lundi 9 décembre 2019

La Chose dans les algues - William Hope Hodgson


La Chose dans les algues - William Hope Hodgson

Ce recueil, dont j'aime particulièrement la couverture, recèle diverses nouvelles de William Hope Hodgson, l'auteur de La Maison au bord du monde. Les meilleures du recueil sont certainement L’Épave et La Voix dans la nuit, ce sont d'ailleurs les deux nouvelles (lues en VO par ici) qui m'ont convaincu d'explorer l’œuvre de Hodgson plus en détail. On trouve à la fin du bouquin deux courtes aventures de Carnacki, enquêteur du surnaturel, mais j'avoue ne même pas être allé au bout de la première. Ceci dit, il y a du bon là-dedans, mais du passable aussi. D'autres nouvelles maritimes dans L'Horreur tropicale.

Les Chevaux marins (The Sea Horses) ouvre le bal en opposition totale au ton annoncé par la couverture. Loin de toute créature tentaculaire, un jeune garçon habite chez son grand-père qui lui raconte histoires extraordinaires sur les chevaux marins. Le garçon se prend au jeu, d'autant plus que le grand-père lui construit un charmant petit cheval marin en bois. Pour fuir une épidémie, ils vont se réfugier sur le bateau du grand-père, qui est plongeur. Le gamin, vraiment, se prend trop au jeu... Une nouvelle étonnante par sa sensibilité. Le gamin est franchement un sale gosse, le grand-père est renfrogné et pas bavard, mais ils sont très humains et leur relation parait naturelle. On est face à l'enfance et à la puissance des histoires, l'imagination pouvant encore prendre le pas sur la réalité. J'aurais aimé savoir pourquoi le grand-père est sous-marinier (mais qu'est-ce qu'il fait pendant tout ce temps sous l'eau ?!) et la fin est un peu too much. Ceci dit, Hodgson déploie là un talent inattendu de conteur. La fin, très sombre, est ponctuée par une vision chrétienne de l'après-vie que j'interprète comme n'étant que les hallucinations d'un grand-père déchiré par la douleur et affaibli et son activité sous-marine immodéré. À mes yeux Hogson ne peut qu'être matérialiste, ce qui rend cette fin d'autant plus habile de sa part : il écrit les croyances de son personnage tout en s'en distançant.

La nouvelle éponyme, La Chose dans les algues (The Thing in the Weeds, 1912), revient aux tentacules auxquels on s'attend. Mais sa forme est étonnamment moderne : on a vraiment l'impression de retrouver la structure d'un bon film de monstre à la Alien. Dans la mer des Sargasses, un navire se fait comme d'habitude attaquer par un vil poulpe géant, mais cette fois le ton est tout en retenue. Pendant la majeure partie du récit, on ne voit pas le monstre, c'est une forme vague qui rôde dans les ténèbres, on le devine, on le sent, on l'entend, il crée la terreur, mais impossible d'être certain de quoi que ce soit. Dommage que la fin ne parvienne pas à parachever cette montée de la tension, mais j'ai beaucoup apprécié cette nouvelle qui ressemble à un prototype bien foutu du genre "film d'horreur à monstre".

De la mer immobile (From the Tideless Sea, 1906) est, je crois, la première nouvelle de Hodgson à mettre en scène la mer des Sargasses. On retrouve donc des ingrédients familiers, algues et poulpes, et si la narration parvient à mettre en scène une certaine tension, Hodgson a fait mieux par la suite. Reste la bonne idée de ce pauvre couple bloqué pendant des années dans la mer des Sargasses. Le Cinquième message (From the Tideless Sea Part Two: Further News of the Homebird, 1907) en est la suite directe, et si on pouvait espérer un développement de cette situation, c'est plutôt décevant : la narrateur est toujours bloqué sur le navire avec sa femme et sa jeune fille, mais il ne se passe rien d'autre qu'un jeu de cache-cache avec un énième monstre qui n'a rien d'unique à offrir.

Dans L'Île de Ud (The Island of the Ud, 1912), on passe à se la chasse au trésor. Les deux personnages, un capitaine alcoolique et violent et un jeune mousse, ne font pas oublier la banalité de l'aventure : ile mystérieuse, autochtones agressifs et plus ou moins bestiaux, jolie jeune femme sacrifiée à un crabe géant... Bof bof. L'Aventure au promontoire (The Adventure of the Headland, 1912) reprend les mêmes personnages et la même structure avec un peu plus de succès. L'accent est vraiment mit sur la relation entre le capitaine lunatique et le mousse débrouillard, qui passent leur temps à se chamailler, même pourchassés.

Le Mystère de l'épave (The Mystery of the Derelict, 1907) est une nouvelle variation sur la mer des Sargasses. Épave et rats géants. Parfaitement oubliable. Par contre, Le Dernier voyage du Shamraken (The Shamraken Homeward-Bounder) revient à une sensibilité qui rappelle la première nouvelle de ce recueil. Le Shamraken est un antique navire avec un équipage tout aussi antique : le mousse a 55 ans et tous les autres sont encore plus vieux. Ils font leur dernier voyage et ils s'inquiètent pour la retraite forcée qui les attend : après tout, la navigation est toute leur vie, il n'y rien pour eux à terre. Mais voilà qu'un étrange brouillard se lève, une ambiance mystique tombe sur le navire, d'autres phénomènes étranges se montrent : les vieux marins, rendus larmoyants par l'émotion, sont persuadés d'être devant les portes du paradis. Eh non : ce n'était que le début d'un typhon. Alors ils meurent tous, mais pas de signe du paradis. Un excellent petit récit, drôle et touchant

Le Bateau de pierre (The Stone Ship) semble tout d'abord être une énième aventure maritime : une étrange épave, de méchants monstres... La nouvelle prend du temps à décoller, mais on se rend bientôt compte qu'on est dans une veine différente qui commence à me sembler récurrente chez Hodgson : la puissance de l'imagination humaine. En effet, par la suite, tous les évènements sont expliqués rationnellement : le navire de pierre était en fait une vieille épave minéralisée remontée par un glissement de terrain sous-marin, les hommes de pierre n'étaient que des cadavres minéralisés mais recouverts par des limaces de mer qui donnaient une impression de mouvement... Et j'ai vraiment l'impression de voir comment Lovecraft a pu en tirer des leçons. Après tout, il aime bien les antiquités surgies du fond des mers par des glissements de terrain (Dagon, L'Appel de Cthulhu) et chez lui aussi ces choses étranges s'expliquent rationnellement. Hélas, retour à du plus que médiocre avec  L'Équipage du Lancing (The Crew of the Lancing). Il y a une éruption volcanique sous-marine, seul point intéressant, mais Hodgson n'en fait rien : navire hanté, vils montres et ennui. Les Habitants de l'îlot du milieu (The Habitants of Middle Islet) bouscule un peu la formule et parvient à instaurer une véritable curiosité et une tension habile autour d'un navire bizarrement abandonné, mais il manque une conclusion efficace. Le Monstre de l'île aux algues (The Voice in the Dawn) est une énième visite de la mer des Sargasse particulièrement dénuée d'intérêt.

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