Si dans le chapitre précédent on pouvait parler de microévolution, l'évolution qui correspond au changement des fréquences alléliques dans le temps, il sera ici question de la macroévolution, l'évolution à grande échelle, qui dépasse le niveau de l'espèce.
LES CONDITIONS SUR LA TERRE PRIMITIVE ONT PERMIS L'APPARITION DE LA VIE
Les preuves directes de l'existence de la vie sur Terre remontent à 3,8 milliards d'années.
Observations et expériences en chimie, géologie et physique ont conduit au scénario suivant :
1. La synthèse abiotique (sans vie) et l'accumulation de petites molécules organiques comme les acides aminés et les bases azotées
2. La fusion de ces petites molécules pour former des macromolécules, notamment protéines et acides nucléiques.
3. L'agrégation de ces molécules en protocellules, des gouttelettes enveloppées d'une membrane préservant les différences chimiques entre le milieu interne et le milieu externe.
4. L'apparition de molécules capables d'autoréplication, rendant l'hérédité possible.
La Terre s'est formée il a environ 4,6 milliards d'années. Au cours du refroidissement suivant la fin des bombardements massifs il y a 3,9 milliards d'années, la condensation de la vapeur d'eau a pu commencer à former les océans. L'énergie nécessaire aux premières synthèses organiques dans ce milieu probablement réducteur (fournisseur d'électrons) aurait pu venir de la foudre ou d'intense rayonnement UV. Des expériences répliquant ces conditions primitives ont vu apparaitre des acides aminés et composés organiques en quelques jours.
D'autres théories avancent que le milieu n'était pas réducteur, mais même dans ce cas, des expériences en atmosphère "neutre" ont vu apparaitre des molécules organiques. Dans tous les cas, les volcans et les cheminées hydrothermales étaient des milieux réducteurs. Le fait est que la synthèse abiotique de molécules organiques peut se dérouler dans diverses conditions.
A propos du processus de formation de protocellules, il s'avère que des vésicules (petits sacs membraneux) peuvent se former spontanément quand des lipides ou d'autres molécules organiques sont mises en contact avec de l'eau : elles s'organisent en une bicouche semblable à celle d'une membrane cellulaire. Certaines matières minérales, comme l'argile montmorillonite, accélèrent l'assemblage des vésicules : elle fournit des surfaces sur lesquelles les molécules organiques adhèrent. Produites par voie abiotique, ces vésicules peuvent se reproduire spontanément et augmenter leur taille ; elles peuvent aussi être dotées d'une bicouche à perméabilité sélective et ainsi produire des réactions métaboliques en utilisant une source externe de réactifs, condition préalable à la vie.
Le premier matériel génétique a probablement été l'ARN. En laboratoire, la sélection naturelle a produit des ribozymes (ARN qui peuvent catalyser une réaction chimique spécifique) capables d'autoréplication.
A partir de là, la molécule d'ARN la plus capable de se répliquer engendrera un plus grand nombre de molécules ; parfois, une erreur de transcription donnera naissance à une molécule qui adoptera une forme encore plus apte à l'autoréplication.
Après l'apparition de séquences d'ARN porteuses d'information génétique dans les protocellules, l'ARN aurait pu fournir une matrice pour l'assemblage des nucléotides d'ADN. L'avantage de l'ADN bicaténaire (double brin), en tant que support de l'information génétique, est d'être beaucoup plus stable génétiquement que le fragile ARN monocaténaire (mono brin) et de se répliquer plus fidèlement.
LES ARCHIVES FOSSILES PERMETTENT D'ÉTABLIR LA CHRONOLOGIE DE LA VIE SUR TERRE
Les roches sédimentaires sont de loin les plus riches en fossiles. Les archives fossiles sont donc essentiellement basées sur l'ordre dans lequel les fossiles se sont accumulés dans ces couches sédimentaires appelées strates. D'autres types de fossiles sont par exemple les insectes piégés dans de l'ambre ou des mammifères piégés dans des sols gelés.
Évidemment, la grande majorité des organismes n'a pas été fossilisée. De plus, les archives fossiles sont biaisées envers les organismes ayant vécu sur de longues périodes et possédaient des structures favorisant la fossilisation (coquilles, carapaces, squelettes...).
L'ordre des strates rocheuses nous renseigne sur l'age relatif des fossiles qui s'y trouvent. Pour déterminer l'age réel d'un fossile, on utilise la datation radiométrique, basée sur la dégradation des isotopes radioactifs. Chaque type d'isotope radioactif a une demi-vie (temps nécessaire à la dégradation de 50 % de l'isotope parent) spécifique, immuable : 5730 ans pour le carbone 14 et 4,5 milliards d'années pour l'uranium 238 par exemple. Plus les fossiles sont anciens, plus il est difficile de les dater, car les organismes n'incorporent guère d'isotopes à demi-vie très longue, comme l'uranium 238. Il faut donc procéder par déduction en estimant l'âge des couches de roches volcaniques alentour, qui elles contiennent des isotopes utiles.
L'APPARITION DES ORGANISMES UNICELLULAIRES ET MULTICELLULAIRES
On trouve pages 583/4/5 des frises des temps géologiques associées aux principaux évènements du développement de la vie. Je ne prends en note que les plus gros de ces évènements :
- 4,9 Mrd : origine du système solaire et de la Terre
- 3,5 Mrd : preuves des premiers procaryotes
- 2,7 Mrd : oxygène atmosphérique
- 1,8 Mrd : eucaryotes unicellulaires
- 1,3 Mrd : eucaryotes multicellulaires
- 700 M : animaux
- 500 M : colonisation des milieux terrestres
- 2,5 M : Homo
La majeure partie de l'oxygène présente aujourd'hui dans l'atmosphère est d'origine biologique et provient de la scission de molécules d'eau pendant la photosynthèse. L'oxygène, sous diverses formes, peut s'attaquer aux liaisons chimiques, il peut inhiber les enzymes et attaquer les cellules. Son abondance soudaine a sûrement causé la disparition de nombreux groupes de procaryotes, dont certain ont survécu dans des habitats anaérobies.
Les eucaryotes, plus complexes, possédant une enveloppe nucléaire, des mitochondries, etc., seraient apparues par endosymbiose : une cellule procaryote aurait phagocyté une petite cellule qui serait devenue, au fil de l'évolution, un organite présent chez tous les eucaryotes, la mitochondrie. C'est un endosymbionte, une cellule qui vit à l'intérieur d'une autre cellule-hôte. L'interaction initiale aurait été une relation de prédation ou de parasitisme. Ce genre de phénomène (endosymbionte d'abord proie ou parasite devenu partie prenante d'une relation symbiotique) a été observé en laboratoire, et le changement peut s'effectuer en quelques années seulement.
Cette endosymbiose s'est probablement révélée utile dans un environnement devenu riche en oxygène, la symbiose avec une cellule sachant tirer profit de l'oxygène pouvant se révéler très utile à la cellule-hôte. Tous les eucaryotes ont des mitochondries ou au moins des traces génétiques de ces organites. En revanche, tous les eucaryotes ne sont pas pourvus de plastes (organite impliqué dans la photosynthèse). Donc, selon l'hypothèse de l'endosymbiose en série, les mitochondries seraient apparues avant les plastes.
Une autre vague de diversification a suivi : la multicellularité. Notons que les premiers eucaryotes multicellulaires sont bien plus primitifs que les animaux, qui n'apparaissent que des centaines de millions d'années plus tard.
Le phénomène connu sous le nom d'explosion du Cambrien, il y a environ 530 millions d'années, indique une grande diversification du monde animal, même si existaient déjà les ancêtres des éponges, méduses, mollusques... Il semble que ce soit à ce moment que sont apparus les grands prédateurs, se nourrissant d'autres animaux de grande taille, qui étaient essentiellement herbivores auparavant. Cela aurait été la cause d'une course aux armements entre proies et prédateurs, avec notamment l'apparition d'organes défensifs et offensifs.
Des fossiles prouvent que des procaryotes photosynthétiques recouvraient les surfaces terrestres humides il y a déjà 1 milliard d'années. La colonisation des milieux terrestres par les organismes macroscopiques commence il y a environ 500 millions d'années. Les végétaux semblent avoir colonisé les milieux terrestres en compagnie des eumycètes. Les arthropodes ont été parmi les premiers animaux à coloniser la terre ferme, puis les tétrapodes (à quatre pattes).
L'ASCENSION ET LE DÉCLIN DES GROUPES D'ORGANISMES REFLÈTENT LES TAUX DE SPÉCIATION ET D'EXTINCTION
La dérive des continents favorise l'extinction et la spéciation en changeant continuellement l'environnement des organismes (climat, géographie, etc.). Des populations peuvent se retrouver séparées par la séparation des continents ou mises en contact par leur rapprochement.
La très vaste majorité des espèces un jour présentes sur Terre sont maintenant éteintes. A certains moments, des perturbations environnementales d'échelle planétaire ont causé des extinctions massives.
Les archives fossiles révèlent 5 extinctions massives majeures depuis 500 millions d'années. Au moins 50 % des espèces marines ont disparu au cours de ces extinctions.
L'extinction massive du Permien, peut-être la plus brutale jusque-là, s'est déroulée sur une période couvrant seulement moins de 500 000 ans. Huit ordres d'insectes sur 27 ont été éliminés. Elle s'est produite durant la période d'activité volcanique la plus intense en 500 MA, qui aurait causé de fortes émissions de CO2, donc une massive augmentation de la température et une acidification brutale des océans.
La sixième extinction massive est en cours.
En éliminant autant d'espèces, les extinctions massives peuvent déclencher des radiances adaptatives permettant à de nouveaux organismes de proliférer. Globalement, la diversité de la vie s'est accrue depuis 250 MA. Cet accroissement a été alimenté par des périodes de changements évolutifs durant lesquels des groupes d'organismes engendrent de nouvelles espèces dotées d'adaptations qui leur permettent d'occuper des niches écologiques différentes. Chacune des extinctions massive a été suivie d'une intense radiance adaptative. Ces radiances adaptatives peuvent aussi avoir lieu quand des groupes d'organismes expérimentent de grandes innovations évolutives, comme l'apparition de graines ou des carapaces, ou qui ont colonisé des régions avec peu de concurrence d'autres espèces (comme des îles, par exemple Hawaï).
Par exemple, les mammifères ont subi une radiance adaptative considérable après l'extinction des dinosaures terrestres. Avant 66 MA, les mammifères étaient petits et peu différenciés morphologiquement, souvent nocturnes. Ils se sont adaptés pour remplir les rôles écologiques auparavant tenus par les dinosaures.
DES VARIATIONS DANS LA SÉQUENCE OU LA RÉGULATION DE GÈNES DÉVELOPPEMENTAUX PEUVENT ENTRAINER DES MODIFICATIONS MORPHOLOGIQUES MAJEURES
L'hétérochronie est un changement concernant la vitesse ou la synchronisation des étapes du développement. Par exemple, il suffit de modifier légèrement les vitesses de croissance des diverses parties de l'organisme pour changer considérablement la forme de l'adulte. Chez la chauve-souris, notamment, la formation des ailes se fait accélération de la croissance des os des doigts. De même chez la baleine, chez laquelle la croissance des os des jambes est fortement ralentie.
Des changements évolutifs substantiels peuvent aussi résulter de modifications dans les gènes qui régissent l'organisation spatiale des diverses parties du corps. Par exemple, les gènes homéotiques déterminent l'emplacement des membres.
Les changements morphologiques des organismes résultent souvent de mutations qui modifient la régulation des gènes développementaux, et non de leurs séquences.
L'ÉVOLUTION NE POURSUIT AUCUN OBJECTIF
Je ne prends pas de notes particulières sur cette partie du chapitre. L'intégralité de ce qui précède dans le Campbell témoigne de ce fait. Voir aussi les livres de Richard Dawkins, notamment l'Horloger Aveugle, dont c'est le sujet central.
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