Kumataro Ito |
William Hope Hodgson est notamment l'auteur du bizarre et tout à fait recommandable La Maison au bord du monde, mais aussi des Pirates fantômes, qui ne m'a pas laissé le moindre souvenir. Par contre, sa courte nouvelle The Voice in the Night (1907) est particulièrement brillante. Par une nuit noire, sur un petit bateau de pêche (Hodgson adore les cadres marins) le narrateur entend une voix. C'est un homme sur une petite barque qui refuse qu'on l'éclaire et qui demande poliment un peu de nourriture. Le narrateur et son pote ont pitié de cet être étrange, notamment quand il mentionne sa dulcinée qui a faim sur leur petite île de naufragés. Bien sûr, il y a du louche, et l'homme va revenir raconter son histoire à ses bienfaiteurs. L'amorce est extrêmement classique : le naufrage, le navire abandonné et l'île mystérieuse. Mais ici, l'horreur ne vient pas d'un monstre et d'une menace de mort violence, c'est beaucoup plus insidieux. La navire et l'île sont infestés d'une sorte de moisissure vorace qui, on s'en doute, ne va pas tarder à réclamer les deux naufragés. La corruption progressive mais certaine de l'environnement puis des corps est mille fois plus dérangeante qu'un monstre quelconque et on sent l'influence que cette nouvelle a pu (peut-être) avoir sur Lovecraft, chez qui la décadence physique est un thème récurrent, notamment dans The Thing on the Doorstep ou The Case of Charles Dexter Ward. La chute, ici, n'est pas une prétendue révélation, mais un coup d’œil concret sur ce que le narrateur et le lecteur ont appris dans le noir. On peut bien parler d'horreur cosmique, tant la menace est une chose insaisissable, implacable, sans doute dénuée de volonté, qui détruit l'humain d'une manière mécanique.
The Derelict (1912) pourrait presque être considéré comme une suite. Encore une fois, un récit marin. Un vieux docteur raconte une aventure de sa jeunesse pour justifier son point de vue matérialiste :
And, anyway, the thing I'm going to tell you won't explain the mystery of life, but only give you one of my pegs on which I hang my feeling that life is as I have said, a force made manifest through conditions — that is to say, natural chemistry — and that it can take for its purpose and need, the most incredible and unlikely matter; for without matter it cannot come into existence — it cannot become manifest.Après une tempête, son navire croise une épave flottante. Bien sûr, une petite expédition se monte : le capitaine, le second, le narrateur et quelques autres décident d'aller farfouiller dans la ruine, qui se révèle être entourée d'une sorte de mélasse liquide qui se fait de plus en plus collante alors que la barque des explorateurs s'approche. Une fois à bord, tout le navire semble recouvert d'une étrange moisissure. L'investigation se poursuit jusqu'à la révélation progressive que l'épave est vivante : c'est une créature qui, à la manière d'une plante carnivore, attire ses proies en se faisant belle. La tension monte, monte, monte, c'est habile, même si le vocabulaire marin très spécifique rend la compréhension parfois un peu difficile. Puis quand la vérité éclate dans l'esprit des humains pris au piège, que la chose s'éveille et commence à digérer leurs pieds, le rythme explose brutalement. Vraiment, c'est excellent. C'est, à la manière de Lovecraft, plus de la science-fiction que du fantastique : rien de vraiment inexplicable, juste une forme de vie inconnue, froidement hostile et radicalement incompréhensible.
Liens Wikisource vers The Voice in the Night et The Derelict.
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