Note : Je suis toujours aussi captivé et stupéfait par les mécanismes de l'évolution, les rouages de la vie à travers le temps et l'espace. Quoi de plus remarquable ? Il y a dans les 20 pages de ce chapitre de quoi renverser des citadelles mentales.
L'évolution agit à l'échelle des populations, pas des individus. Face aux changements du milieu (entre autres facteurs), la proportion d'individus présentant certains traits varie au sein d'une population.
LA VARIATION GÉNÉTIQUE REND L'ÉVOLUTION POSSIBLE
Quelle que soit l'espèce, les traits phénotypiques varient d'un individu à l'autre. Ces disparités individuelles reflètent souvent la variation génétique.
Comment savoir quelle est la variation génétique entre individus ? On mesure le pourcentage moyen de locus hétérozygotes. Par exemple, la drosophile est en moyenne hétérozygote pour 14% de ses locus, ce qui est très élevé. Pour les humains, 0,1%.
- hétérozygote : deux allèles différents pour un locus donné
- homozygote : deux allèles identiques pour un locus donné
Mesurer la variation sur le plan moléculaire (diversité des nucléotides) est peu pertinent car ces différences sont peu liées à des différences phénotypiques, car beaucoup d'entre elles sont à l'intérieur des introns, les fragments d'ADN non codants.
Certaines variations phénotypiques ne sont pas issues de différences génétiques entre individus, mais par des différences de milieu. Il y a des cas extrêmes, avec certaines chenilles dont l'apparence est affectée par ce qu'elles mangent afin d'avoir un camouflage approprié à leur milieu du moment, mais chez les humains on peut penser au bronzage ou au bodybuilding.
La diversité génétique sur laquelle repose l'évolution résulte de mutations, de duplications génétiques ou d'autres processus qui produisent de nouveaux allèles et gènes. La reproduction sexuée est aussi une occasion de variation génétique quand les gènes existants se recombinent.
Une mutation est un changement dans la séquence de nucléotides de l'ADN d'un organisme. Une mutation infime peut avoir un effet considérable sur l'organisme. La plupart des mutations sont dommageables. Parfois, la sélection naturelle fait que ces allèles nuisibles disparaissent rapidement. Chez les organismes diploïdes (c'est-à-dire que les chromosomes sont présents par paires, par exemple 46 chromosomes organisés en 23 paires chez les humains), les allèles nuisibles peuvent se maintenir et se propager chez les individus hétérozygotes, car un allèle dominant plus favorable peut masquer les effets de l'allèle nuisible. C'est aussi un réservoir d'allèles qui peuvent se révéler adaptées si le milieu change.
Beaucoup de mutations ne sont pas nuisibles : les mutations ponctuelles dans des régions non codantes donnent généralement lieu à des variations neutres.
Notons que chez les organismes multicellulaires, seules les mutations de lignées cellulaires produisant des gamètes transmissibles peuvent se transmettre aux descendants. Chez la majorité des animaux, la plupart des mutations se produisent dans des cellules somatiques (cellules non reproductives) et disparaissent à la mort de l'individu.
La duplication des gènes causée par des erreurs au cours de la méiose (ou autres facteurs) sont d'importantes sources de variation. Les duplications qui n'ont pas d'effet grave peuvent se maintenir, permettant aux mutations de s'accumuler au fil du temps. Il en résulte un génome plus grand, dont les nouveaux gènes peuvent avoir de nouvelles fonctions. Par exemple, les ancêtres lointains des mammifères avaient un seul gène olfactif ; aujourd'hui, les humains en ont 380 et les souris 1200.
Le taux de mutation n'est pas le seul facteur : comptent aussi la vitesse de reproduction, c'est-à-dire le nombre de générations en un temps donné.
Et, bien sûr, la reproduction sexuée est un facteur important de brassage génétique.
L'ÉQUATION DE HARDY-WEINBERG PERMET DE VÉRIFIER SI UNE POPULATION ÉVOLUE
Une population se définit comme un groupe d'individus d'une même espèce qui vivent dans la même zone, se reproduisent et engendrent une descendance féconde. Des populations d'une même espèce peuvent se retrouver assez isolées les unes des autres.
Dans une population qui n'évolue pas, les fréquences alléliques et génotypiques restent constantes de génération en génération (en gros) : c'est l'équilibre de Hardy-Weinberg. Je passe sur les calculs. C'est comme un jeu de carte : on a beau le mélanger, il reste le même.
Cet équilibre dépend de 5 conditions, qui sont bien rarement réunies dans la nature :
- Il n'y a pas de mutations.
- L'accouplement se fait de manière aléatoire.
- Il n'y a pas de sélection naturelle.
- La taille de la population est extrêmement grande.
- Il n'y a pas de flux génétique (le retrait ou l'ajout d'allèles dans une population).
Il est donc rare que cet équilibre touche une population, en revanche, il est fréquent qu'il touche des gènes précis.
LA SÉLECTION NATURELLE, LA DÉRIVE GÉNÉTIQUE ET LE FLUX GÉNÉTIQUE PEUVENT MODIFIER LES FRÉQUENCES ALLÉLIQUES D'UNE POPULATION
La sélection naturelle repose sur le succès différentiel de survie et de reproduction. Les individus d'une population présentent des variations dans leurs caractères héréditaires ; ceux qui sont dotés des variations les mieux adaptées à l'environnement ont tendance à laisser une descendance plus nombreuse que les autres. Génétiquement : certains allèles se transmettent à la génération suivante dans des proportions qui diffèrent de celles de la génération parentale. La sélection naturelle entraine une évolution adaptative.
Des phénomènes aléatoires peuvent faire fluctuer la fréquence allélique de manière imprévisible d'une génération à l'autre, en particulier dans les petites populations : c'est la dérive génétique. Elle peut avoir des effets considérables tout n'étant que pur hasard. Deux cas spécifiques de dérive génétique :
→ L'effet fondateur : Par exemple quand des graines d'une population de végétaux se retrouvent sur une île après une tempête. Entre celles qui retrouvent dans l'océan et la minorité qui trouve une nouvelle terre, c'est du hasard.
→ Le goulot d'étrangement : Par exemple, un changement environnemental soudain, comme un incendie ou une inondation, peut réduire brutalement et drastiquement la taille d'une population, et ainsi sélectionner des allèles par pur hasard.
Le flux génétique est l'échange d'allèles entre différentes populations en raison de la migration d'individus fertiles ou de leurs gamètes. Un flux génétique important peut fondre deux populations en une. Un flux génétique entre deux populations peut aussi maintenir partiellement des traits non adaptés au milieu d'une des populations par simple apport d'allèles venues de l'autre population.
LA SÉLECTION NATURELLE EST LE SEUL MÉCANISME QUI ENTRAINE UNE ÉVOLUTION ADAPTATIVE CONSTANTE
Le hasard intervient dans l'apparition de nouvelles variations génétiques (comme les mutations), et le tri entre en jeu quand la sélection naturelle favorise certains allèles plutôt que d'autres. Le résultat de ce processus n'est pas aléatoire, il est adaptatif.
Dans un environnement donné, certains caractères peuvent accroitre la valeur d'adaptation, c'est-à-dire la contribution d'un individu au patrimoine génétique de la génération suivante par rapport à la contribution d'autres individus. La sélection agit directement sur le phénotype et donc indirectement sur le génotype.
On distingue 3 "modes" de sélection naturelle :
- La sélection directionnelle : modifie la composition générale d'une population en favorisant les phénotypes situés à une seule extrémité de la distribution (par exemple sélectionner les individus les plus foncés car ils se camouflent mieux).
- La sélection divergente : favorise les deux phénotypes extrêmes (par exemple sélectionner les individus les plus foncés ET les individus les plus sombres car ils sont plus adaptés à deux niches spécifiques du milieu que les individus intermédiaires).
- La sélection stabilisante : elle élimine les phénotypes extrêmes (par exemple élimine les individus plus clairs ou plus foncés car les individus de couleur intermédiaire se camouflent mieux dans le milieu)
La sélection sexuelle peut donner lieu au dimorphisme sexuel, qui s'exprime par des différences marquées dans les caractères sexuels secondaires des mâles et femelles d'une même espèce.
- La sélection intrasexuelle est la sélection qui a lieu entre les individus de même sexe et qui passe par la concurrence directe pour gagner les faveurs d'un partenaire de sexe opposé. Par exemple, chez un certain nombre d'espèces, un mâle seul jouit du privilège reproductif avec un groupe de femelles. Pour défendre ce statut, il doit combattre d'autres mâles, se livrer à des parades nuptiales, etc.
- La sélection intersexuelle passe par une prédilection qu'ont les partenaires d'un des deux sexes (généralement les femelles) pour les potentiels partenaires de sexe opposé. Dans de nombreux cas, il semble que les femelles préfèrent les mâles aux traits les plus éclatants et aux comportements les plus impressionnants. Ainsi des caractères sexuels secondaires peuvent avoir une valeur d'adaptation négative (plumage chatoyant, etc.) mais si les femelles préfèrent ce trait, ce trait sera sélectionné en priorité, jusqu'à un certain point. Globalement, les femelles préfèrent chez les mâles les traits corrélés à une valeur d'adaptation positive.
Dans la sélection selon la fréquence, la valeur d'adaptation des individus ayant un phénotype particulier diminue si elle est trop répandue dans la population. Par exemple, des poissons qui mangent les écailles d'autres poissons, et dont la bouche est adaptée à un seul côté d'attaque, droite ou gauche : si l'un ou l'autre devient trop fréquent, les proies s'adaptent, ce qui réduit le succès reproductif du "côté" le plus courant et favorise l'autre, ceci dans une perpétuelle fluctuation stabilisatrice (Perissodus microlepis).
Si un phénotype hétérozygote est différent et avantageux par rapport aux phénotypes homozygotes, il peut y avoir un avantage hétérozygote. Pages 548/9 est développé l'exemple du lien entre l'anémie à hématies falciformes et le paludisme. En gros, les homozygotes porteurs de deux allèles de la leucémie sont fortement désavantagés (car gravement malades), mais les hétérozygotes porteurs d'un seul allèle de la leucémie sont avantagés par rapport aux deux types d'homozygotes (100% leucémie ou 0% leucémie) car un seul allèle donne un avantage contre le paludisme. C'est pourquoi cet allèle est si fréquent tout en étant responsable d'une maladie mortelle.
Pourquoi la sélection naturelle ne peut produire des organismes "parfaits" ?
- La sélection naturelle ne peut que modifier la proportion des variations existantes. Les nouveaux allèles avantageux apparaissent par hasard.
- L'évolution est limitée par des contraintes historiques. L'évolution ne peut se débarrasser par exemple d'une anatomie ancestrale. Elle travaille à partir de structures existantes.
- De nombreuses adaptations sont des compromis. Chaque organisme exerce des activités diverses qui sont en contradiction les unes avec les autres.
- Le hasard, la sélection naturelle et l'environnement entrent en interaction.
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