. L'étude des espèces insulaires, isolées pendant un temps long, est particulièrement révélatrice.

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