samedi 2 mai 2020
Un héros de notre temps - Lermontov
Un héros de notre temps (1840), écrit par Lermontov alors qu'il n'avait guère plus de 22 ans, est un roman composé de plusieurs nouvelles inégales. Dans l'ensemble, c'est une étude de caractère, celui de Grushnitsk, jeune officier russe envoyé dans le Caucase. Représentant d'un certain courant qui traversait l'époque, Grushnitski est ce que j’appellerais un nihiliste léger, c'est-à-dire qu'il manque d'ancrage et ne prend pas la vie très au sérieux. Il est intelligent, charmant, il présente bien, mais l'ennui le frappe dès qu'il reste trop longtemps au même endroit, et s'il aime les femmes, la simple idée du mariage suffit à étouffer tout l'amour qu'il pourrait éprouver. Ainsi il devient un errant blasé et cynique, croquant la vie avec plaisir, mais par bouchées anarchiques et éparses tant il est susceptible à l'indigestion. Dans sa quête de distractions, il ne trouve pas grand chose d'autre que de vagues amours passagers, et la société humaine est pour lui l'occasion de simples jeux, des jeux de vie ou de mort peut-être, mais des jeux tout de même. Ainsi, bien que puissamment vivant, il reste perpétuellement frustré par sa trop grande capacité d'adaptation qui fait toujours renaitre l'ennui.
Les deux premières nouvelles sont contées par un autre personnage. La première se déroule au cœur du Caucase et c'est sans doute celle qui dépeint Grushnitski de la façon la plus antipathique : il manigance l'enlèvement d'une jeune et jolie autochtone dont il se lassera rapidement. Notons qu'apparemment, chez les officiers russes, il était toléré d'enlever les jeunes filles du voisinage. La seconde nouvelle, très courte, s’intéresse plus à un personnage secondaire, un vieil officier qui croyait avoir en Grushnitski un ami avant de réaliser qu'il n'est qu'un poids pour cet homme coup de vent. Ensuite, Grushnitski devient narrateur. Après une nouvelle qui semble vraiment hors-sujet, on passe à celle qui est de loin la plus longue et la plus intéressante du lot : La princesse Marie. Dans un cadre hautement classique, une station thermale, Grushnitski tue l'ennui en jouant avec ses prochains. L’ambiguïté de ses sentiments est subtile : ce n'est pas un pervers narcissique, loin de là, ses élans sont souvent réels et il donne l'occasion à ses victimes de se retirer du jeu social sans trop de dommages, mais les autres sont plus faibles, plus sensibles, plus fragiles, et ne s'en sortent pas si aisément que lui. La dernière nouvelle, à nouveau courte, se penche sans grand succès sur l'idée de destin. Si Un héros de notre temps est inégal, je reconnais à Lermontov un réel talent d'écrivain psychologue, et c'est sans compter sur son écriture, qui sait nous bercer même dans les passages les moins percutants.
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