lundi 13 mai 2024

Le soulèvement des pigeons - Jesse Miller

Le soulèvement des pigeons - Jesse Miller

Une dystopie classique, dans la veine du Meilleur des mondes et d'Un bonheur insoutenable : tout le monde a ce qu'il faut pour vivre bien, mais la vie est très chiante sans liberté. Dans un Harlem futuriste, la population noire est parquée et traitée fort humainement, en un sens — mais bel et bien parquée. C'est très bref, ça fait moins de 100 pages, et l'auteur n'a pas le temps de prendre son temps : une petite émeute lancée par un pas content, et voilà nos quelques protagonistes projetés de l'autre côté du miroir.

Je m'interroge quand je lis, notamment en quatrième de couverture, que ce texte parlerait de « racisme systémique », puisque si l'oppression est bien racialisée, si je comprends bien — ce que je ne garantis pas car le texte manque de clarté sur le fond de l'affaire — il n'y pas de blancs qui oppressent des noirs, ou inversement : c'est juste que dans cette société de l'abondance, il n'y a quasiment plus besoin de travailler, alors des systèmes d'organisation sociale arbitrairement rigoureux ont été mis en place pour compenser cette destructuration du tissu social causée par la technique. Il y a des communautés blanches qui vivent exactement la même oppression artificielle que les noirs de Harlem, mais eux, blancs, artificiellement oppressés par des noirs. Pourquoi cette organisation est-elle arbitrairement racialisée ? Mystère. En fait, l'histoire marcherait exactement de la même façon s'il n'était pas question de couleur de peau : le racisme est un simple thème et non un pivot narratif.

De l'autre côté du miroir, il y a les rebelles créatifs, qui, ne pouvant se satisfaire de la passivité offerte par la fausse utopie, sont convertis et employés à être les cadres et gardiens du système — c'est un job stimulant. C'est un twist familier dont j'apprécie néanmoins le fond nihiliste : il n'y pas de méchant leader ni même de véritable système tout-puissant : l'oppressé devient l'oppresseur, avec le sourire et sans transition, parce qu'il n'y a rien de mieux à faire. Et la vie de l'oppresseur n'a pas non plus l'air de faire rêver, mais difficile à dire tant le récit est expéditif. C'est un texte trop bref et elliptique pour son propre bien, à la narration basique, mais il y a quand même suffisamment de chair pour y planter ses dents.

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