samedi 13 janvier 2024

Biologie de Campbell #3 - L'eau et la vie

Biologie de Campbell #3 - L'eau et la vie

Dans l'environnement naturel, l'eau est la seule substance qui existe dans les trois états physiques de la matière.

La molécule d'eau est très simple : en forme d'un V évasé, elle est constituée de deux atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène unis par des liaisons covalentes. L'oxygène étant plus électronégatif que l'hydrogène, les électrons mis en commun dans les liaisons covalentes passent plus de temps autour de l'atome d'oxygène : ce sont des liaisons covalentes polaires. La molécule d'eau est en conséquence une molécule polaire : sa charge globale est inégalement distribuée.

Les deux atomes d'hydrogène ont chacun une charge positive (δ+) et l'atome d'oxygène, en raison de l'arrangement de ses électrons, a deux charges négatives (δ-). Il peut donc se former parmi les molécules d'eau un assemblage illimité de liaisons hydrogènes qui se font et se défont : chacune ne dure que quelques billionièmes de seconde. Ainsi à tout moment une bonne partie des molécules d'eau d'un ensemble sont liées entre elles, ce qui donne à l'eau ses propriétés uniques.

File:3D model hydrogen bonds in water.svg
Liaison hydrogène

Quatre propriétés émergentes de l'eau qui contribuent à maintenir l'environnement terrestre propice à la vie :

    1. La cohésion des molécules d'eau 

Grâce à la liaison hydrogène, l'eau est plus structurée que la plupart des autres liquides. Les molécules se maintiennent à proximité, c'est le phénomène de cohésion. Les plantes utilisent ce phénomène, qui les aident à lutter contre la gravité pour amener la sève et autres fluides vers les hauteurs. Les molécules d'eau évaporées par les nervures des feuilles attirent les molécules d'eau voisine grâce à la liaison hydrogène, et ainsi de suite. C'est une traction vers le haut. De plus, toujours grâce à la liaison hydrogène, les molécules d'eau adhèrent aux parois des cellules des vaisseaux : c'est l'adhérence.

La tension superficielle des liquides est une conséquence de la cohésion. Elle est plus forte pour l'eau que pour les autres liquides (sauf le mercure) grâce à la liaison hydrogène.

    2. La stabilisation de la température par l'eau

L'eau forme un réservoir thermique efficace : un léger changement dans sa température s'accompagne de l'absorption ou de la libération d'une grande quantité de chaleur.

Tout ce qui se déplace possède de l'énergie cinétique, y compris atomes et molécules, qui bougent continuellement. L'énergie cinétique associée aux mouvements aléatoires des atomes ou molécules est appelée énergie thermique, à ne pas confondre avec la température.

  • La température représente l'énergie cinétique moyenne des molécules d'un corps.
  • L'énergie thermique d'un corps est la quantité d'énergie cinétique totale, qui dépend donc du volume.
  • La chaleur est l'énergie thermique transférée.

Une bouilloire allumée a une température plus élevée qu'une piscine fraiche, mais cette dernière a une énergie thermique supérieure, grâce à sa taille. L'énergie thermique d'un corps chaud se transmet à tout corps plus froid à proximité, jusqu'à égalisation des températures : les molécules du corps froid accélèrent leur mouvement au détriment du corps chaud. L'énergie thermique transférée est appelée chaleur. L'unité thermique qui sert à mesurer l'énergie est le joule (J), sauf en médecine ou en diététique où on parle de calorie. Une calorie (à ne pas confondre avec la kilocalorie des emballages qui fait 1000 calories) correspond à la quantité de chaleur nécessaire pour élever de 1°C la température d'un gramme d'eau. Un joule équivaut à 0,239 calories et une calorie à 4,184 joules.

L'eau a une chaleur spécifique relativement élevée. La chaleur spécifique d'une substance représente la quantité de chaleur absorbée ou perdue par 1g de cette substance pour changer sa chaleur de 1°C. Pour l'eau, il s'agit donc d'une calorie. On note : 1 cal/g • °C. Par exemple, l'éthanol a une chaleur spécifique de O,6  cal/g • °C. L'effet de cette chaleur spécifique élevée (seul l'ammoniac liquide a une chaleur spécifique plus élevée que l'eau) est que l'eau a une plus forte inertie thermique. Par exemple, le fer a une chaleur spécifique 10 fois moins élevée : il faut donc lui apporter 10 fois moins d'énergie pour augmenter sa température de 1°C, ce qui explique pourquoi la casserole est brulante quand l'eau qui s'y trouve est encore tiède. Pour une même quantité de chaleur, la température de 1g de fer s'élève beaucoup plus vite que celle de 1g d'eau. Encore une fois,les liaisons hydrogènes sont en cause : l'énergie thermique absorbée par les molécules "sert" avant tout à briser les liaisons hydrogène ; de plus, quand la température baisse, des liaisons hydrogène se forment et leur création libère de l'énergie sous forme de chaleur, qui atténue la baisse de température.

La chaleur spécifique de l'eau, son inertie thermique, tend à réguler non seulement la température de l'eau elle-même, mais aussi celle des régions côtières et de la Terre elle-même. De plus, les organismes vivants étant eux aussi composés majoritairement d'eau, ils héritent de cette stabilité thermique, propriété fort utile pour la vie.

L'évaporation est le passage de l'état liquide à l'état gazeux. La température est une mesure de l'énergie cinétique moyenne des molécules ; même à basse température, les molécules les plus rapides peuvent s'échapper dans l'air. Il y a donc une évaporation quelle que soit la température. Bien sûr, si on chauffe un liquide, l'énergie cinétique des molécules augmente et il s'évapore plus rapidement.

La chaleur d'évaporation est la quantité de chaleur qu'il faut apporter (à température constante) à 1g de liquide pour passer de l'état liquide à l'état gazeux. L'eau a une chaleur d'évaporation plus élevée que la plupart des autres liquides, toujours grâce à la force des liaisons hydrogène, qui doivent être rompues pour que les molécules s'évaporent. A l'échelle planétaire, cette chaleur d'évaporation élevée tempère le climat global.

Le refroidissement par évaporation se produit car les molécules les plus "chaudes", celles qui possèdent l'énergie cinétique la plus élevée, sont celles qui sont le plus susceptibles de s'échapper sous forme de gaz. Il contribue à stabiliser la température des étendues d'eau et à limiter la surchauffe des organismes terrestres : c'est l'intérêt de la transpiration humaine par exemple.

    3. La glace flotte à la surface de l'eau liquide

L'eau est une des rares substances qui possède une masse volumique plus faible à l'état solide qu'à l'état liquide. D'autres substances se contractent en se solidifiant, mais l'eau se dilate : encore un coup des liaisons hydrogène. 

A plus de 4°C, l'eau se dilate quand elle chauffe et se contracte quand elle refroidit. Cependant, entre 4°C et 0°C, l'eau commence à geler car un nombre croissant de ses molécules se déplacent trop lentement pour briser leurs liaisons hydrogène. A 0°C, l'eau forme un réseau cristallin, chacune de ses molécules demeurant liée à ses voisines par liaison hydrogène. Cette stabilité des liaisons hydrogène maintient les molécules plus éloignées les unes des autres qu'elles ne le seraient à l'état liquide, d'où une masse volumique inférieure à celle de l'eau. De plus, en flottant, la glace isole l'eau en dessous d'elle du froid, ce qui favorise l'état liquide. Si la glace ne flottait pas, les étendues d'eau gèleraient à partir du fond, ne créant pas de couche isolante ; la vie sur Terre n'existerait probablement pas.

L'eau atteint sa masse volumique maximale à 4°C et commence à se dilater en se réchauffant plus en raison de la vitesse accrue de ses molécules.

    4. L'eau, solvant fondamental de la vie

L'eau a la capacité de dissoudre certains solides et de répandre de façon homogène leurs molécules. Un liquide formé d'un mélange homogène de deux ou plusieurs substances s'appelle solution. L'agent dissolvant d'une solution est le solvant et la solution dissoute, le soluté. Une solution aqueuse est une solution dont l'eau est le solvant.

L'eau est un solvant très polyvalent grâce à la polarité de ses molécules. Sans aller dans les détails : les atomes d'oxygène de l'eau ont une charge partielle négative, les atomes d'hydrogène ont une charge partielle positive, et peuvent créer des liens avec les ions d'un composé ionique (sel de table par exemple) et les séparer les uns des autres. L'enveloppe de molécules d'eau qui entoure chaque ion dissous s'appelle couche d'hydratation. En conséquence, l'eau de mer, notamment, contient une grande variété d'ions en solution, comme les cellules vivantes.

Un composé ne doit pas nécessairement être ionique pour se dissoudre dans l'eau : beaucoup de composés formés de molécules polaires, comme le saccharose, sont hydrosolubles. Même de grosses molécules, comme certaines protéines, peuvent se dissoudre dans l'eau si leur surface présente des régions ioniques polaires. L'eau est donc un excellent agent de transport, capacité dont profitent le sang, la sève...

Toute substance ayant une affinité avec l'eau est hydrophile, sans forcément se dissoudre. D'autres substances, qui ne sont ni ioniques, ni polaires, ou ne peuvent former de liaisons hydrogène, sont hydrophobes.

La plupart des réactions chimiques qui se produisent chez les êtres vivants mettent en jeu des solutés dissous dans de l'eau. Pour comprendre ces réactions, il est important de calculer le nombre d'atomes et de molécules dont il est question ainsi que leur concentration. On calcule la masse moléculaire, soit la somme des masses de tous les atomes dans une molécule, en multipliant le nombre d'atomes d'une molécule donnée par la masse atomique arrondie de chaque élément, soit le nombre de masse. (p.53 pour les détails.) Par exemple, la masse moléculaire de la saccharose :

C₁₂H₂₂O₁₁

(12x12) + (22x1) + (11x16) = 342 daltons

Comme on ne peut pas peser de si petites quantités de molécules, on quantifie souvent en moles. Une mole (mol) représente 6,02 x 10²³ objets (alias nombre d'Avogadro). Il se trouve que c'est le nombre de daltons qu'il y a dans 1g, donc on peut utiliser le même nombre (342), mais l'exprimer directement en grammes pour représenter 6,02 x 10²³ molécules de saccharose, soit 1 mol.  Donc 1 mol de saccharose = 342 grammes.

L'intérêt, c'est que 1 mol d'une substance donnée possède exactement le même nombre de molécules que 1 mol d'une autre substance. Par exemple, une mole d'éthanol (C₂H₆O) contient également 6,02 x 10²³ molécules, mais ne pèse que 46 grammes, car ses molécules sont plus petites.

La concentration molaire volumique (mol/L) est le nombre de moles solutés par litre de solution, c'est l'unité de concentration la plus souvent utilisée en biologie dans le cas de solutions aqueuses. On peut facilement la transposer en g/L : une solution de saccharose à 1 mol/L correspond à une solution de 34,2%, soit 34,2g de saccharose dissout dans un volume total de 100mL.

    Les conditions acides et basiques

Il arrive parfois qu'un atome d'hydrogène participant à une liaison hydrogène entre deux molécules d'eau se déplace d'une molécule à une autre. Lorsque cela se produit, l'atome d'hydrogène abandonne son électron, et l'élément transféré est un seul proton portant une charge de 1+, ou ion hydrogène (H⁺). La molécule d'eau qui perd un proton devient un ion hydroxyde (OH⁻) dont la charge est de 1-. Le proton se lie à l'autre molécule d'eau, formant ainsi un ion hydronium (ou ion oxonium, H₃O⁺). Cette réaction est :

2 H₂O ⇌ H₃O⁺ + OH⁻ 

Attention : par convention, on notre juste H⁺ pour se référer à l'ion hydrogène, mais il n'existe pas seul dans une solution aqueuse, il est toujours associé à une molécule d'eau sous forme de H₃O⁺.

Au point d'équilibre, la concentration des molécules d'eau excède énormément celles de H⁺ (c'est-à-dire H₃O⁺) et de OH⁻. La dissociation est réversible et statistiquement rare, mais elle joue un rôle crucial. H⁺ et OH⁻ sont très réactifs : une légère variation de leur concentration peut affecter dramatiquement les protéines et autres molécules complexes. 

Un acide est une substance qui accroit la concentration de protons dans une solution. 

Par exemple, quand on met de l'acide chlorhydrique (HCl) dans de l'eau, les protons et les ions chlorure se dissocient :

HCl → H⁺ + Cl⁻

Cette deuxième source de H⁺, en plus de celle qui occurre dans les molécules d'eau, fournit un plus grand nombre d'ions H⁺ que d'ions OH⁻.

Une base est une substance qui réduit la concentration des protons.

Par exemple, l'ammoniac (NH₃) agit comme une base quand le doublet d'électrons libres du dernier niveau énergétique de l'azote attire un proton de la solution, ce qui donne un ion ammonium (NH₄⁺) :

NH₃ + H⁺ ⇌ NH₄⁺

Le H⁺ est enlevé à la solution, ce qui réduit sa concentration en protons. D'autres bases se dissocient en OH⁻.

  • Une solution dont la concentration de OH⁻ est plus élevée que celle de H⁺ est dite basique
  • Une solution dont les concentrations molaires volumiques de H⁺ et de OH⁻ s'équivalent est dite neutre.
  • Une solution dont la concentration de H⁺ est plus élevée que celle de OH⁻ est dite acide.

Dans la première réaction, la flèche est à sens unique : il s'agit donc d'une acide fort, car la réaction n'est pas réversible. Dans la seconde réaction, c'est une flèche double : il s'agit donc d'une base faible, car la réaction est réversible.

L'échelle du ph, qui va de 0 (extrêmement acide) à 14 (extrêmement basique), est logarithmique. Une augmentation ou une diminution de 1 dans la valeur du pH correspond à des concentrations de protons H⁺ 10 fois plus faibles ou 10 fois plus élevées. Une variation d'une unité dans la valeur du pH correspond donc à une différence d'un facteur de 10 dans les concentrations molaires volumiques de H⁺ et OH⁻. Par exemple, une solution de pH 3 est 1000 fois plus acide qu'une autre de pH 6.

Le pH de la plupart des cellules se situe autour de 7 (neutre) et le moindre changement de pH peut s'avérer dommageable. Le pH du sang humain est proche de 7,4 et une personne ne peut survivre que quelques minutes si le pH de son sang augmente ou diminue de 0,4. Il y a donc plusieurs systèmes chimiques chargés de maintenir constant le pH du sang. Une solution tampon contient des solutés qui réduisent au minimum la variation de H⁺ et de OH⁻ : elles acceptent des protons quand la solution en renferme trop, et elles en donnent quand il n'y en a plus assez. La plupart d'entre elles se composent d'un acide faible et de son sel (une base), ce dernier se combinant de façon réversible aux protons.

L'une des solutions tampons du corps est l'acide carbonique (H₂CO₃) qui se forme quand le CO₂ réagit avec l'eau dans le plasma sanguin. L'acide carbonique se dissocie pour produire un ion hydrogénocarbonate (ou ion bicarbonate, HCO₃⁻) et un proton (H⁺). La réaction sur fait suite à une hausse ou baisse du pH.

 H₂CO₃ (donneur de H⁺) ⇌ HCO₃⁻ (accepteur de H⁺) + H⁺ (proton)

Cette solution tampon se compose d'un acide et d'une base à l'état d’équilibre, et la réaction se déplace dans un sens ou dans l'autre pour réguler le pH lorsque d'autres processus qui ont lieu dans la solution ajoutent ou enlèvent des protons. 

    L'acidification de l'océan

Les océans absorbent 25% du CO₂ atmosphérique attribuable aux émissions humaines. Lorsque le CO₂ se dissout dans les océans, il réagit avec l'eau de mer pour former de l'acide carbonique, ce qui diminue le pH des océans : c'est l'acidification des océans, qui ébranle le fragile équilibre des conditions propices à la vie. Le pH des océans a déjà baissé de 0,1 unités, une variation d'une ampleur jamais vue depuis 420 000 ans. Le pH devrait encore baisser de 0,3 à 0,5 unités d'ici la fin du siècle.

Cette absorption de CO₂ cause une série de réactions chimiques (développées p.57) qui se traduit également par une baisse de concentration des ions carbonates, qui sont indispensables à la calcification, qui sert à de nombreux organismes marins pour construire des coquilles ou des coraux.

(Je m'efforce de m'assurer que je comprends la quasi-totalité de ce que je note ici, mais je tiens à préciser que je ne pousse pas le zèle jusqu'à maîtriser les calculs : savoir calculer les taux de pH de diverses solutions, par exemple, je zappe.)

Une note sur un des exercices de fin : pourquoi certains agriculteurs arrosent leurs cultures d'eau quand il va geler ? J'aurais naïvement dit que c'était pour créer une couche d'isolation thermique, mais non : lorsqu'on chauffe l'eau, une grande partie de la chaleur est absorbée par la rupture de la liaison hydrogène. Après quoi, les molécules d'eau augmentent leur vitesse de mouvement et la température s'élève. Réciproquement, quand on refroidit de l'eau, il se forme beaucoup de liaisons hydrogène, ce qui libère une quantité importante de chaleur, et c'est ce dégagement de chaleur qui procure une protection contre le gel.

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