vendredi 20 décembre 2019
Hommage to Catalonia - George Orwell
Dans Homage to Catalonia (1938) Orwell évoque son expérience personnelle au cours de la guerre civile espagnole (qui n'était pas encore terminée à la publication du livre). Un peu comme en lisant l'excellent Dans la dèche à Paris et à Londres (1933) et, dans une moindre mesure (c'est un roman partiellement autobiographique), Burmese Days (1934), on est étonné par l'aventurisme nonchalant d'Orwell. Il a envie de combattre le fascisme et d'écrire quelques articles, alors il va en Espagne, directement au front. Au moins, il accorde ses actes à ses opinions. On ne peut que respecter cette sincérité, bien que j'ai un peu grincé des dents à certains passages : après tout, il va faire la guerre. Il va tuer.
Le début est un peu pénible. Le lecteur est plongé dans le vif du sujet sans guère de contexte et mieux vaut prendre le temps de faire quelques passages sur Wikipédia. Orwell est au front, c'est un récit de guerre un peu vide dans lequel on met du temps à comprendre les enjeux. C'est un conflit absurde, où les miliciens, faute d'équipement, ne font pas grand chose d'autre que manger leurs rations, accumuler des poux, grelotter vainement et se prendre des balles perdues. On est frappé par l'union entre anarchistes et communistes qui luttent contre Franco et le fascisme. Dans le feu de l'action, l'utopie socialiste semble presque réalisée, officiers et soldats sont frères, le mot camarade a vraiment du sens. Mais, une fois qu'Orwell revient à Barcelone, cette belle union tombe en morceaux : elle est réservée aux honnêtes combattants, mais dans les grandes villes, on s'étripe idéologiquement. Orwell est traqué, en tant que membre d'une faction soudainement jugée « trotskiste ». L'URSS œuvre dans l'ombre pour empêcher une révolution espagnole qui risque fort de ne pas mimer le stalinisme et qui affaiblirait les alliés de l'URSS, et finalement les anarchistes et les socialistes authentiques, ceux qui ont combattu, les hommes du peuple, se retrouvent pris entre les étaux de la démocratie capitaliste, de l'URSS monolithique et du fascisme lui aussi capitaliste. Face à toutes ces forces, les révolutionnaires sont trompés, décriés et finalement écrasés à grand coup de propagande. On voit là ce qui a nourri 1984 : la force arbitraire des superpuissances, la destruction de la vérité au profit de l’intérêt des dites puissances et la négation de la valeur de la vie humaine individuelle.
Mentionnons aussi l’imperturbabilité peut-être typiquement anglaise d'Orwell. Ainsi, quand il se prend une balle : « The whole experience of being hit by a bullet is very interesting and I think it is worth describing in details. » Une autre anecdote croustillante : quand la police fouille la chambre d'hôtel de sa femme façon Gestapo. Ils tombent sur Mein Kampf, ce qu'ils prennent comme un aveu de fascisme, mais ils sont ensuite apaisés quand ils trouvent un pamphlet de Staline sur la façon dont il convient de liquider les trotskistes. En somme, un bouquin important pour mieux comprendre l'Europe et plus précisément la partie sanglante mais souvent négligée de son histoire. J'ai envie de conclure en mentionnant d'autres livres lus récemment qui ont le même effet : We The Living, d'Ayn Rand, à propos de la vie dans la jeune URSS (un roman particulièrement brillant), The Cellist of Sarajevo, sur le siège de la capitale, et Girl at War, sur plus globalement la guerre de Yougoslavie.
Libellés :
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Si tu veux pousser plus loin, je te conseille vivement de lire ses correspondances "Une vie en lettres" (Ed. Agone) qui, en plus d'offrir de véritables clés de lecture de son œuvre, permettent de comprendre son contexte, sa démarche et ses positions. J'avais trouvé ça passionnant.
RépondreSupprimerEn effet, ça doit l'être.
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