dimanche 15 décembre 2019
Dark Gods - T.E.D. Klein
T.E.D. Klein a fait sa thèse sur Lovecraft, qui est décidément incontournable. Klein n'a que peu écrit et Dark Gods, publié en 1985, regroupe quatre grosses nouvelles. L'ensemble mérite le coup d’œil : Klein sait écrire et sa grande force se trouve souvent dans l'étoffement de ses personnages.
La première nouvelle, Petey, se déroule dans un cadre classique : un grande maison un peu sinistre dans un endroit paumé. Mais ce cadre est utilisé d'une façon inventive : les propriétaires donnent une soirée avec une trentaine de personnes, essentiellement des couples plus qu'aisés dont les hommes travaillent dans la finance et les femmes s'occupent de décoration intérieure. Klein arrive à donner rapidement de la personnalité à sa nuée de personnages, et on apprend notamment, au bout d'un moment, que les heureux propriétaires ont acquis leur bâtisse d'une façon peu honorable. L'ancien propriétaire était un homme bizarre. Toute la nouvelle est en fait une longue accumulation d'indices qui laissent entrevoir le dénouement sanglant, et le lecteur ne manque pas de sourire, car il voir ce à quoi les personnages restent aveugles. La technique est maniée avec doigté : au bout d'un moment, l'accumulation de signes annonciateurs devient si colossale, si ridiculement évidente, que j'en suis venu à me dire que l'auteur ne pouvait se permettre une telle libéralité que s'il faisait une fin très ouverte. Avec une telle tonne d'indices, toute conclusion sanglante ne pourrait être qu'évidente et plate. Et j'avais bien vu : la fin est en queue de poisson. Ainsi la nouvelle dépasse son postulat classique de maison hantée par un monstre grâce à une forme narrative plus recherchée.
Si Petey était une entrée en matière tout à fait sympathique, le niveau monte d'un cran avec Children of the Kingdom. Dans un New York qui suinte la misère, la violence et la peur, la narrateur cherche une maison de retraite appropriée pour son grand-père. Le grand-père s'adapte sans souci à sa nouvelle vie et, malgré le caractère peu fréquentable du quartier, il passe ses journées à l'extérieur à papoter avec une mama noire et un vieux latino qui se prétend prêtre et a écrit un obscur bouquin révisionniste sur les origines de l'homme. Il défend l'existence d'une autre race, maudite par Dieu, qui aurait chassé les hommes originels de l’éden. En parallèle, des événement étranges se produisent dans la mégalopole. Il y a des rumeurs sur d'étranges hommes à la peau pâle, sans visage, qui malgré leur absence de sexe humain rôdent à la recherche de femmes vulnérables. On le devine, ces deux trames vont se rejoindre jusqu'à ce que le narrateur dévoile juste assez de la sombre vérité pour avoir certainement des nuits blanches pendant le reste de sa vie. Déjà, Klein accroche facilement avec sa narration, ses personnages vivants et même pétillants. L'horreur s'insinue par petites touches, progressivement. Il joue énormément sur les peurs raciales, comme Lovecraft, mais aussi sur les peurs sexuelles, en parvenant à ne jamais tomber dans le glauque gratuit. C'est une métaphore de la promiscuité et de la misère d'une mégalopole où l'étranger, l'agresseur, le violeur, le décadent, prend une forme véritablement monstrueuse. Habile et prenant, la meilleure nouvelle des quatre.
Black Man with a Horn est presque une conversation avec Lovecraft. Le narrateur est un vieil écrivain qui se désole que son œuvre n'existe que dans l'ombre du reclus de Providence, et le texte lui est adressé. La narrateur se retrouve plongé dans ce qui ressemble à un récit de Lovecraft quand l'homme assis à côté de lui dans un avion, un missionnaire, lui raconte ce qu'il a vécu dans un coin reculé d'Afrique. Ensuite la trame s'épaissit, tout en restant très floue, et le narrateur fait beaucoup de recherches en bibliothèque. Classique. La partie, disons, horrifique de cette nouvelle est un peu décevante tant on reste dans l'évasif, mais la trame plus personnelle, la personnalité du narrateur et le thème de la création littéraire lui donnent néanmoins une épaisseur appréciable.
C'est un peu la même chose avec Nadelman's God : un récit très prenant mais qui déçoit un peu sur la partie horreur. Nadleman est toute la définition du succès : un boulot dans la pub, un bon appart à New York, une femme et une amante... Mais un beau jour, un groupe de rock utilise un poème fantastique qu'il avait écrit à seize ans et un type étrange commence à être obsédé par ses vers. Le petites habitudes de Nadleman se font lentement chambouler et il doit replonger dans son adolescence, quand il avait encore des ambitions créatives, peut-être un peu naïves. Le rapport au harceleur est excellent, mais je suis moins convaincu par l'espèce de monstre.
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