samedi 27 janvier 2024

Le bal du comte d'Orgel - Raymond Radiguet

Le bal du compte d'Orgel - Raymond Radiguet

Pas mal, mais pas dingue. J'avais de bons souvenirs du Diable au corps, le premier roman du presque gamin Raymond Radiguet, et on retrouve les mêmes éléments dans Le bal du comte d'Orgel. Un triangle amoureux classique, avec un vague adultère, qui n'est jamais consommé, cette fois dans un milieu bourgeois citadin. Les amants de Radiguet, dont la vie n'est qu'oisiveté, sont souvent aveugles à leurs propres désirs et émotions, notamment la femme, qui pèche par trop d'honnêteté plus que par luxure. C'est classique dans la forme, mais surtout dans le fond. Combien de fois ai-je déjà lu une histoire quasi similaire ?

Ici, ce n'est pas dans les développements qu'on trouvera de l'originalité ; au contraire, c'est rapide, expéditif, et de nouveaux personnages sont régulièrement introduits alors qu'on a l'impression de ne pas passer assez de temps avec les principaux pour le bien de l'intrigue. Ce qui fait l'intérêt de ce petit roman, c'est justement cette brièveté. Ca m'a beaucoup fait penser à Françoise Sagan. Dans les deux cas, on a une plume et un esprit précoces, des romans courts qui se moquent des machinations émotionnelles des humains, et ce ton ostensiblement distant que j'apprécie malgré tout.

dimanche 21 janvier 2024

Biologie de Campbell #5 - Structure et fonction des molécules organiques complexes

Biologie de Campbell #5 - Structure et fonction des molécules organiques complexes

Pour tous les êtres vivants, des bactéries aux humains, on retrouve les quatre mêmes types de molécules complexes : lipides, glucides, protéines et acides nucléiques. Les trois dernières étant particulièrement volumineuses, on les qualifie de macromolécules. Par exemple, les protéines peuvent comporter des milliers d'atomes et leur masse peut dépasser 100 000 daltons.

Les macromolécules appartenant aux glucides, aux protéines et aux acides nucléiques sont des polymères. Ce sont des molécules constituées d'un grand nombre d'unités structurales identiques ou semblables rattachées par des liaisons covalentes. Chacune des petites unités structurales formant un polymère s'appelle un monomère.

Les enzymes sont des macromolécules spécialisées qui accroissent la vitesse des réactions chimiques en synthétisant ou dégradant d'autres macromolécules. La réaction qui entraine la liaison des monomères est un bon exemple de la réaction de déshydratation (ou condensation), une réaction dans laquelle deux molécules s'associent par une liaison covalente en même temps qu'il se forme une molécule d'eau. Chaque fois que deux monomères s'unissent, chacun fournit une partie de la molécule d'eau éliminée au cours de la réaction : l'un un groupent hydroxyde (—OH) , l'autre un atome d'hydrogène (—H). L'hydrolyse est le processus inverse : c'est la séparation des monomères via l'ajout d'une molécule d'eau, l'un gagnant un (—OH), l'autre un (—H).

La majeure partie de la matière organique présente dans nos aliments se compose de polymères beaucoup trop volumineux pour rentrer dans nos cellules. Dans le tube digestif, diverses enzymes accélèrent l'hydrolyse des polymères, et les monomères ainsi libérés traversent la paroi du tube digestif et passent dans la circulation sanguine, qui les distribue à toutes les cellules de l'organisme. Les cellules peuvent alors faire appel aux réactions de déshydratation pour assembler les monomères en nouveaux polymères qui répondent à leurs besoins particuliers.

Chaque cellule contient des milliers de macromolécules différentes, et la diversité des macromolécules dans le monde vivant est considérable. Pourtant, les polymères ne s'élaborent qu'à partir de 40 ou 50 monomères communs ; tout est dans l'assemblage.

        1. Les glucides

Les monosaccharides sont les glucoses les plus simples. Ils ont habituellement des formules moléculaires qui sont des multiples de CH₂O. Le glucose (C₆H₁₂O₆), le monosaccharide le plus courant, joue un rôle capital dans la chimie des êtres vivants. Il a la structure typique d'un glucide : la molécule possède un groupement carbonyle (>C=O) et de nombreux groupements hydroxyles (—OH).

Les monosaccharides sont classés selon deux axes : le placement de la chaine carbonyle et le nombre d'atomes de la chaine carbone, qui varie entre trois et sept (mais trois, cinq et six sont les plus courants) :

  • Les aldoses ont un groupement carbonyle à l'extrémité de la chaine de carbone
  • Les cétoses ont un groupement carboné à l'intérieur de la chaine de carbone
  • Les trioses ont une chaine de 3 atomes de carbone
  • Les pentoses ont une chaine de 5 atomes de carbone
  • Les hexoses ont une chaine de 6 atomes de carbone 

De plus, l'arrangement spatial autour d'un atome de carbone parfois asymétrique contribue à la diversité des monosaccharides, qui forment de nombreux isomères. Par exemple, le glucose et le galactose, tous deux aldoses et hexoses, diffèrent seulement par la disposition de leurs groupements hydroxyle autour d'un carbone asymétrique.

On représente souvent le glucose sous forme de chaine carbonée linéaire, mais dans une solution aqueuse, les molécules de glucose se présentent surtout sous forme cylindrique. Il y a de nombreuses façons de représenter une molécule, mais globalement, dans une représentation cyclique, chaque sommet du cycle représente un atome de carbone (qui n'est pas autrement marqué).

Lorsque l'énergie ou les atomes de carbone des monosaccharides n'est pas directement utilisée pour le travail cellulaire, ils s'incorporent à titre de monomère à des disaccharides ou à des polysaccharides. Un disaccharide se compose de deux monosaccharides unis par liaison covalente, ou liaison glycosidique, qui se forme lors d'une réaction de déshydratation. Par exemple, le disaccharide le plus commun est le saccharose : c'est la combinaison par réaction de déshydratation de deux monomères, une molécule de glucose et une molécule de fructose. C'est sous forme de saccharose que les glucides élaborés dans les feuilles des plantes se rendent jusqu'aux racines et aux autres organes non photosynthétiques.

L'intolérance au lactose est causée par l'absence de lactase, l'enzyme qui dégrade le lactose en ses deux monomères : une molécule de glucose et une molécule de galactose.

Les polysaccharides sont des macromolécules composées de centaines ou de milliers de monosaccharides unis par des liaisons glycosidiques. Certains sont des polysaccharides de réserve. Les végétaux emmagasinent ainsi l'amidon, un polymère formé de glucose. La cellule végétale peut ultérieurement puiser dans ces réserves en faisant appel à des réactions d'hydrolyse qui rompent les liaisons entre les monomères de glucose. La plupart des animaux possèdent également des enzymes hydrolysant l'amidon pour libérer du glucose qui servira aux cellules.

La plupart des monomères du glucose qui composent l'amidon sont unis par des liaisons glycosidiques 1-4 (entre le carbone 1 d'une molécule de glucose et le carbone 4 de la suivante). Mais l'amidon a deux composants : l'amylose est une chaîne linéaire de molécules de glucose liées par des liaisons 1-4 et est constitué d'une chaine non ramifiée, et l'amylopectine est faite d'une chaine ramifiée avec des liaisons glycosidiques 1-6.

Les animaux emmagasinent un polysaccharide appelé glycogène, un polymère du glucose semblable à l'amylopectine, mais plus ramifié. Les vertébrés emmagasinent du glycogène principalement dans les cellules du foie et dans les muscles. La structure très ramifiée du glycogène sert à offrir davantage d'extrémités libres pouvant subir l'hydrolyse ; ce qui la rend consommable plus rapidement. Chez les humains, la réserve de glycogène s'épuise en un jour sans aliment supplémentaire.

Les polysaccharides structuraux servent à fabriquer des matériaux solides. Par exemple, le polysaccharide appelé cellulose est à l'origine de la résistance de la paroi des cellules végétales. C'est le composé organique le plus abondant sur Terre. Il a comme l'amidon des liaisons glycosidiques 1-4, mais le cycle du glucose y existe sous deux formes : le groupement hydroxyle lié au carbone 1 peut se situer au-dessous (α), soit au-dessus (β) du plan de l'anneau. Dans l'amidon, tous les monomètres de glucose ont une formation α, mais dans la cellulose, tous prennent la configuration β, et dans ce cas, tous les monomères d'une chaine sont inversés par rapport au précédent et au suivant.

Donc, les molécules d'amidon et de cellulose diffèrent par leur structure tridimensionnelle. La molécule de cellulose est toujours droite, jamais ramifiée, et certains de ses groupements hydroxyles peuvent former des liaisons hydrogène avec des groupements hydroxyles d'autre molécules de cellulose parallèles : ces molécules de cellulose parallèles s'appellent microfibrilles. Peu d'organismes possèdent des enzymes capables d'hydrolyser la cellulose, mais la plupart des fibres insolubles, qui ne sont pas des nutriments, font néanmoins partie d'un régime alimentaire sain pour les humains.

Par exemple, chez les vaches, ce sont des microorganismes présents dans les premiers compartiments de leur estomac qui digèrent la cellulose. De même pour les termites, qui hébergent des microorganismes dans leur intestin.

La chitine est également un polysaccharide structural important : les arthropodes la synthétisent pour construire leur exosquelette. C'est aussi chez les champignons l'équivalent de la cellulose. 

        2. Les lipides

Les lipides sont des composés regroupés autour d'une caractéristique commune importante : ils ne se mélangent pas, sinon très peu, avec l'eau.  Ils ont en majeure partie constitués d'hydrocarbures, donc de chaines carbonées non polaires. Leur comportement hydrophobe repose sur leur structure moléculaire : les molécules d'eau n'établissent pas de liaison hydrogène entre leurs atomes. C'est un groupe hétérogène.

Les triglycérides sont de grosses molécules construites à partir de molécules plus petites qui s'associent par réaction de déshydratation. Un triglycéride se compose de deux types de molécules : glycérol et acides gras.

  • Le glycérol est un alcool à trois atomes de carbone portant chacun un groupement hydroxyle.
  • Chaque acide gras possède une longue chaine d'hydrocarbures qui compte habituellement de 16 à 18 atomes de carbone.

Un triglycéride se forme lorsque trois molécules d'acide gras s'unissent par liaison ester avec une molécule commune de glycérol. (Une liaison ester est une liaison résultant d'une réaction de déshydratation entre un groupement hydroxyle et un groupement carboxyle.) 

  • Un acide gras saturé n'a pas de liaisons doubles entre les atomes du squelette carbone, donc un maximum d'atomes d'hydrogène est lié à l'acide gras. Une telle structure est dite saturée d'hydrogène.
  • Un acide gras insaturé renferme une plusieurs liaisons doubles, il y a donc un atome d'hydrogène en moins sur chaque carbone engagé dans une telle liaison. On parle d'acide gras mono-insaturé (une seule liaison double) ou polyinsaturé (deux liaisons doubles ou plus).

Presque toutes les liaisons doubles dans les acides gras d'origine naturelle prennent une configuration cis, ce qui crée un angle dans la chaine d'hydrocarbures partout où elles s'établissent. C'est pour cette raison que les triglycérides animaux saturés (saindoux, beurre, "graisse") sont solides à température ambiante : leurs chaines droites et flexibles permet aux molécules de s'agglomérer fermement. En revanche, les triglycérides végétaux et ceux des poissons sont généralement insaturés. Dans une huile, les liaisons doubles cis forment des angles prononcés qui empêchent les molécules de s'agglomérer pour former un solide à température ambiante. L'expression "huile végétale hydrogénée" signifie que des triglycérides insaturés ont été transformés en triglycérides plus ou moins saturés par l'addition d'hydrogène via procédé industriel, ce qui leur permet de rester solide à plus haute température. On utilise aussi ce procédé pour empêcher la séparation du gras dans des matières comme le beurre d'arachides.

La fonction principale des triglycérides est d'emmagasiner de l'énergie. Les animaux doivent être mobiles, il est donc avantageux pour eux d'avoir des réserves plus compactes : les triglycérides solides.

Les phospholipides composent les membranes cellulaires dans une large proportion. Ils ressemblent aux acides gras, mais ne possèdent que deux acides gras au lieu de trois. Le troisième groupement hydroxyle du glycérol est lié à un groupement phosphate porteur de charges négatives. Des molécules additionnelles, chargées ou polaires, peuvent venir se lier à ce groupement phosphate, ce qui permet la formation de phospholipides diversifiés qui confèrent aux membranes des propriétés importantes.

Les queues hydrocarbonées des phospholipides sont hydromorphes et isolées de l'eau, mais le groupement phosphate et les molécules qui s'y rattachent forment une tête hydrophile. Les queues hydrophobes leur permettent de former une frontière capitale entre la cellule et son environnement, sous forme de bicouches dont chaque couche pointe dans une direction opposée : les queues hydrophobes se rejoignent par leurs extrémités et les têtes hydrophiles forment les surfaces intérieures et extérieures de la bicouche.

Les stéroïdes sont classés parmi les lipides en raison de leur faible affinité pour l'eau et non à cause de leur structure ; ces molécules se différencient des graisses et des huiles par leur squelette carboné formé de quatre cycles accolés. Par exemple, le cholestérol, un type de stéroïde, est une molécule essentielle aux animaux

        3. Les protéines

Chez les êtres vivants, la quasi-totalité des fonctions dynamiques dépend des protéines. Le mot vient du grec protos, qui signifie premier, essentiel. On peut commencer par résumer les fonctions variées des protéines :

  • Protéines enzymatiques. Accélération de la vitesse des réactions chimiques : elles agissent comme catalyseur. Les enzymes ne changent pas elles-mêmes au cours de ce processus.
  • Protéines de défense. Protection contre maladies (les anticorps par exemple).
  • Protéines d'entreposage. Mise en réserve d'acides aminés. Par exemple, la caséine, une protéine du lait, est la principale source d'acides aminés des petits des mammifères avant leur sevrage. Il y a le même principe dans le blanc d'œuf, dans les graines...
  • Protéines de transport. Transport de substances. Par exemple, l'hémoglobine transporte l'oxygène des poumons vers les différentes parties de l'organisme. D'autres protéines de transport font passer les molécules à travers la paroi cellulaire.
  • Protéines hormonales. Coordination des activités d'un organisme. Par exemple, l'insuline, hormone sécrétée par le pancréas, provoque l’absorption de glucose par les autres tissus.
  • Protéines réceptrices. Réaction des cellules à des stimulus chimiques grâce à d'autres molécules messagères.
  • Protéines contractiles et motrices. La contraction des muscles !
  • Protéines structurales. Soutien, structure.

L'être humain possède des dizaines de milliers de protéines différentes. Sur le plan de la structure, ce sont les molécules les plus complexes que l'on connaisse. Toutes sont élaborées à partir du même ensemble de 20 acides aminés reliés à des polymères non ramifiés. La liaison entre les acides aminés de ces polymères porte le nom de liaison peptidique ; les polymères d'acides aminés se nomment polypeptides. Une protéine est une molécule biologique fonctionnelle constitués d'un ou plusieurs polypeptides, chacun étant enroulé et replié dans une structure tridimensionnelle spécifique.

Un acide aminé est une molécule organique qui possède des groupements carboxyle et amine. Quasiment tous portent en leur centre un atome carbone asymétrique nommé carbone alpha (α). Sur cet atome se fixent quatre atomes ou groupes d'atomes différents :

  • Un groupement amine
  • Un groupement carboxyle
  • Un atome d'hydrogène
  • Un radical variable symbole R aussi appelé chaine latérale (peut aller d'un simple atome d’hydrogène dans la glycine à des chaines carbonées complexes)

Les propriétés physiques et chimiques de la chaine latérale déterminent des caractéristiques d'un acide aminé. Les 20 acides aminés (détaillés p.85) sont classés en plusieurs groupes :

  • Ceux dont la chaine latérale est non polaire donc hydrophobe
  • Ceux dont la chaine latérale est polaire donc hydrophile
  • Ceux dont les chaines latérales sont ionisées : acides (chargés négativement) ou basiques (chargées positivement)

Lorsque deux acides aminés sont placés de telle sorte que le groupement carboxyle de l'un se trouve à côté du groupement amine de l'autre, une réaction de déshydratation peut provoquer leur union avec perte d'une molécule d'eau. Une liaison covalente s'établit alors entre eux, c'est la liaison peptidique. Quand cette réaction se produit plusieurs fois, on obtient un polypeptide, polymère constitué de nombreux acides aminés unis par des liaisons peptidiques. La structure répétitive des atomes se nomme chaine polypeptidique, c'est elle qui porte les chaines latérales ou radicaux. Les possibilités de variation sont considérables. Les polypeptides sont entortillés, pliés, enroulés, ce contribue à créer des molécules de formes uniques. Lorsqu'une cellule synthétise un polypeptide, la chaine polypeptidique se replie spontanément et adopte la structure fonctionnelle convenant à la protéine. Certaines protéines sont grossièrement sphériques (protéines globulaires), tandis que d'autres prennent la forme de longues fibres (protéines fibreuses).

Les nivaux d'organisation des protéines (p.88-89) :

  • La structure primaire d'une protéine correspond à sa séquence d'acides aminés. Par exemple, pour la transthyrétine, il s'agit de quatre chaines identiques de 127 acides aminés bien spécifiques. cette structure primaire est déterminée par l'information génétique qui préside à son assemblage.
  • La structure secondaire est constituée des enroulages ou pliages de certains segments de la chaine polypeptidique. Ils sont causés par des liaisons hydrogène qui se forment le long de la structure répétitives d'une même chaine polypeptidique. Seuls les atomes d'oxygène et d'hydrogène participent à ces liaisons. Par exemple, l'hélice alpha (α) est un enroulement délicat maintenu en place par des liaisons hydrogène tous les quatre acides aminés. Avec le feuillet plissé bêta (β), deux ou plusieurs brins de la même chaine polypeptidique repliée se déploient côte-à-côte, toujours grâce à des liaisons hydrogène. Cet agencement joue un rôle sur la stabilité des molécules, notamment dans les fils d'araignée.
  • La structure tertiaire correspond à la forme globale de la chaine polypeptidique et se superpose, s'ajoute, à la structure secondaire. Cette forme globale découle des interactions entre les différentes chaines latérales d'acides aminés différents. Les interactions qui aident à stabiliser la structure tertiaire sont les interactions hydrophobes (l'exclusion des molécules d'eau lorsque des molécules non polaires se rapprochent). Une fois fois que les chaines latérales non polaires des acides aminés se font face, les forces de Van der Waals contribuent à les maintenir ensemble. Aident également les liaisons hydrogène entre les chaines latérales polaires et les liaisons ioniques entre les chaines latérales chargées + ou -. On trouve aussi des ponts disulfures, qui se forment quand deux monomères de cystéine, un acide aminé portant un groupement thiol (— SH) dans sa chaine latérale, se rapprochent l'un de l'autre lors du repliement de la protéine. Le souffre d'un monomère de cystéine se lie alors au souffre de l'autre, et ce pont disulfure (—S—S—) assure la cohésion de certaines parties de la protéine.
  • La structure quaternaire est la structure générale d'une protéine : l'ensemble des chaines polypeptidiques et la forme qui en découle. Et c'est par cette structure que chaque protéine accomplit ses fonctions.

Parfois, un changement mineur dans la structure primaire d'une protéine, c'est-à-dire le remplacement de quelques acides aminés, peut avoir d'importantes conséquences négatives. Par exemple, l'anémie à hématies falciformes est une maladie sanguine héréditaire causée par la substitution d'un seul acide aminé : suite à cette modification structurale, les globules rouges prennent alors la forme de croissants, causant plein de problèmes.

Si le pH, la concentration en sels, la température ou d'autres facteurs changent, les liaisons chimiques faibles et les interactions au sein d'une protéine risquent d'être modifiées ou même de se rompre. La protéine peut se dérouler et perdre sa forme originelle ; elle subit alors une dénaturation et devient biologiquement inactive. Par exemple, c'est pour cette raison que le blanc d'œuf devient opaque à la cuisson : les protéines sont dénaturées par la chaleur, deviennent insolubles et coagulent. C'est aussi pourquoi une forte fièvre peut être fatale : la température dénature les protéines du sang.

Les biochimistes connaissent à présent la séquence des acides aminés de plus de 65 millions de protéines et la forme tridimensionnelle de plus de 50 000 protéines. De nombreuses maladies semblent associées à des repliements inappropriés de protéines. La méthode la plus utilisée (parmi d'autres) pour déterminer la structure tridimensionnelle d'une protéine est la cristallographie par diffraction de rayons X.

        4. Les acides nucléiques

Les deux types d'acides nucléiques sont l'acide désoxyribonucléique (ADN) et l'acide ribonucléique (ARN). L'ADN fournit les directives de sa propre réplication ; il dirige également la synthèse de l'ARN, et donc la synthèse des protéines. Ce processus est l'expression génétique

L'ADN est le matériel génétique que les parents lèguent à leur progéniture. Chaque chromosome contient une longue molécule d'ADN qui porte des centaines de gènes ou plus. Quand une cellule se reproduit en se divisant, ses molécules d'ADN sont copiées et transmises à la génération suivante. Les instructions qui programment toute l'activité de la cellule sont encodées dans la structure de l'ADN. C'est l'ARN qui sert d'intermédiaire à l'expression génétique. Un gène présent dans la molécule d'ADN peut diriger la synthèse d'un type d'ARN, l'ARN messager, ou ARNm. C'est l'ARNm, synthétisé dans le noyau, qui interagit avec le mécanisme de la synthèse protéinique dans le cytoplasme pour diriger la production d'un polypeptide qui se replie pour former une protéine complète ou une partie de protéine. En somme :

ADN → ARN → protéine

Les sites de la synthèse protéique sont des structures cellulaires appelées ribosomes, qui, dans une cellule eucaryote, baignent dans le cytoplasme. Les cellules procaryotes, elles n'ont pas de noyau, mais le processus est le même.

Les acides nucléiques sont des macromolécules qui existent sous forme de polymères appelés polynucléotides. Comme son nom l'indique, chaque polynucléotide se compose de monomères nommés nucléotides. Un nucléotide est généralement composé de trois parties :

  • Un monosaccharide à cinq atomes de carbone (un pentose)
  • Une base contenant de l'azote (base azotée) ; ce sont les "lettres" de l'ADN
  • Un ou plusieurs groupements phosphate
Chaque base azotée possède un ou deux cycles contenant des atomes d'azote. Les atomes d'azote tendent à capter les ions H⁺ de la solution et agissent ainsi comme des bases, ce qui explique l'appellation base azotée. Il existe deux familles de bases azotées : les pyrimidines et les purines.
  • Les pyrimidines possèdent un seul cycle contenant quatre atomes de carbone et deux d'azote ; ce sont la cytosine (C), la thymine (T) et l'uracile (U).
  • Les purines ont une masse moléculaire plus importante, car elles se composent d'un cycle de six atomes accolé à un autre de cinq ; ce sont l'adénine (A) et la guanine (G). 
Toutes ces bases azotées se distinguent par les groupements fonctionnels attachés aux cycles.

Ces A, T, C et G sont les "lettres" des gènes, les bases azotées qui "écrivent" l'information génétique. (Le U n'est que dans l'ARN.) Lorsqu'on parle de la séquence d'un gène, on décrit l'ordre spécifique de ces bases azotées dans une région particulière de l'ADN. Par exemple, une séquence génétique pourrait ressembler à quelque chose comme ATCGGCTA.

Quant au monosaccharide auquel est fixé la base azotée, c'est le désoxyribose qui est liée à la base azotée des nucléotides de l'ADN, tandis que pour l'ARN, c'est le ribose. Une seule différence entre les deux : il n'y a pas d'oxygène lié au deuxième atome de carbone du cycle du désoxyribose, d'où le préfixe désoxy.
Il ne manque plus qu'un groupement phosphate rattaché au cinquième atome de carbone du pentose, et hop, un nucléotide. Les nucléotides se lient entre eux par des liaisons phosphodiester pour former les chaînes d'ADN et d'ARN. Le monosaccharide a deux atomes carbone particulier : 3', qui porte un groupement hydroxyle, et 5', qui porte un groupement phosphate. On les appelle les carbones 3' et 5', et ils donnent leur "orientation" aux brins d'ADN. (Voir p.93.)

Les molécules d'ADN se composent de deux chaines de nucléotides, ou brins, enroulées en spirale autour d'un axe central de façon à former une double hélice. Les deux chaines hélicoïdales s'enroulent dans des directions opposées 5' → 3' ; on qualifie cet arrangement d'antiparallèle. C'est comme une route à deux voies de sens contraire. Les deux "squelettes" désoxyribose-phosphate se trouvent sur les bordures extérieures de l'hélice, alors que les bases azotées s'apparient à l'intérieur de l'hélice. Les deux brins demeurent attachés ensemble grâce aux deux ou trois liaisons hydrogène qui unissent les bases azotées appariées. La majorité des molécules d'ADN possèdent des milliers voire des millions de paires de bases reliant les deux chaines.

Lors de l'appariement des bases dans la double hélice, chacune des bases azotées a un complément exclusif, une purine étant toujours unie à une pyrimidine : A dans un brin forme toujours une paire avec T dans l'autre brin, et G avec C. Donc, en lisant la séquence d'un des brins, on peut déduire la séquence de l'autre. Les deux brins sont complémentaires. Ainsi, lors de la division cellulaire, cette règle de complémentarité permet de reproduire l'ADN.

A → T
T → A
C → G
G → C
 
En revanche, les molécules d'ARN n'existent qu'en brins individuels, mais ces brins uniques peuvent se replier de façon à ce que les bases complémentaires s'apparient, contribuant ainsi à former la structure tridimensionnelle nécessaire à sa fonction.

mardi 16 janvier 2024

Biologie de Campbell #4 - Le carbone et la diversité moléculaire de la vie

Biologie de Campbell #4 - Le carbone et la diversité moléculaire de la vie

Le carbone est l'élément fondamental de la plupart des substances chimiques qui composent les êtres vivants. Le carbone entre dans la biosphère grâce à l'action de producteurs : végétaux et autres organismes photosynthétiques. Ces molécules sont ensuite absorbées par les consommateurs. Le carbone a la capacité assez unique de pouvoir former des molécules volumineuses, complexes et variées. Par exemple protéines, ADN, glucides...

La clé des propriétés chimiques d'un atome réside dans sa configuration électronique, car celle-ci détermine le nombre et le type de liaisons qu'il peut former avec d'autres atomes. Le carbone possède au total six électrons, deux dans sa première couche électronique et quatre dans sa seconde ; il a donc quatre électrons de valence dans une couche qui peut en contenir jusqu'à huit. Pour combler son deuxième niveau énergétique, il partage ses quatre électrons de valence avec quatre d'autres atomes, pour obtenir huit électrons à ce niveau. Chaque paire d'électrons mis en commun est une liaison covalente.

Dans les molécules organiques, chaque atome de carbone se comporte comme un point d'intersection à partir duquel une molécule peut se ramifier dans quatre directions. Si un atome de carbone forme quatre liaisons covalentes simples, celles-ci pointent vers les sommets d'un tétraèdre. Quand deux atomes de carbone sont reliés par une une liaison covalente double, tous les atomes réunis à ces carbones se trouvent sur un même plan. On écrit les formules des molécules comme si elles étaient planes, mais le plus souvent elles ont une forme tridimensionnelle, qui détermine leur fonction.

La valence d'un atome correspond au nombre d'électrons non appariés de sa dernière couche électronique (la couche de valence). Les principaux composants des molécules organiques sont :

  • Hydrogène (valence = 1)
  • Oxygène (valence = 2)
  • Azote (valence = 3)
  • Carbone (valence = 4)

 

Par exemple, dans une molécule de CO₂, un seul atome de carbone est uni à deux atomes d'oxygène par des liaisons covalentes doubles :

O = C = O

Dans cet arrangement, tous les atomes de la molécule comblent leur niveau énergétique. Le CO₂ est essentiel pour le monde vivant car il est, par l'intermédiaire des organismes autotrophes (capables d'élaborer leur propre substance à partir des minéraux comme les végétaux chlorophylliens par exemple), la source de carbone de toutes les molécules organiques qui composent les êtres vivants.

Les chaines carbonées forment le squelette des molécules organiques. Elles peuvent varier de différente façon :

  • Par leur longueur : des chaines de 2, 3, 4... atomes de carbone reliés entre eux et à d'autres atomes.
  • Par leurs ramifications : soit une simple chaine droite, soit des "carrefours"  ou un atome de carbone est relié à plus d'un autre atome de carbone.
  • Par la position des liaisons doubles le long des chaines.
  • Par la présence de cycles, ou anneaux : la chaine d'atomes de carbone se referme sur elle-même de façon circulaire.

Les hydrocarbures sont des molécules organiques composées uniquement de carbone et d'hydrogène. Les graisses, par exemple, possèdent de longues chaines d'hydrocarbure, nommées acides gras. Ce sont des composés hydrophobes, car la grande majorité de leurs liaisons sont des liaisons carbone-hydrogène relativement peu polaires. Les hydrocarbures se caractérisent aussi par leur capacité à réagir en libérant une quantité d'énergie relativement élevée (c'est évident pour le pétrole et la graisse animale).

Les isomères sont des composés ayant la même structure moléculaire, mais des propriétés différentes, parce qu'ils n'ont pas la même configuration.

  • Les isomères de structure

Ils diffèrent par la disposition de leurs liaisons covalentes. Une même molécule à cinq atomes de carbone, par exemple, peut avoir un squelette carboné de plusieurs formes différente : avec une chaine de carbone droite, ou une chaine de carbone ramifiée, par exemple. Dans le deux cas, la molécule est composée des mêmes atomes, mais structurés différemment.

  • Les isomères cis-trans

Les carbones y forment des liaisons covalentes avec les mêmes atomes, mais l'arrangement spatial de ces derniers diffère en raison de la rigidité de la liaison double. Les liaisons simples permettent aux atomes qu'elles relient d'effectuer des rotations libres autour de l'axe de liaison sans changer le composé, les liaisons doubles ne le permettent pas. Il faut aussi que les atomes C de la liaison double portent deux atomes ou groupes d'atomes différents. Cette légère différence de conformation peut avoir un effet important sur l'activité biologique des molécules organiques. Elle est mieux compréhensible sous forme de diagramme :


  • Les énantiomères

Ce sont des molécules qui forment une image inversée l'une de l'autre, comme dans un miroir, et dont la structure est différente en raison d'un carbone asymétrique ; un carbone asymétrique est un C qui porte quatre atomes ou groupes d'atomes différents. Pour se les représenter, on peut imaginer une main droite et une main gauche. Les énantiomères A et B d'une même molécule peuvent avoir des effets très différents tant de légères différences dans l'architecture moléculaire peuvent avoir un effet important sur l'organisme.

C'est donc sur l'arrangement du squelette carboné que reposent les propriétés d'une molécule, mais ce n'est pas tout : sont aussi les importants les groupements chimiques rattachés à ce squelette. Ceci dit, c'est toujours parce qu'ils affectent la géométrie des molécules.

Un stéroïde est une molécule organique dont le squelette est formé de quatre cycles (anneaux) accolés. Par exemple, l’œstradiol (un type d'œstrogène) et la testostérone possèdent ce même squelette et ne diffèrent que par les groupements chimiques rattachés aux cycles.

Dans d'autres cas, les groupements chimiques participent directement à des réactions chimiques : ce sont les groupements fonctionnels.

Voici quelques groupements chimiques importants en biologie :

  • Groupement hydroxyle (— OH). Il est polaire en raison de son oxygène électronégatif et forme des liaisons avec l'eau, contribuant à dissoudre des composés tes que les glucides. Il participe aux composés alcool (qui finissent souvent en -ol). 
  • Groupement carbonyle (>C = O). Il peut se retrouver à l'intérieur de glucides comportant un groupement cétone (comme l'acétone) ou aldéhyde
  • Groupement carboxyle (—COOH). Il se comporte comme un acide (il peut donner un H⁺) car la liaison covalente entre hydrogène et oxygène est forcément polaire. Il donne acides carboxyliques ou acides organiques (notamment l'acide acétique).
  • Groupement amine (—NH₂). Le groupement amine se comporte comme une base, l'atome d'azote peut accepter un H⁺ de la solution dans laquelle la réaction se produit. Les composés sont les amines (acides aminés).
  • Groupement thiol (—SH). Deux groupements thiol peuvent réagir pour former une liaison covalente. Ces liaisons croisées contribuent ensemble à stabiliser la structure des protéines (par exemple les protéines des cheveux qui les rendent raides ou bouclés). Les composés sont les thiols.
  • Groupement phosphate (—OP₃²⁻). Il contribue à donner une charge négative à la molécule dont il fait partie : 1. quand il est situé à l'intérieur d'une chaine de phosphates 2. quand il est à l'extrémité d'une molécule. Les molécules qui ont ce composé ont la capacité de réagir avec l'eau pour libérer de l'énergie. Les composés sont les phosphates organiques.
  • Groupement méthyle (CH₃). Il influe sur l'expression des gènes quand il se trouve sur l'ADN ou sur des protéines liées à l'ADN et il influe sur les hormones sexuelles. Il est non réactif. Il forme des composés méthylés.

L'adénosine triphosphate (une molécule de phosphate organique), alias ATP a une fonction particulièrement importante dans la cellule. L'ATP est constituée d'une molécule organique (l'adénosine) attachée à une chaine de trois groupements phosphate. L'un des groupements phosphate peut se séparer des autres à l'issue d'une réaction avec l'eau ; dans ce cas, l'ATP devient adénosine diphosphate, ou ADP. L'ATP est une source d'énergie pour la cellule grâce à ces liens entre les groupements phosphate qui peuvent aisément libérer leur énergie (en réaction avec l'eau). 

ATP → ADP + Phosphate inorganique + énergie 

samedi 13 janvier 2024

Biologie de Campbell #3 - L'eau et la vie

Biologie de Campbell #3 - L'eau et la vie

Dans l'environnement naturel, l'eau est la seule substance qui existe dans les trois états physiques de la matière.

La molécule d'eau est très simple : en forme d'un V évasé, elle est constituée de deux atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène unis par des liaisons covalentes. L'oxygène étant plus électronégatif que l'hydrogène, les électrons mis en commun dans les liaisons covalentes passent plus de temps autour de l'atome d'oxygène : ce sont des liaisons covalentes polaires. La molécule d'eau est en conséquence une molécule polaire : sa charge globale est inégalement distribuée.

Les deux atomes d'hydrogène ont chacun une charge positive (δ+) et l'atome d'oxygène, en raison de l'arrangement de ses électrons, a deux charges négatives (δ-). Il peut donc se former parmi les molécules d'eau un assemblage illimité de liaisons hydrogènes qui se font et se défont : chacune ne dure que quelques billionièmes de seconde. Ainsi à tout moment une bonne partie des molécules d'eau d'un ensemble sont liées entre elles, ce qui donne à l'eau ses propriétés uniques.

File:3D model hydrogen bonds in water.svg
Liaison hydrogène

Quatre propriétés émergentes de l'eau qui contribuent à maintenir l'environnement terrestre propice à la vie :

    1. La cohésion des molécules d'eau 

Grâce à la liaison hydrogène, l'eau est plus structurée que la plupart des autres liquides. Les molécules se maintiennent à proximité, c'est le phénomène de cohésion. Les plantes utilisent ce phénomène, qui les aident à lutter contre la gravité pour amener la sève et autres fluides vers les hauteurs. Les molécules d'eau évaporées par les nervures des feuilles attirent les molécules d'eau voisine grâce à la liaison hydrogène, et ainsi de suite. C'est une traction vers le haut. De plus, toujours grâce à la liaison hydrogène, les molécules d'eau adhèrent aux parois des cellules des vaisseaux : c'est l'adhérence.

La tension superficielle des liquides est une conséquence de la cohésion. Elle est plus forte pour l'eau que pour les autres liquides (sauf le mercure) grâce à la liaison hydrogène.

    2. La stabilisation de la température par l'eau

L'eau forme un réservoir thermique efficace : un léger changement dans sa température s'accompagne de l'absorption ou de la libération d'une grande quantité de chaleur.

Tout ce qui se déplace possède de l'énergie cinétique, y compris atomes et molécules, qui bougent continuellement. L'énergie cinétique associée aux mouvements aléatoires des atomes ou molécules est appelée énergie thermique, à ne pas confondre avec la température.

  • La température représente l'énergie cinétique moyenne des molécules d'un corps.
  • L'énergie thermique d'un corps est la quantité d'énergie cinétique totale, qui dépend donc du volume.
  • La chaleur est l'énergie thermique transférée.

Une bouilloire allumée a une température plus élevée qu'une piscine fraiche, mais cette dernière a une énergie thermique supérieure, grâce à sa taille. L'énergie thermique d'un corps chaud se transmet à tout corps plus froid à proximité, jusqu'à égalisation des températures : les molécules du corps froid accélèrent leur mouvement au détriment du corps chaud. L'énergie thermique transférée est appelée chaleur. L'unité thermique qui sert à mesurer l'énergie est le joule (J), sauf en médecine ou en diététique où on parle de calorie. Une calorie (à ne pas confondre avec la kilocalorie des emballages qui fait 1000 calories) correspond à la quantité de chaleur nécessaire pour élever de 1°C la température d'un gramme d'eau. Un joule équivaut à 0,239 calories et une calorie à 4,184 joules.

L'eau a une chaleur spécifique relativement élevée. La chaleur spécifique d'une substance représente la quantité de chaleur absorbée ou perdue par 1g de cette substance pour changer sa chaleur de 1°C. Pour l'eau, il s'agit donc d'une calorie. On note : 1 cal/g • °C. Par exemple, l'éthanol a une chaleur spécifique de O,6  cal/g • °C. L'effet de cette chaleur spécifique élevée (seul l'ammoniac liquide a une chaleur spécifique plus élevée que l'eau) est que l'eau a une plus forte inertie thermique. Par exemple, le fer a une chaleur spécifique 10 fois moins élevée : il faut donc lui apporter 10 fois moins d'énergie pour augmenter sa température de 1°C, ce qui explique pourquoi la casserole est brulante quand l'eau qui s'y trouve est encore tiède. Pour une même quantité de chaleur, la température de 1g de fer s'élève beaucoup plus vite que celle de 1g d'eau. Encore une fois,les liaisons hydrogènes sont en cause : l'énergie thermique absorbée par les molécules "sert" avant tout à briser les liaisons hydrogène ; de plus, quand la température baisse, des liaisons hydrogène se forment et leur création libère de l'énergie sous forme de chaleur, qui atténue la baisse de température.

La chaleur spécifique de l'eau, son inertie thermique, tend à réguler non seulement la température de l'eau elle-même, mais aussi celle des régions côtières et de la Terre elle-même. De plus, les organismes vivants étant eux aussi composés majoritairement d'eau, ils héritent de cette stabilité thermique, propriété fort utile pour la vie.

L'évaporation est le passage de l'état liquide à l'état gazeux. La température est une mesure de l'énergie cinétique moyenne des molécules ; même à basse température, les molécules les plus rapides peuvent s'échapper dans l'air. Il y a donc une évaporation quelle que soit la température. Bien sûr, si on chauffe un liquide, l'énergie cinétique des molécules augmente et il s'évapore plus rapidement.

La chaleur d'évaporation est la quantité de chaleur qu'il faut apporter (à température constante) à 1g de liquide pour passer de l'état liquide à l'état gazeux. L'eau a une chaleur d'évaporation plus élevée que la plupart des autres liquides, toujours grâce à la force des liaisons hydrogène, qui doivent être rompues pour que les molécules s'évaporent. A l'échelle planétaire, cette chaleur d'évaporation élevée tempère le climat global.

Le refroidissement par évaporation se produit car les molécules les plus "chaudes", celles qui possèdent l'énergie cinétique la plus élevée, sont celles qui sont le plus susceptibles de s'échapper sous forme de gaz. Il contribue à stabiliser la température des étendues d'eau et à limiter la surchauffe des organismes terrestres : c'est l'intérêt de la transpiration humaine par exemple.

    3. La glace flotte à la surface de l'eau liquide

L'eau est une des rares substances qui possède une masse volumique plus faible à l'état solide qu'à l'état liquide. D'autres substances se contractent en se solidifiant, mais l'eau se dilate : encore un coup des liaisons hydrogène. 

A plus de 4°C, l'eau se dilate quand elle chauffe et se contracte quand elle refroidit. Cependant, entre 4°C et 0°C, l'eau commence à geler car un nombre croissant de ses molécules se déplacent trop lentement pour briser leurs liaisons hydrogène. A 0°C, l'eau forme un réseau cristallin, chacune de ses molécules demeurant liée à ses voisines par liaison hydrogène. Cette stabilité des liaisons hydrogène maintient les molécules plus éloignées les unes des autres qu'elles ne le seraient à l'état liquide, d'où une masse volumique inférieure à celle de l'eau. De plus, en flottant, la glace isole l'eau en dessous d'elle du froid, ce qui favorise l'état liquide. Si la glace ne flottait pas, les étendues d'eau gèleraient à partir du fond, ne créant pas de couche isolante ; la vie sur Terre n'existerait probablement pas.

L'eau atteint sa masse volumique maximale à 4°C et commence à se dilater en se réchauffant plus en raison de la vitesse accrue de ses molécules.

    4. L'eau, solvant fondamental de la vie

L'eau a la capacité de dissoudre certains solides et de répandre de façon homogène leurs molécules. Un liquide formé d'un mélange homogène de deux ou plusieurs substances s'appelle solution. L'agent dissolvant d'une solution est le solvant et la solution dissoute, le soluté. Une solution aqueuse est une solution dont l'eau est le solvant.

L'eau est un solvant très polyvalent grâce à la polarité de ses molécules. Sans aller dans les détails : les atomes d'oxygène de l'eau ont une charge partielle négative, les atomes d'hydrogène ont une charge partielle positive, et peuvent créer des liens avec les ions d'un composé ionique (sel de table par exemple) et les séparer les uns des autres. L'enveloppe de molécules d'eau qui entoure chaque ion dissous s'appelle couche d'hydratation. En conséquence, l'eau de mer, notamment, contient une grande variété d'ions en solution, comme les cellules vivantes.

Un composé ne doit pas nécessairement être ionique pour se dissoudre dans l'eau : beaucoup de composés formés de molécules polaires, comme le saccharose, sont hydrosolubles. Même de grosses molécules, comme certaines protéines, peuvent se dissoudre dans l'eau si leur surface présente des régions ioniques polaires. L'eau est donc un excellent agent de transport, capacité dont profitent le sang, la sève...

Toute substance ayant une affinité avec l'eau est hydrophile, sans forcément se dissoudre. D'autres substances, qui ne sont ni ioniques, ni polaires, ou ne peuvent former de liaisons hydrogène, sont hydrophobes.

La plupart des réactions chimiques qui se produisent chez les êtres vivants mettent en jeu des solutés dissous dans de l'eau. Pour comprendre ces réactions, il est important de calculer le nombre d'atomes et de molécules dont il est question ainsi que leur concentration. On calcule la masse moléculaire, soit la somme des masses de tous les atomes dans une molécule, en multipliant le nombre d'atomes d'une molécule donnée par la masse atomique arrondie de chaque élément, soit le nombre de masse. (p.53 pour les détails.) Par exemple, la masse moléculaire de la saccharose :

C₁₂H₂₂O₁₁

(12x12) + (22x1) + (11x16) = 342 daltons

Comme on ne peut pas peser de si petites quantités de molécules, on quantifie souvent en moles. Une mole (mol) représente 6,02 x 10²³ objets (alias nombre d'Avogadro). Il se trouve que c'est le nombre de daltons qu'il y a dans 1g, donc on peut utiliser le même nombre (342), mais l'exprimer directement en grammes pour représenter 6,02 x 10²³ molécules de saccharose, soit 1 mol.  Donc 1 mol de saccharose = 342 grammes.

L'intérêt, c'est que 1 mol d'une substance donnée possède exactement le même nombre de molécules que 1 mol d'une autre substance. Par exemple, une mole d'éthanol (C₂H₆O) contient également 6,02 x 10²³ molécules, mais ne pèse que 46 grammes, car ses molécules sont plus petites.

La concentration molaire volumique (mol/L) est le nombre de moles solutés par litre de solution, c'est l'unité de concentration la plus souvent utilisée en biologie dans le cas de solutions aqueuses. On peut facilement la transposer en g/L : une solution de saccharose à 1 mol/L correspond à une solution de 34,2%, soit 34,2g de saccharose dissout dans un volume total de 100mL.

    Les conditions acides et basiques

Il arrive parfois qu'un atome d'hydrogène participant à une liaison hydrogène entre deux molécules d'eau se déplace d'une molécule à une autre. Lorsque cela se produit, l'atome d'hydrogène abandonne son électron, et l'élément transféré est un seul proton portant une charge de 1+, ou ion hydrogène (H⁺). La molécule d'eau qui perd un proton devient un ion hydroxyde (OH⁻) dont la charge est de 1-. Le proton se lie à l'autre molécule d'eau, formant ainsi un ion hydronium (ou ion oxonium, H₃O⁺). Cette réaction est :

2 H₂O ⇌ H₃O⁺ + OH⁻ 

Attention : par convention, on notre juste H⁺ pour se référer à l'ion hydrogène, mais il n'existe pas seul dans une solution aqueuse, il est toujours associé à une molécule d'eau sous forme de H₃O⁺.

Au point d'équilibre, la concentration des molécules d'eau excède énormément celles de H⁺ (c'est-à-dire H₃O⁺) et de OH⁻. La dissociation est réversible et statistiquement rare, mais elle joue un rôle crucial. H⁺ et OH⁻ sont très réactifs : une légère variation de leur concentration peut affecter dramatiquement les protéines et autres molécules complexes. 

Un acide est une substance qui accroit la concentration de protons dans une solution. 

Par exemple, quand on met de l'acide chlorhydrique (HCl) dans de l'eau, les protons et les ions chlorure se dissocient :

HCl → H⁺ + Cl⁻

Cette deuxième source de H⁺, en plus de celle qui occurre dans les molécules d'eau, fournit un plus grand nombre d'ions H⁺ que d'ions OH⁻.

Une base est une substance qui réduit la concentration des protons.

Par exemple, l'ammoniac (NH₃) agit comme une base quand le doublet d'électrons libres du dernier niveau énergétique de l'azote attire un proton de la solution, ce qui donne un ion ammonium (NH₄⁺) :

NH₃ + H⁺ ⇌ NH₄⁺

Le H⁺ est enlevé à la solution, ce qui réduit sa concentration en protons. D'autres bases se dissocient en OH⁻.

  • Une solution dont la concentration de OH⁻ est plus élevée que celle de H⁺ est dite basique
  • Une solution dont les concentrations molaires volumiques de H⁺ et de OH⁻ s'équivalent est dite neutre.
  • Une solution dont la concentration de H⁺ est plus élevée que celle de OH⁻ est dite acide.

Dans la première réaction, la flèche est à sens unique : il s'agit donc d'une acide fort, car la réaction n'est pas réversible. Dans la seconde réaction, c'est une flèche double : il s'agit donc d'une base faible, car la réaction est réversible.

L'échelle du ph, qui va de 0 (extrêmement acide) à 14 (extrêmement basique), est logarithmique. Une augmentation ou une diminution de 1 dans la valeur du pH correspond à des concentrations de protons H⁺ 10 fois plus faibles ou 10 fois plus élevées. Une variation d'une unité dans la valeur du pH correspond donc à une différence d'un facteur de 10 dans les concentrations molaires volumiques de H⁺ et OH⁻. Par exemple, une solution de pH 3 est 1000 fois plus acide qu'une autre de pH 6.

Le pH de la plupart des cellules se situe autour de 7 (neutre) et le moindre changement de pH peut s'avérer dommageable. Le pH du sang humain est proche de 7,4 et une personne ne peut survivre que quelques minutes si le pH de son sang augmente ou diminue de 0,4. Il y a donc plusieurs systèmes chimiques chargés de maintenir constant le pH du sang. Une solution tampon contient des solutés qui réduisent au minimum la variation de H⁺ et de OH⁻ : elles acceptent des protons quand la solution en renferme trop, et elles en donnent quand il n'y en a plus assez. La plupart d'entre elles se composent d'un acide faible et de son sel (une base), ce dernier se combinant de façon réversible aux protons.

L'une des solutions tampons du corps est l'acide carbonique (H₂CO₃) qui se forme quand le CO₂ réagit avec l'eau dans le plasma sanguin. L'acide carbonique se dissocie pour produire un ion hydrogénocarbonate (ou ion bicarbonate, HCO₃⁻) et un proton (H⁺). La réaction sur fait suite à une hausse ou baisse du pH.

 H₂CO₃ (donneur de H⁺) ⇌ HCO₃⁻ (accepteur de H⁺) + H⁺ (proton)

Cette solution tampon se compose d'un acide et d'une base à l'état d’équilibre, et la réaction se déplace dans un sens ou dans l'autre pour réguler le pH lorsque d'autres processus qui ont lieu dans la solution ajoutent ou enlèvent des protons. 

    L'acidification de l'océan

Les océans absorbent 25% du CO₂ atmosphérique attribuable aux émissions humaines. Lorsque le CO₂ se dissout dans les océans, il réagit avec l'eau de mer pour former de l'acide carbonique, ce qui diminue le pH des océans : c'est l'acidification des océans, qui ébranle le fragile équilibre des conditions propices à la vie. Le pH des océans a déjà baissé de 0,1 unités, une variation d'une ampleur jamais vue depuis 420 000 ans. Le pH devrait encore baisser de 0,3 à 0,5 unités d'ici la fin du siècle.

Cette absorption de CO₂ cause une série de réactions chimiques (développées p.57) qui se traduit également par une baisse de concentration des ions carbonates, qui sont indispensables à la calcification, qui sert à de nombreux organismes marins pour construire des coquilles ou des coraux.

(Je m'efforce de m'assurer que je comprends la quasi-totalité de ce que je note ici, mais je tiens à préciser que je ne pousse pas le zèle jusqu'à maîtriser les calculs : savoir calculer les taux de pH de diverses solutions, par exemple, je zappe.)

Une note sur un des exercices de fin : pourquoi certains agriculteurs arrosent leurs cultures d'eau quand il va geler ? J'aurais naïvement dit que c'était pour créer une couche d'isolation thermique, mais non : lorsqu'on chauffe l'eau, une grande partie de la chaleur est absorbée par la rupture de la liaison hydrogène. Après quoi, les molécules d'eau augmentent leur vitesse de mouvement et la température s'élève. Réciproquement, quand on refroidit de l'eau, il se forme beaucoup de liaisons hydrogène, ce qui libère une quantité importante de chaleur, et c'est ce dégagement de chaleur qui procure une protection contre le gel.

mardi 9 janvier 2024

Biologie de Campbell #2 - L'organisation chimique de la vie

Biologie de Campbell #2 - L'organisation chimique de la vie

La matière est formée d'éléments. Un élément est une substance impossible à décomposer en d'autres substances plus simples au cours de réactions chimiques. C'est le fameux tableau périodique. Un composé est une substance formée de deux ou plusieurs éléments combinés dans des proportions définies. Les humains ont besoin de 25 éléments et les végétaux de 17.

Quatre éléments forment 96% de la biomasse : oxygène (O), carbone (C), hydrogène (H) et azote (N). Ce sont les éléments majeurs.

Quelques autres éléments forment l'essentiel restant, notamment : calcium (Ca), phosphore (P), potassium (K), souffre (S). Ce sont les éléments mineurs.

L'organisme a besoin de certains éléments en quantités infimes, ce sont les oligoéléments, par exemple le fer (Fe), indispensable à toutes formes de vie. D'autres sont spécifiques à certaines espèces, comme l'iode (I) pour les humains.

Les propriétés d'un élément sont déterminées par la structure de ses atomes. L'atome est lui-même formé de parties encore plus petites, les particules élémentaires. Les principales sont :

  • Les neutrons, qui sont électriquement neutres.
  • Les protons, qui possèdent une unité de charge positive (+).
  • Les électrons, qui possèdent une unité de charge négative (-).

Les protons et les neutrons sont au centre de l'atome et forment un noyau dense, le noyau atomique. Les protons confèrent au noyau une charge positive. Les électrons forment un nuage de charge négative autour du noyau. C'est l'attraction de la charge positive du noyau qui les retient dans son voisinage.

Le neutron et le proton possèdent une masse quasiment identique, de l'ordre de 1 dalton, l'unité de mesure utilisée à cette échelle. La masse d'un électron ne représente que 1/2000 de celle d'un neutron ou d'un proton.

Tous les atomes d'un même élément ont un nombre égal de protons dans leur noyau. Ce nombre, le numéro atomique, est placé en indice à gauche du symbole de l'élément. Par exemple, ₂He montre que chaque atome d'hélium a deux protons dans son noyau. Sauf indication contraire, un atome est électriquement neutre, donc il a autant d'électrons que de protons. Donc, dans un atome électriquement neutre, le numéro atomique indique à la fois le nombre de protons et le nombre d'électrons.

Il est possible de déduire le nombre de neutrons à partir du nombre de masse, qui correspond à la somme des protons et neutrons contenus dans le noyau d'un atome. Il est indiqué sous forme d'un exposant à gauche du symbole de l'élément. Par exemple, pour l'hélium : ⁴₂He. (Attention : les deux chiffres doivent être l'un sur l'autre, mais je suis ici limité par les possibilités de mise en page.)

Pour trouver le nombre de neutrons, il faut donc soustraire le numéro atomique du nombre de masse : 4-2=2 neutrons.

Autre exemple avec le sodium : ²³₁₁Na

  • Le nombre de masse, en haut = nombre de protons + nombre de neutrons.
  • Le numéro atomique, en bas = nombre de protons = nombre d'électrons (s'il s'agit d'un atome neutre)
  • Pour trouver le nombre de neutrons, on fait 23-11=12 neutrons.
  • Et comme les électrons ont une masse très faible, le nombre de masse est une bonne estimation de la masse totale de l'atome en daltons.

Les différentes formes atomiques d'un élément, c'est-à-dire selon leur nombre variable de neutrons dans le noyau, sont nommées isotopes. Tous les atomes d'un élément donné possèdent le mème nombre de protons. Les différents isotopes d'un élément se comportent similairement dans les réactions chimiques.

Par exemple, la forme la plus courante de carbone est de loin ¹²₆C, c'est le carbone 12. Le célèbre carbone 14 est noté ainsi : ¹⁴₆C. Le premier a 6 neutrons (12-6=6), le second en a 8 (14-6=8).

Les isotopes ¹²C et ¹³C sont stables, c'est-à-dire que leur noyau n'a pas tendance à perdre de particules subatomiques (désintégration). Par contre, ¹⁴C est radioactif, c'est un radio-isotope. Lorsque cette désintégration radioactive (nucléaire) donne lieu à une modification du nombre de protons présents dans le noyau, l'atome se transforme en un atome d'un autre élément. Par exemple, lorsqu'un atome de ¹⁴C se désintègre, il perd un neutron et devient un atome d'azote ¹⁴N (je ne comprends pas pourquoi, mais on verra plus tard je suppose). (Et explication plus détaillée de la datation au ¹⁴C p.34.)

En médecine, les radio-isotopes, qui sont utilisables par le corps comme les isotopes plus classiques, peuvent servir de traceurs radioactifs. Ils servent aussi pour la datation radiométrique : un isotope radioactif se désintègre à une vitesse fixe et se transforme en sa version plus stable. La demi-vie est le temps nécessaire à la désintégration de 50% de l'isotope de départ. Chaque isotope radioactif a une demi-vie fixe et caractéristique. On mesure le taux de divers isotopes et on calcule combien de demi-vies se sont écoulées depuis la fossilisation de l'organisme étudié ou la formation d'une roche (en somme, depuis que l'objet étudié a cessé d'intégrer de la matière nouvelle). La demi-vie des isotopes s'étale de quelques secondes à 4,5 milliards d'années pour l'uranium 238.

Les niveaux énergétiques des électrons. Les atomes sont constitués essentiellement d'espace vide ; et généralement, seuls les électrons, qui sont aux frontières de l'atome, participent directement aux réactions chimiques entre les atomes. Chaque électron possède sa propre quantité d'énergie. L'énergie est la capacité à provoquer un changement. L'énergie potentielle est l'énergie que la matière possède grâce à sa structure ou à sa position par rapport à d'autres objets. La tendance naturelle de la matière est d'occuper le niveau d'énergie potentielle le plus bas possible.

Plus les électrons sont sur des couches éloignées du noyau, plus leur énergie potentielle est élevée, étant donné qu'un électron (négatif) est naturellement attiré par le noyau (positif). Le niveau énergétique d'un électron est donc lié à sa distance du noyau.

Un électron peut passer d'une couche à une autre, mais seulement en absorbant ou en perdant une quantité d'énergie égale à la différence d'énergie potentielle entre l'ancienne couche et la nouvelle. Pour atteindre une couche plus éloignée du noyau, l'électron doit absorber de l'énergie, et pour se rapprocher du noyau, il doit en perdre, souvent en la libérant sous forme de chaleur. Ainsi, quand les rayons du soleil excitent les électrons contenus à la surface d'une voiture, ceux-ci passent à des niveaux énergétiques supérieurs ; mais la "chaleur" n'apparait que quand les électrons regagnent leur niveau énergétique initial en rapprochant du noyau.

Dans le tableau périodique, les éléments sont classés (entre autres) par leur nombre de couches électroniques : la ligne du haut a une couche, la seconde deux couches, etc. La première couche ne peut contenir que deux électrons, c'est pourquoi la première rangée du tableau ne contient que deux éléments (voir p.36). Si un atome possède plus d'électrons, ils sont répartis dans les couches électroniques supérieures. La deuxième couche peur contenir un maximum de huit électrons. Les propriétés chimiques d'un atome dépendent beaucoup du nombre d'électrons présents dans sa couche périphérique, on nomme ces électrons les électrons de valence.

Les atomes qui ont le même nombre d'électrons de valence affichent un comportement chimique semblable (et semblent classés en lignes verticales dans le tableau périodique). Les éléments dont la couche périphérique contient déjà le nombre maximal d'électrons possibles sont inertes chimiquement.

Les atomes interagissent avec d'autres atomes de façon à remplir leur couche électronique périphérique. Soit ils mettent en commun leurs électrons de valence, soit ils les transfèrent complètement. Cela fait, ils sont retenus par des forces d'attraction nommées liaisons chimiques.

Les liaisons covalentes sont les plus fortes : c'est quand deux atomes mettent en commun une ou plusieurs paires d'électrons de valence. Elles ne se brisent pas facilement dans l'eau, contrairement aux liaisons ioniques. Par exemple, quand deux atomes d'hydrogène s'approchent, chacun contenant un seul électron sur la première couche électronique qui peut en contenir deux, ils se combinent et forment une molécule d'hydrogène, alias dihydrogène. Quand ils sont unis par une liaison covalente, deux atomes ou plus forment une molécule.

Concernant les questions de notation, il n'y a pas les options de mise en page pour bien le faire ici, alors j'insère une image qui résume :

Chaque atome qui peut mettre en commun des électrons de valence possède une capacité de liaison correspondant au nombre de liaisons covalentes qu'il peut établir : cette capacité de liaison est donnée par le nombre d'oxydation d'un atome. Il représente le nombre d'électrons qu'un atome doit perdre (-), gagner (+) ou mettre en commun pour remplir son dernier niveau énergétique.

Les molécules H₂ et O₂ constituent des éléments purs et non des composés, car un composé est une combinaison de deux ou plusieurs éléments différents. L'eau (H₂O) est un composé : il faut deux atomes d'hydrogène pour combler le dernier niveau énergétique d'un atome d'oxygène.

Par exemple, pour le méthane (CH₄), un composé, il faut quatre atomes d'hydrogène (nombre d'oxydation +1) pour combler le dernier niveau énergétique d'un atome de carbone (nombre d'oxydation ± 4).

Les atomes ou molécules non appariées (ou célibataires) sont des radicaux libres, substances instables et réactives car en "recherche" d'électrons manquants.

Plus un atome est électronégatif, plus il attire vers lui les électrons mis en commun. Dans une liaison covalente entre deux atomes du même élément, le partage est égal, car ils ont la même électronégativité. C'est une liaison covalente non polaire. Quand un atome est lié à un autre plus électronégatif, les électrons de la liaison ne sont pas partagés également : c'est une liaison covalente polaire. Par exemple, l'oxygène est un élément très électronégatif, en conséquence, dans une liaison entre oxygène et hydrogène (H₂O), les électrons passent plus de temps autour du noyau de l'oxygène que du noyau de l'hydrogène.

Comme les électrons possèdent une charge négative et qu'ils sont attirés vers l'oxygène dans une molécule d'eau, l'atome d'oxygène possède une charge partielle négative (δ- alias delta moins), et chacun des atomes d'hydrogène possède une charge partielle positive (δ+).

Si deux atomes proches exercent des attractions si inégales sur leurs électrons de valence que le plus électronégatif arrache complètement un électron à l'autre atome, les deux atomes ou molécules de charge opposées qui en découlent se nomment des ions.

  • Un ion chargé positivement (+) est un cation.
  • Un ion chargé négativement (-) est un anion.

En raison de leurs charges opposées, cations et anions s'attirent mutuellement et forment des liaisons ioniques. Ce n'est pas le transfert d'électron qui forme la liaison, c'est l'opposition des charges ainsi créées. Le transfert n'est pas nécessaire, l'opposition des charges peut suffire. L'électron transféré est comme une unité de charge négative.

Dans le cas du transfert du seul électron de la couche extérieure d'un atome de sodium (Na) vers un atome de chlore (Cl) auquel il manquait un électron pour remplir sa couche extérieure, le premier se retrouve avec 11 protons pour 12 électrons, d'où la charge positive 1+ (il est devenu un cation), et le second avec 17 protons pour 18 électrons, d'où la charge négative 1- (il est devenu un anion).

Les composés formés par des liaisons ioniques sont appelés composés ioniques ou sels. Dans la nature, les sels ont souvent l’apparence de cristaux. Les composés covalents sont constitués de molécules ayant une taille et un nombre d'atome déterminé, mais ce n'est pas le cas des composés ioniques : la formule d'un composé ionique (NaCl pour le sel alias chlorure de sodium) indique seulement le rapport entre les éléments que le cristal renferme. NaCl ne représente pas une molécule, mais un réseau d'ion sodium et d'ions chlorure en proportions égales. Mais tous les sels ne possèdent pas un nombre égal de cations et d'anions. Dans ce cas, certains atomes devenus cations se font "voler" plusieurs électrons de valence et peuvent donc former des liaisons ioniques avec plusieurs anions. (Le terme ion s'applique aussi a des molécules entières porteuses de charges électriques.)

L'environnement influe sur la force des liaisons ioniques : le sec favorise des liaisons fortes, alors que les molécules d'eau viennent s’interposer entre les ions : c'est la dissolution

Chez les êtres vivants, la liaison la plus forte est la liaison covalente, mais d'autres plus faibles sont non moins indispensables : ce sont les interactions chimiques faibles. Elles ont notamment l'avantage de la réversibilité. La liaison ionique est une interaction chimique faible. Deux autres sont :

  • La liaison hydrogène. Lorsqu'un atome d'hydrogène se lie par covalence à un atome électronégatif, il a une charge partielle positive qui lui permet de subir l'attraction d'un autre atome électronégatif situé à proximité.  La liaison hydrogène est cette attraction entre un atome d'hydrogène et un atome électronégatif.
  • Les forces de Van der Waals. Même une molécule avec des liaisons covalentes non polaires peut avoir des régions chargées positivement et d'autres négativement, à cause de la répartition aléatoire des électrons à moment donné. Donc, ces molécules s’attirent mutuellement : ce sont les forces, ou interactions, de Van der Waals. C'est ainsi que le gecko escalade les murs : l'anatomie de ses membres multiplie les surfaces de contact, à l'aide poils minuscules, et les forces de Van der Waals sont multipliées suffisamment pour porter son poids.

Le nuage d'électrons autour du noyau des atomes n'est pas que circulaire. La première couche électronique qui contient 2 atomes possède une forme sphérique et s'appelle 1s. La seconde couche électronique possède une orbitale sphérique plus grande (2s) ainsi que trois orbitales en 8 (2p,) chacune sur l'axe x, y ou z. Chaque orbitale contient deux électrons au maximum. Dans une liaison covalente, ces quatre orbitales de la dernière couche électronique se réarrangent en quatre orbitales hybrides qui prennent chacune la forme d'une goutte d'eau qui émerge du noyau. En reliant les extrémités de ces "gouttes" par des lignes, on obtient un tétraèdre.

Ces propriétés ont des impacts sur les molécules, dont la taille et la forme tridimensionnelle contribue fortement à leur fonction : c'est la géométrie moléculaire. La forme tétraédrique que prend un atome de carbone uni à quatre autres atomes est un motif courant. C'est grâce à cette géométrie moléculaire que la plupart des molécules se reconnaissent et interagissent. Les molécules peuvent se lier temporairement grâce aux interactions faibles, mais seulement si elles ont une forme complémentaire.

La formation et la rupture des liaisons chimiques constituent les réactions chimiques. Par exemple : 

2 H₂ + O₂ → 2 H₂O

Dans cette réaction, les liaisons covalentes de H₂ et O₂ sont rompues, mais de nouvelles liaisons sont établies. C'est la flèche qui symbolise la réaction chimique entre les réactifs (substances de départ) et les produits (substances nouvelles). Le 2 devant le H est le coefficient qui indique le nombre de molécules participantes. Dans toute réaction chimique, la matière est conservée. Elle est "juste" réarrangée.

Par exemple, la réaction de photosynthèse, en résumé :

6 CO₂ + 6 H₂O → C₆H₁₂O₆ + 6 O₂

6 dioxyde de carbone + 6 eau → glucose + 6 oxygène

 C'est la lumière du soleil qui fournir l'énergie nécessaire à la réaction.

En théorie, toutes les réactions chimiques sont réversibles, les produits d'une première réaction devenant les réactifs. Par exemple, une réaction réversible avec le symbole qui indique cette réversibilité :

3 H₂ + N₂ ⇌ 2 NH₃

3 dihydrogène + diazote ⇌ 2 ammoniac

Plus les réactifs sont concentrés, et plus leurs molécules s'entrechoquent et ont l'occasion de régir entre elles et de former des produits, qui eux-mêmes subissent ce phénomène. L'équilibre chimique est atteint au moment où les réactions inverses s'annulent : les réactions continent dans les deux sens, mais s'annulent.

samedi 6 janvier 2024

Biologie de Campbell #1 - L'évolution, les thèmes de l'étude du vivant et la démarche scientifique

Biologie de Campbell #1 - L'évolution, les thèmes de l'étude du vivant et la démarche scientifique

Ma curiosité envers la biologie passe à un niveau supérieur : la lecture attentive de cet énorme manuel universitaire. Grand format, plus de 1500 pages, et ça m'a l'air excellemment écrit, mis en page et illustré. Je pense faire ici un petit compte-rendu pour chacun des 56 chapitres, si je ne me lasse pas avant. J'ai bon espoir ! Il m'a semblé que c'était la meilleure chose à faire ; je commençais à sentir les limites du picorage de livres individuels, j'avais besoin d'une approche plus systémique.

Le premier concept évoqué, dès la première page, est l'évolution. Je ne vais pas prendre de notes à ce sujet dans ce chapitre introductif, j'ai déjà les bases en lisant Richard Dawkins entre autres. De même, je ne prends pas de notes concernant la démarche scientifique. Je me concentre sur les concepts scientifiques que je cherche à comprendre et à apprendre.

Quelques propriétés de la vie : ordre (structure), adaptation évolutive, reproduction, réaction aux stimulus de l'environnement, utilisation d'énergie, croissance et développement, homéostasie. Je définis ce dernier point : l'ajustement de la température de l'organisme afin de maintenir une température constante. Plus généralement, c'est l'autorégulation d'un système biologique.

Réductionnisme : stratégie consistant à fragmenter les systèmes complexes en éléments plus simples et plus faciles à manipuler.

La hiérarchie de l'organisation biologique :  

  • biosphère   
  • écosystèmes → tous les êtres vivants d'une région et éléments non vivants qui constituent leur environnement.
  • communautés biologiques → ensemble des organismes qui peuplent un même écosystème.
  • populations → individus d'une même espèce qui vivent dans une même région.
  • organismes
  • organes → partie d'un organisme ayant au moins deux tissus et des fonctions spécifiques.
  • tissus → chaque tissu se compose d'un groupe de cellules qui travaillent à une fonction précise.
  • cellules → l'unité structurale et fonctionnelle des organismes.
  • organites → les éléments fonctionnels qui composent une cellule.
  • molécules → structure chimique qui comprend au moins deux atomes et dernier niveau d'organisation dans la hiérarchie de la vie.

La cellule est la plus petite unité capable d'accomplir toutes les activités nécessaires à la vie. Les cellules ont une membrane qui régit le passage des matières entre le milieu interne et l'environnement et elles utilisent toutes l'ADN comme information génétique.

On distingue cependant deux types de cellules :

  • Les eucaryotes possèdent des organites délimités par une membrane et un noyau qui contient l'ADN. (eu = vrai, karuon = noyau)
  • Les procaryotes ne possèdent pas d'organites membraneux ni de noyau et sont généralement plus petites que les eucaryotes. (pro = avant, karuon = noyau)

L'ADN, acide désoxyribonucléique. Chaque chromosome est constitué d'une seule longue molécule d'ADN le long de laquelle sont disposés des centaines ou milliers de gènes. Chaque molécule d'ADN est constituée de deux longues chaines, les brins, qui forment une double hélice. Chaque chaine est formée à partir de quatre unités structurales chimiques, les nucléotides, désignées par les lettres A, T, C, G. C'est l'assemblage de ces nucléotides qui forment les gènes, des "mots" qui stockent et transmettent l'information, par exemple la recette pour fabriquer une protéine.

C'est l'ARN, acide ribonucléique, qui sert d'intermédiaire entre l'ADN et l'exécution de l'information, par exemple la fabrication d'une protéine.

L'ensemble des directives génétiques dont un organisme hérite est appelé génome.

Quelques mots sur les interactions. Contrairement à l'énergie, les nutriments chimiques se recyclent entre les organismes et leur environnement. Les producteurs convertissent l'énergie solaire en énergie chimique ; une partie de celle-ci est transmise aux consommateurs et le reste se perd sous forme de chaleur.

Chez les êtres vivants, on trouve la régulation par rétroaction. La forme de régulation la plus répandue est la rétro-inhibition, qui fait que l'accumulation du produit final d'un processus ralentit ce même processus. Existe aussi la rétroactivation, où le produit final d'un processus biologique accélère sa propre production.

Exemple de rétro-inhibition :

  1. Un taux de glucose sanguin (glycémie) élevé stimule la sécrétion d'insuline dans le sang par le pancréas.
  2. L'insuline circule dans tout le corps via le sang.
  3. L'insuline se lie aux cellules du corps, elle stimule l'absorption du glucose et incite les cellules du foie à en stocker. Le taux de glucose sanguin diminue.
  4. La glycémie ayant baissé, la sécrétion d'insuline n'est plus stimulée.

Les trois domaines du vivant :

  • Les bactéries, les organismes procaryotes les plus diversifiés et les plus répandus.
  • Les archées, organismes procaryotes vivant dans des milieux extrêmes.
  • Les eucaryotes, domaine qui comprend des organismes unicellulaires ou multicellulaires :
    • Les végétaux, capables de photosynthèse.
    • Les eumycètes, qui absorbent les nutriments par la paroi extérieure de leur corps, comme les champignons.
    • Les animaux, organismes eucaryotes multicellulaires qui ingèrent d'autres organismes.
    • Les protistes, principalement des organismes eucaryotes unicellulaires et quelques multicellulaires simples.

mardi 2 janvier 2024

Nana - Zola

Nana - Zola

Un onzième volume des Rongon-Macquard et, une fois de plus, c'est fantastique. Avec cette terrible odyssée de Nana, cocotte imbécile et irrésistible, prostituée des caniveaux comme des plus magnifiques salons, Zola continue d'impressionner. Au début, c'est un peu rude, tant les personnages sont fort nombreux, Zola ne s'embarrassant pas de les présenter dans les formes. Puis, on apprend à les connaître, au fil de chapitres souvent séparés entre eux par des ellipses de plusieurs mois.

Il y a cette longue scène dans les coulisses d'un théâtre, où comtes et princes explorent avec un jouissif dégoût l'arrière-plan qui héberge les filles qu'ils désirent ; il y a ces séquences de folies dans les draperies et les dorures, où Nana gobe les hommes et leur argent comme un caméléon gobe les mouches ; il y a ces plongées dans les bas-fonds, où réapparaît la crasse violence physique ; il y a cette consomption des hommes viveurs qui viennent voler trop près de la flamme Nana, comme aimantés ; et on se demande comment Zola fait pour dépeindre tous ces milieux et tous ces humains avec autant de crédibilité.

« Alors, Nana devint une femme chic, rentière de la bêtise et de l'ordure des mâles, marquise des hauts trottoirs. Ce fut un lançage brusque et définitif, une montée dans la célébrité de la galanterie, dans le plein jour des folies de l'argent et de l'audace gâcheuse de la beauté. »

On pourrait presque dire que dans Nana, la plupart des personnages se comportent d'une façon complètement abrutie. Ils se consument, s'auto-détruisent, dans une débauche toujours grandissante et un appétit impossible à assouvir. Qu'ils aient tort, sans doute, mais on les comprend : pour quoi d'autre pourraient-ils vivre ? Que possède Nana, à part le don de plaire ? Oh, elle pourrait se trouver un homme riche à marier et vivre plus que bien, mais ce n'est pas dans sa nature. Quant au comte Muffat, qu-a-t-il, à part un mariage glacial, de vaines fiertés de haut noble et les illusoires consolations de la religion ? Comment nier qu'avec Nana, il vit enfin, d'une intensité qu'il ne pourrait trouver ailleurs ? A quoi bon son argent, ses rentes, ses propriétés, quand tout ça ne lui offre pas ce que Nana lui offre ? Et Vandœuvre, l'héritier d'une longue lignée, qui n'a même pas eu besoin de Nana pour se perdre dans les abus et les femmes ? Tout le monde n'est pas Tolstoï, et certains n'arrivent jamais à fuir l'attrait des flammes. Les raisonnables, ceux qui restent sobres, ceux qui accumulent doucement en picorant les miettes des flamboyants, sont inévitablement des personnages secondaires — enfin, pour ce roman-là.

C'est indéniable, Zola est ici un poil racoleur : comme dans La Curée (par ailleurs non moins excellent), il y a dans ces débauches de richards un caractère excessif, maximaliste, qui relève d'un érotisme de l’argent et du désastre. C'est une explosion, un incendie, une fusillade de beaux salons. Alors oui, on s'y amuse plus que dans L'Assommoir, et le talent de Zola fait qu’on a l'impression de ressortir non seulement diverti, mais aussi grandi, grandi par l'art qui se déploie dans ces pages comme par le tableau social et psychologique dressé, tableau fort et subtil, puissamment édifiant sans être bassement moralisateur.