Munch - Sun |
Je n'écris plus vraiment. Ce petit poème agressif date de l'automne 2021. Pour d'autres textes rimés qui explorent des thèmes parfois moins morbides, voir Poèmes III, Brouillard, Poèmes II et Poèmes.
Logorrhée
Cette fois pas le moindre charnier
Peu d’explosions et pas de tranchées
L’atome muselé s’ensauvage, incivil
Et pour oublier on fuit les villes
C’est juste les profs qu’on décapite
Le futur est rongé par les mites
De la religion, du marché et du fric
La puanteur monte, mais aucun déclic
Au chevet de ma grand-mère mourante
J’ai vu les traits d’Europe expirante
Les vieillards sont rangés au placard
Comme l’avenir de nous autres crevards
Pas besoin d’être facho pour voir le crépuscule
Qui tombe sur la termitière des homoncules
Quand encore un prof démissionne
Je sais pas vous, mais ça m’chiffonne
Putain d’algorithme angélique
Enchaîné à ton lien vassalique
C’est pas qu’je sois un luddite
Mais j’les sens traîtres tes exabits
Les milliardaires s’en mettent plein les couilles
Des megayachts pour se transhumaniser la nouille
Ils fantasment comme des tarés sur l’espace
Où ils s’imaginent fuir leur propre chiasse
Pour nous reste que l’angoisse
Les pieds englués dans la mélasse
Cormorans en pleine marée noire
Même plus soif, y en a trop marre
Le bruit des bagnoles en déroute
Sur la terrasse c’est toujours l’autoroute
Bulle de métal pour cerveau épuisé
Allez, j’vais ramasser des lactaires poivrés
La haine ça se sublime
Avec un p’tit rime
Logorrhée apocryphe
Sur un riff explosif
Je comptais ne publier que celui-ci, mais je me suis ensuite rendu compte que dans mes cartons virtuels traînaient encore quelques textes qui, bien que branlants et boiteux, méritent peut-être d'être postés ici avant que je ne les oublie complètement.
Pour ne pas flancher
Un coup de vent annonciateur
Effleure ma peau privilégiée
Et à mes sens épargnés
Donne un avant-goût de la peur
Il y a dans l'indicible
Une certitude écrasante
Une avalanche sur la pente
C'est la peur — ou le risible
Pour ne pas flancher
On se pare d'un sourire
Accompagné d'un air de lyre
Et d'un cynisme aiguisé
On dénigre le réel
Pour ne pas flancher
On s'illusionne en affligés
Et on vérifie avec soin ses selles
On est fasciné par les égarés
On rit, on pleure, on croit
On se crée, on s'imagine un moi
Pour ne pas imploser
J'ai confusément entendu dire
Que certains se laissent aller
Malgré tout sans flancher
Ni croire en rien — le rien en ligne de mire
05/05/21
Insanité
Il serait si facile de faire rimer croyance
Avec démence
Donc je vais me contenter de déblatérer des
Insanités
Hélas le liquide noir commence à s’assécher
Je dois hâter
Mes vers pour ne pas tomber à cours de quintessence
Triste essence
Je bois beaucoup mais trop peu pour être créatif
Trop apocryphe
Pour que l’alcool comble ce rien qui crève la faim
Juste malsain
Peut-être devrais-je compenser comme mon père
Désolé, mère
Promis, je ne me tuerai pas avant que tu meures
J’ai peur, j’ai peur
Il serait si facile de faire rimer croyance
Avec démence
J’en sais trop pour déblatérer ces insanités
Si essoufflées
05/07/21
Sans cause
Ce n’est pas dans ma têteC’est dans la matière et ses trous
Où à chaque pas le monstre guette
Éparpillement entouré de ses flûtistes fous
Ce n’est pas que dans ma tête
Que résonnent ces échos assourdissants
Cyclone qui me soulève comme une miette
Et d’un coup de vent anéantit mes tympans
Ce n’est pas mon imagination
Qui fait naître ce hurlement lointain
Symphonie du bois, du métal et du béton
Car toute substance exacerbe la même faim
Les écrans sont de plus en plus fins
Et mes yeux de plus en plus malades
Les pixels exponentiels ne comblent pas cette faim
Par leur furie de chimériques accolades
L’infini sous les pupilles
Et un mur sous le scalp
Ma raison est un sac de billes
Qui dégringole un pic des Alpes
Là où il n’y a rien
On met quelque-chose
C'est un instinct
Sans cause
05/07/21
Dragon
Il y a un dragon qui rêve, je rêve
Sous le béton, sous le goudron
Il y a un dragon qui dort, ma sève
Le réel, sous l’hallucination
Un riff, marteau-piqueur
Un métro là où il fallait pas
Moi, j’ai même pas peur
Un métro de plus il fallait pas
La ville brûle d’une flamme ancienne
Feu de joie, sortez les patates
Ville ou flamme, l’une est malsaine
La reine attaque, c’est mat
Battement d’aile dans les oreilles
Je lève la tête — là-haut un dieu
Peau de roche couleur de miel
Voilà qui fait sourire mes yeux
La chose mange, elle est frugale
Oh non, pas de problèmes éthiques
C’est nous qui avions la fringale
Avant ce remède deutéronomique
Là dans mon village abandonné
Là où trônait mon joli verger
Tas de cendre, très chrétien
C’est la fin, mais c’est rien
7/10/21
Rétrospective
Avant internet,
L'alcool.
Avant l'alcool,
L'instinct.
04/01/20
Je ne vous connaissais pas cette verve vengeresse ! C'est bien envoyé ! Ce balancement entre langage malmené et lexique rare et soutenu est intéressant. Cela me fait penser à Jehan Rictus, l'auteur des "Soliloques du pauvre", un poète en guenilles qui vitupérait contre son époque à la fin du dix-neuvième siècle. Léon Bloy l'appelait "le rossignol à la langue pourrie."
RépondreSupprimerBref, continuez d'écrire, et pour ça, rien de tel qu'une bonne rasade de poèmes !
Merci ! Je ne connaissais pas Jehan Rictus et ses guenilles, d'ailleurs son nom me semblait trop beau pour être vrai, et en effet, c'est bien un pseudo. Qui sait, d'autres rasades s'imposeront peut-être
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