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samedi 23 février 2013

Lord Jim - Joseph Conrad

Lord Jim - Joseph Conrad

Sacré Jim ... Vous le voyez en couverture, incarné par Peter O'Toole dans le film de Richard Brooks (1965). Il est marin, il est jeune, il est robuste, il est honnête, il est loin d’être bête : il a presque tout pour lui. Il pourrait facilement finir sa vie en tant que capitaine à le retraite respecté, a coté d'une femme aimante et d'enfants modèles. Mais tout cela, ce n'est pas pour Jim.

En effet, et c'est là le cœur de l’œuvre de Conrad, Jim est un homme romanesque. Rêveur. Il navigue pour la marine marchande, mais au fond, il n'attend qu'une chose : l'aventure. Il rêve de gloire, il fantasme son propre héroïsme. Mais dans l'univers de Conrad, il n'y a pas de héros. Alors quand vient l'occasion d'accomplir un acte vraiment héroïque, de se sacrifier pour tenter de sauver de nombreuses vies, Jim va faire le mauvais choix. Il va abandonner son navire et laisser 800 pèlerins sur un bateau prêt à couler. Et, comble de ridicule, le bateau ne coule même pas : les pèlerins sont sauvés par un autre navire. C'est l'acte qui va changer la vie de Jim. On lui retire son brevet de marin, et il restera marqué a vie par le déshonneur. C'est là qu'il rencontre Marlow, son ainé de 20 ans, qui va se prendre d'affection pour lui et tenter de lui venir en aide. Jim aurait pu a plusieurs occasions retrouver une situation plus convenable, mais sa faute le poursuit, et il fuit toujours plus loin, jusqu'à se retrouver au Patusan, un petit pays perdu où il pourra enfin retrouver son honneur. Seulement pour un temps, bien sur.

Le style de Conrad est toujours aussi particulier. Le récit nous est conté par Marlow et n'est pas linéaire. On fait souvent des bonds dans le futur pour ensuite revenir en arrière, cela peut être perturbant et donner l'impression que l'histoire n'avance pas. Ce sentiment est renforcé par le fait que l'action n'est pas au centre du récit : Marlow le ponctue de nombreux commentaires et autres analyses. Il y a également de nombreuses digressions pendant lesquelles on découvre le destin d'autres personnage, mais ce n'est jamais hors-sujet. Conrad peut avoir l'air de s’éparpiller, mais ce n'est pas le cas, le moindre détail sert son propos général. Le rythme est donc assez lent, mais Jim est un personnage suffisamment complexe et passionnant pour qu'on ne s’ennuie pas du tout. C'est un perdant, mais un perdant jusqu'auboutiste. Il ne peut se résigner à être un homme banal, il essaie d’être un héros et y parvient presque, mais au final, sa nature d'homme comme les autres le rattrape.

L'univers de Conrad n'a pas changé depuis La folie Almayer : un homme rêve d'une force qu'il n'a pas et est donc confronté à l'échec. Mais ici, comme dans Au cœur des ténèbres et bien que son roman soit fort long, Conrad fait preuve d'une très grande maitrise, et Jim est une personnalité fascinante. Comme Marlow, il est difficile de ne pas s'attacher à lui et de ne pas se sentir concerné par son destin tragique.

508 pages, 1900, Folio

vendredi 1 février 2013

Au cœur des ténèbres - Joseph Conrad

An coeur des ténèbres - Joseph Conrad

Le voici enfin, le grand Au cœur des ténèbres, qui a inspiré le tout aussi grand Apocalypse Now, mais aussi le film Aguirre, la colère de Dieu, dont je n'ai que de lointains souvenirs, et même le récent jeu Spec Ops: The Line, qui transpose la trame globale du roman de Conrad dans un Dubaï ravagé par les sables (et s'en tire plutôt bien, même si l'équilibre entre la narration sombre et mature et le coté blockbuster bourrin n'est pas parfaitement maitrisé). Grand, mais court : seulement 190 pages, dont 70 d'une longue préface que la plupart des lecteurs sauterons.

Étant paru en 1899, Au cœur des ténèbres pourrait difficilement évoquer la guerre du Vietnam, comme le fait sa réinterprétation cinématographique. A l'embouchure de la Tamise, un groupe de marins s'ennuie sur le pont d'un navire banal. Seulement, au sein d'eux, se cache Marlow, un homme qui a vécu des expériences pas banales du tout. Et voilà qu'il commence à raconter son histoire, sa plongée au plus profond des ténèbres de l’Afrique. Conrad maintient un certain flou : la narration n'est pas toujours linéaire, il y a des ellipses, des distorsions du temps ... Il est toujours difficile de savoir où l'on est, de mesurer le temps qui s'écoule. Ce qui est certain, c'est qu'au fur et à mesure que Marlow s'enfonce dans cette contrée perdue, la limite entre humanité et sauvagerie tend à devenir plus mince, plus fragile. Marlow n'est pas vraiment le personnage principal du récit, non, il s'agit plutôt de Kurtz, l'homme qu'il est chargé de retrouver. Bien avant qu'il ne le rencontre en personne, Kurtz est au centre de la plupart des conversations. Un homme brillant, un orateur hors pair, un leader né promis à un grand avenir. Seul au cœur de la jungle, il montre son talent en faisant parvenir des quantité faramineuses d'ivoire. Il faut pourtant le retrouver, il est dans cette jungle depuis si longtemps ...

Que de chemin parcouru pour Conrad depuis La folie Almayer ! Il nous entraine dans un univers sombre, sans espoir, où le plus brillant des hommes choisit la sauvagerie, l'horreur, où la raison humaine ne tient qu'à un fil menaçant à tout instant de rompre pour laisser la place à la barbarie primitive, le tout dans un contexte de colonisation très marqué. Bien que très court, Au cœur des ténèbres est un roman poisseux, sombre, mystérieux, et surtout fascinant.

190 pages dont 70 d’introduction,  1899, GF Flammarion

vendredi 25 janvier 2013

La folie Almayer - Joseph Conrad

La folie Almayer - Joseph Conrad

Premier roman de Conrad, La folie Almayer a été écrit sur plusieurs années au cours des voyages de l'auteur. Et, comme ses textes suivants, c'est assez exotique.

Le Almayer du titre, c'est un homme blanc vivant dans les les Indes, dans un bled paumé situé au bord d'une rivière, pour être précis. Et c'est le seul blanc du coin. Comment est-il arrivé là ? Le récit étant non chronologique, on l'apprend sous forme d'un long flashback dans la première moitié du livre. Bref, voici la situation d'Almayer quand débute le roman : il vit avec une femme malaise qu'il déteste et qui le déteste, il a une fille métisse qu'il adore, et ses affaires commerciales sont plongées depuis longtemps dans une profonde torpeur. Il ne rêve que d'une chose : retrouver la civilisation blanche avec sa fille. Mais Almayer est un perdant. Il fantasme sa gloire, et au final n'arrive à rien. Dès le début, on sait que la fin ne sera pas joyeuse, un tel personnage ne pouvant que s'enfoncer encore plus.

L'ambiance est humide, poisseuse, emplie de relents marécageux. Il n'y pas grand chose d'autre à manger que du riz et des bananes, la population locale est éclectique et peu portée à l'amitié avec un blanc. C'est certain, Conrad a su mettre sur papier l'expérience accumulée dans ses voyages. Le récit est riche d’intrigues entre Almayer, le rajah du coin, le commerçant arabe d'à coté, le jeune et charismatique Dain, des hollandais en vadrouille ... Quoi que complexe, l'ensemble est assez clair. Par contre, et là je rentre dans la subjectivité, tout ça ne m'a pas toujours semblé du plus haut intérêt. Les petites intrigues de ce coin perdu de Asie sont parfois un peu pénibles à suivre, et de la même façon, les personnages sont un peu décevants. Les vaines luttes d'un homme faible qui se croit fort, voilà bien un sujet apte à me passionner, mais j'ai eu l'impression que l'on est jamais vraiment avec les personnages, ils paraissent un peu distants. On ne ressent pas vraiment leurs tourments, on peine à s'intéresser vraiment à eux.

Bref, La folie Almayer est un bon premier roman qui jouit d'une ambiance réussie. Par contre, l'intrigue et les personnages ont souvent peiné à éveiller mon intérêt de façon durable. Rien d'insurmontable, mais La folie Almayer n'est ainsi probablement pas le meilleur roman Conrad.

265 pages, 1895, Folio

samedi 15 décembre 2012

Typhon - Joseph Conrad

Typhon - Joseph Conrad

Typhon est mon premier contact avec Conrad. Il s'agit d'un roman très court, ou d'une grosse nouvelle (150 pages), qui, vous l'aurez deviné, nous raconte l'aventure d'un bateau perdu en pleine tempête.

Avant de nous plonger au cœur de cette aventure, Conrad nous présente ses personnages. Et vraiment, il se trouve que j'aime beaucoup son style. C'est comme s'il ne prenait pas ses personnages au sérieux, et qu'il se moquait un peu d'eux. Il faut dire qu'ils sont assez originaux, à commencer par ce capitaine compétent mais vraiment taciturne, voir totalement à l'ouest, qui fait souvent sourire. Son second ou encore le chef machiniste sont également diablement bien présentés. On a même droit à un aperçu de leur vie de famille : le capitaine écrit à une femme froide et mondaine qui se trouve très bien sans son mari, le second à un ami marin et le chef machiniste à une femme de nature joyeuse qui dévore ses lettres comme de bons romans.

Ensuite, on passe aux choses sérieuses. Les vagues, les nuages, le vent, la pluie ... La tempête, le typhon. Le récit est parfois un peu dur à suivre, mais c'est normal, vu le chaos ambiant. Et aussi, je me suis senti un peu perdu sur ce bateau : on ne sait pas vraiment à quoi il ressemble, et à moins de s'y connaitre, dur de s'en faire une image mentale et donc de s'y repérer. Mais ce n'est pas vraiment grave, puisque Conrad maitrise suffisamment son sujet pour captiver même le lecteur néophyte.

Bref, vous voyez la couverture du bouquin ? C'est tout à fait ce que nous offre Conrad dans Typhon, avec en bonus des personnages bien campés et une construction pas toujours linéaire. Un bon p'tit roman, qui me donne envie d'aller découvrir les œuvres majeures de l'auteur.

150 pages, 1901, Folio. Il y à quelques remarques de l'auteur à propos de ce récit sur Wikipédia, c'est assez intéressant.