vendredi 17 mai 2024

Sphere - Michael Crichton

Sphere - Michael Crichton

Je crois que c'est la première fois que j'écoute un roman en audiobook : c'est un enregistrement de 1987, en VO, enregistré originellement pour... cassette audio. Le narrateur est excellent et je ne sais pas si j'aurais terminé le livre si je l'avait vraiment lu, si je n'avais pas pu l'écouter en faisant autre chose. Sphere de Michael Crichton a l'air d'être de la SF, mais c'est plutôt un techno-thriller. La différence est massive : toute la trame est construite non pas pour façonner une narration cohérente et chargée d'idées, mais pour créer du suspense et donner envie de connaitre la suite.

En conséquence, ça fait très... artificiel. Il y a une bonne histoire qui se cache là-dedans, et quelques bons moments, notamment la paranoïa entre les trois derniers survivants, mais la majorité du roman donne une impression de remplissage. La formule est claire : amener de façon régulière révélations et péripéties, avec un mystère plus global pour appâter : la nature de la mystérieuse sphère retrouvée dans ce vaisseau spatial venu du futur et échoué au fond de l'océan. Eh oui, ça parle de voyage temporel, mais l'auteur ne s'y attarde pas trop et préfère raconter des attaques de poulpe géant. Ça parle aussi de pouvoirs démiurgiques : nos trois personnages, y compris notre narrateur, obtiennent ces pouvoirs considérables, ce qui devient franchement invraisemblable à la fin : tous les trois ont littéralement la capacité de modifier le réel par la pensée, mais ils n'en font pas usage pour que l'auteur puisse sa écrire sa (longue) course contre la montre qui fait office d'apex du roman. Entre ça et les problèmes inhérents au voyage temporel, on a juste l'impression que l'auteur n'a qu'une seule priorité : la construction pratique de son techno-thriller, au détriment de la cohérence interne.

Ça rappelle Rama et ce sous-genre de la SF qui se spécialise dans l'exploration de structures venues d'ailleurs, ou encore Solaris par le thème du premier contact avec une entité incompréhensible qui peut faire apparaitre des êtres vivants, mais ici ces idées et d'autres ne sont pas vraiment explorées. Il y a plein de choses évoquées, les personnages papotent entre eux de nombreux sujets, mais au final ça ne mène nulle part : on n'aura le fin mot de rien du tout et, dans les dernières pages, tout le monde oublie tout. Le lecteur aussi.

lundi 13 mai 2024

Le soulèvement des pigeons - Jesse Miller

Le soulèvement des pigeons - Jesse Miller

Une dystopie classique, dans la veine du Meilleur des mondes et d'Un bonheur insoutenable : tout le monde a ce qu'il faut pour vivre bien, mais la vie est très chiante sans liberté. Dans un Harlem futuriste, la population noire est parquée et traitée fort humainement, en un sens — mais bel et bien parquée. C'est très bref, ça fait moins de 100 pages, et l'auteur n'a pas le temps de prendre son temps : une petite émeute lancée par un pas content, et voilà nos quelques protagonistes projetés de l'autre côté du miroir.

Je m'interroge quand je lis, notamment en quatrième de couverture, que ce texte parlerait de « racisme systémique », puisque si l'oppression est bien racialisée, si je comprends bien — ce que je ne garantis pas car le texte manque de clarté sur le fond de l'affaire — il n'y pas de blancs qui oppressent des noirs, ou inversement : c'est juste que dans cette société de l'abondance, il n'y a quasiment plus besoin de travailler, alors des systèmes d'organisation sociale arbitrairement rigoureux ont été mis en place pour compenser cette destructuration du tissu social causée par la technique. Il y a des communautés blanches qui vivent exactement la même oppression artificielle que les noirs de Harlem, mais eux, blancs, artificiellement oppressés par des noirs. Pourquoi cette organisation est-elle arbitrairement racialisée ? Mystère. En fait, l'histoire marcherait exactement de la même façon s'il n'était pas question de couleur de peau : le racisme est un simple thème et non un pivot narratif.

De l'autre côté du miroir, il y a les rebelles créatifs, qui, ne pouvant se satisfaire de la passivité offerte par la fausse utopie, sont convertis et employés à être les cadres et gardiens du système — c'est un job stimulant. C'est un twist familier dont j'apprécie néanmoins le fond nihiliste : il n'y pas de méchant leader ni même de véritable système tout-puissant : l'oppressé devient l'oppresseur, avec le sourire et sans transition, parce qu'il n'y a rien de mieux à faire. Et la vie de l'oppresseur n'a pas non plus l'air de faire rêver, mais difficile à dire tant le récit est expéditif. C'est un texte trop bref et elliptique pour son propre bien, à la narration basique, mais il y a quand même suffisamment de chair pour y planter ses dents.

jeudi 9 mai 2024

La Légion de l'espace - Jack Williamson

La Légion de l'espace - Jack Williamson

La Légion de l'espace de Jack Williamson, un vieux classique, à priori, paru en 1937. Vieux plus que classique, peut-être : j'ai eu l'impression de faire de l'archéologie littéraire tant c'est incroyablement archaïque et désuet.

Le héros, tout beau tout parfait, se trouve quelques comparses pour sauver le monde, flinguer les aliens, combattre les vils traitres, et, bien sûr, choper la princesse en détresse, seule femme du récit. Ici, on juge avec justesse le caractère moral des personnages au premier coup d'œil, via leur physique, et leurs personnalités pourrait difficilement être plus caricaturales. Les incohérences et les facilités narratives rempliraient une liste plus longue que le roman lui-même, qui d'ailleurs est peut-être composé à 10% des pénibles complaintes du perso qui sert théoriquement de touche comique. Nos héros font absolument n'importe quoi, il n'ont aucune notion d'auto-préservation et ils auraient dû mourir 100 fois.

Malgré tout ça je me suis enfilé les 300 pages sans trop me forcer (mais en sautant régulièrement des lignes). Il faut dire que c'est assez marrant tant c'est ridicule, et que l'aspect science-fictif parvient à vaguement intéresser une fois qu'on rencontre les aliens et, surtout, leur planète. Ces derniers font vraiment penser aux Anciens des Montagnes hallucinées de Lovecraft, paru quelques années auparavant : ce sont des gros machins qui volent et ont des tentacules, ils sont bien plus vieux que l'humanité et possèdent une science supérieure, ils vivent dans une cité démesurée à l'architecture hostile... J'ai du mal à croire à une simple coïncidence. J'ai bien aimé aussi que le grand méchant ne soit pas si simpliste (il change de côté au fil du récit) et le fait que Jack Williamson n'hésite pas à faire du maximalisme : l'humanité prend cher et les morts horribles se comptent par milliards. C'est un bon point ça. En somme, ça enrichit ma culture SF je suppose.

dimanche 5 mai 2024

Montée des Eaux - Pierre Lieutaghi

Montée des Eaux - Pierre Lieutaghi

Montée des Eaux de Pierre Lieutaghi, publié quelques mois avant la mort de l'auteur, dont j'avais lu, dans un autre genre, La Plante compagne. C'est un roman post-apocalyptique tout ce qu'il y a de plus classique dans son essence, mais avec un ton très optimiste, qu'on pourrait même qualifier d'utopique (la vie est quand même plus sympa après l'apocalypse et les enfants ne s'emmerdent plus à l'école). C'est bien écrit et c'est loin d'être bête, mais le fait est que je me suis très vite ennuyé, et ennuyé fort. J'ai scanné les pages, lisant un mot sur dix, tant ça m'a semblé vide et verbeux.

Les eaux montent et le village des Serres se retrouve isolé avec ses 200 habitants et quelques randonneurs. On s'organise, on met en commun, on résiste à une attaque de pillards, il y a un viol, et un vieux qui a du diabète. On ramasse des champignons, on retape le moulin et on va à la néo-messe. Il ne se pas grand-chose de plus, vraiment. Bien sûr, ce n'est pas un mal en soi, et je comptais sur les talents de l'auteur en botanique pour venir épicer tout ça. Hélas, cet aspect du roman est extrêmement décevant.

L'un des deux narrateurs est herboriste, et il ramasse quelques plantes, fait des tisanes, des pommades et des teintures-mères. Même un peu d'homéopathie, je vous jure. Il donne quelques conseils sur l'alimentation : ramasser les glands, les cynorrhodons, etc. On ne va pas plus loin. L'auteur évoque le début d'une réappropriation paysanne du territoire, il mentionne des semis de céréales, les élevages, mais ça ne dépasse pas le stade de l'évocation. C'est d'autant plus frappant que le roman ne dure que trois mois ! On ne voit même pas le village traverser l'hiver : tout l'aspect survie de la communauté semble beaucoup trop facile et sans aucune profondeur, et l'aspect paysannerie à long terme, qui aurait donné au roman un angle unique, est globalement absent. Au lieu de tels développements on a droit aux bavardages incessants et insignifiants de nos deux narrateurs, qui occupent l'essentiel du texte.