mardi 29 juin 2021

Un certain sourire - Françoise Sagan

Un certain sourire - Françoise Sagan

Un certain sourire (1956), deuxième roman de Françoise Sagan après le best-seller Bonjour tristesse. Je l'ai, exactement de la même façon, lu d'une traite en terrasse. On a l'impression d'une suite à ce premier roman : la narratrice, à peine la vingtaine, s'ennuie à la fac. Elle a un copain, qui l'ennuie, alors elle a une aventure avec l'oncle de son copain, marié, le double de son âge. Ils s'ennuient ensemble et, étonnamment, elle se retrouve à avoir des sentiments : ça lui fait bizarre.

Bof bof. Encore une fois, l'écriture est propre, il y a une réelle sensibilité, ça se lit avec une aisance presque pénible, mais c'est... fade. Plat. J'ai résumé la trame en deux ligne, et n'y a pas grand-chose de plus dans ce petit roman pop-corn. Je suppose que Sagan, qui a l'âge et la situation de son personnage, y met beaucoup d'elle-même. Sa narratrice est cynique, désabusée, à la fois intelligente et superficielle. Il me semble y voir une vague position nihiliste qui, après la parenthèse désespérée de l'entre-deux-guerres, fait le lien entre le roman décadentiste et le roman contemporain, où plus personne ne croit en rien, où l'occident n'a plus que le néant du marché, où on se vautre dans la déliquescence par désœuvrement idéologique. Qu'on me pardonne cette généralisation bancale voire réactionnaire : moi-même, plus qu'insatisfait par la toute-puissance du marché et par ses vagues et potentielles réformes ou alternatives, je souffre inévitablement de ce désœuvrement idéologique, et j'ai une relation ambivalente avec les œuvres qui l'explorent. J'aime cette exploration d'un fait d'époque qui me touche, mais je regrette le manque de flamme, d'énergie, bref, de véhémence existentielle. Ici, il n'y a guère d'exploration, plutôt un effleurement frustrant qui a la qualité discutable de l'accessibilité.

jeudi 24 juin 2021

Cinq jours sur le plateau de Millevaches

Nos campements (cliquer pour agrandir)

7 juin 2021

Avec Antoine, mon fidèle compagnon d’aventure, je suis dans le train en direction du plateau de Millevaches, qui se déploie en Corrèze et frôle la Creuse. Notre perspective n’est pas juste la balade, la randonnée. Il y a de ça, certes, mais il s’agit de développer notre réflexion sur nos projets respectifs de, disons, néo-ruralité. Avant même de commencer à mettre un pied devant l’autre, je suis épuisé, fracassé, victime d’une sorte de grippe qui depuis quelques jours me rend impuissant et me force à faire la sieste. Mais au diable, je n’ai aucune envie de remettre cette virée à plus tard — nous devions déjà la faire quand le second confinement a frappé.

Pendant la première des 6 heures de train, je lis Ship of Fools de Kaczynski, une courte fable satirique plutôt marrante sur ses thématiques habituelles : une bande de gauchistes se concentre sur des « petites » luttes (inégalités diverses) pendant que leur navire fonce vers la mort (suicide sociétal par overdose de technique). J’ai dans mon sac L’île au trésor de Stevenson, dont je ne lirai pas la moindre ligne pendant notre escapade.

Arrivée à Meymac. À peine sortis du train, on tombe sur des moutons qui broutent et des chèvres entravées dans un bout de terrain pentu. On se dirige vers le centre, incroyablement calme. Je retire un peu de liquide et Antoine va dans une boutique de produits de terroir pour acheter du Saint-Nectaire : il fait peur à la vendeuse, sans doute peu habituée à avoir des clients. On continue, avec toujours des moutons qui broutent presque jusque dans le centre. On grimpe hors de la petite ville et on se retrouve immédiatement dans une campagne enchanteresse, extrêmement vallonnée, pleine de genêts tout jaunes ; les bords de route débordent d’achillée. On voit un chevreuil et on mange au soleil, assis sur le chemin, les fesses sur nos matelas en mousse, avant de planter nos tentes sur un tapis d’herbe grasse dans une monoculture de pin.

Tout juste sorti de la tente...

8 juin

Je me réveille à 5h et déjà les oiseaux sont incroyablement bruyants. Second réveil à 8h. Je me lève pour aller examiner à la lumière du soleil une espèce de gaillet qui hier soir échappait à mon inquisition. Soudain, sur la piste, une biche. Je me fige, elle se fige, nous nous observons, et elle reprend son chemin en sautillant par-dessus le fossé avant de s’enfoncer dans les bois artificiels.

En démontant ma tente, mal de tête lancinant à chaque fois que je me redresse. Antoine me dit qu’il a « déliré » toute la nuit. Je ne suis clairement pas en forme, je dois faire des pauses régulièrement. Petit à petit, il apparaît clairement que la région est essentiellement composée de monocultures de pin. Je me traîne, je ramasse un bâton, et je joue au vieux pèlerin mi-fou de Dieu, mi-facétieux. Je demande l’aumône à Antoine et je peste contre la jeunesse. Dans une autre vie, à une autre époque, croyant ou non, j’aurais peut-être saisi l’appel du pèlerinage pour fuir ce que j’aurais eu à fuir. Aujourd’hui encore, seul l’enchaînement semi-volontaire qu’on appelle relation de couple me retient de tout fuir. Seule cette potentielle projection vers l’avenir, qui me permet d’envisager une vie néo-rurale en compagnie (idéalement pas que cette compagnie-là), m’empêche d’abandonner avec soulagement le peu que j’ai pour partir avec mon sac à dos vers une destination arbitraire, et embrasser la route, fuir par le mouvement tout ce qu’il y a fuir — et inévitablement regretter la fuite, je m’en doute bien : ce n'est pas une solution. Faute de cette fuite-là, qui me titille encore tous les jours, je veux planter des arbustes méconnus, à baies ou noix comestibles ; je veux planter des châtaigniers, penser en années, en décennies ; je veux mon ruisseau ; bref, j’idéalise encore un peu la ruralité.

On mange près d’un vieux moulin récemment retapé, assis sur la vieille meule. À-demi conscient, je joue à fantasmer sur les bergères peu farouches que nous ne pourrons manquer de rencontrer. Antoine, lui, face aux bergères entreprenantes, aura de grands discours mais osera peu de mouvements ; il sera mon faire-valoir. Pendant nos voyages précédents, je rêvassais sur les naïades, peut-être sous l’influence des tableaux de Waterhouse (quoique les tableaux sont sans doute venus par la suite), mais cette fois, entre deux bergères aux mœurs légères, je m’égare vers les dryades. Le chêne plutôt que l’étang, maintenant que je connais le charme de son fruit, et l’herbe grasse des sous-bois plutôt que la mousse humide des bords d’étang.

Sur nos habits, les tiques rôdent, et la paranoïa s’installe. Déjà cette année, peu de temps auparavant, j’ai dû arracher quelques-unes de ces gourmandes. Quelle idée d’aller crapahuter dans les fourrés ! Je ferais mieux de rester chez moi ; que mes escapades soient les terrasses de la place Camille-Julian, que mes aventures soient les rues nocturnes, que mes suceurs de sang soient des humains.

On rejoint Saint-Merd, où on s’affale en « terrasse » (trois minuscules tables sur la route) de l’unique auberge, avec une bière, une 1664 en bouteille, ignoble — il m’en faudrait quelques bouteilles de plus pour commencer à l’apprécier par l’ivresse. J’essaie de lutter contre la sieste qui me chuchote à l’oreille… mais non, non, énergie, vivacité ! On décide d’aller vers l’est pour ensuite revenir via Peyrelevade vers Tarnac. Comme on ne prévoit pas de trouver à manger le lendemain, Antoine demande à la tenancière si elle a quelques trucs à vendre : oui, un peu, et elle nous donne en bonus des madeleines et un bout de pain. Je vais aux toilettes, je soulève la lunette et je me rends compte qu’il y a un urinoir juste à côté. Je prends cette réalisation comme une insulte : quoi, je suis un homme alors je vais forcément en mettre partout ? Est-ce que je ne saurais pas viser ? Je me résigne donc à l’urinoir, et je soulage ma vessie, forcé de contempler, sous mon nez, un portrait de Fernandel en compagnie d’une vache, affront supplémentaire.

On marche jusqu’à Millechaches, qui donne son nom au plateau. Je suis au bout du rouleau. Pendant que je manque de m’endormir, Antoine va faire un tour dans le centre du village voir une maison à vendre qu’il avait repéré. Il ne la trouve pas. On continue un peu et on trouve un coin où camper. Je m’endors instantanément, pour me faire réveiller par des avions de chasse à 23h30 : je passe en une seconde du sommeil au vacarme assourdissant de la modernité littéralement supersonique. 

Un bout de pain pour un vieux pèlerin ?

9 juin

Ce matin, je trouve une tique sur ma hanche gauche, une toute petite. C’est enfin l’occasion d’utiliser le tire-tique : on galère un peu, et c’est Antoine qui finit par parvenir à l’extraire. Je prends l’initiative de proposer à Antoine d’annuler notre pseudo-boucle et de filer directement à Tarnac via des petits chemins. On repasse donc par Millevaches, et on en profite pour renouveler nos réserves d’eau à la fontaine de l’église. On entend soudain des coups de klaxon pétaradants et une camionnette débarque sur la place : la « boulangerie » ambulante. On s’approche, le « boulanger » ouvre sa porte, il nous regarde, on le regarde — j’ai l’impression de revivre la scène avec la biche. On finit par lui signifier que s’il a des choses à manger, on pourrait les lui échanger contre de la monnaie, et, pendant que quelques femmes du village s’attroupent pour jouir des services du boulanger et papoter, il nous ouvre la porte arrière de son véhicule, qui révèle une micro-épicerie. Antoine, qui ne sait résister à l’appel de son estomac exigeant, pénètre joyeusement dans cet intérieur exigu pendant que je l’attends à l’extérieur. En plus de quelques basiques, il a envie d’une barquette de fraises : je cède à son caprice, comme un parent dépassé par un enfant incorrigible.

Les chemins de la matinée sont agréables, mais on reste en terrain rationalisé ; ce qui n’est pas pâturage clôturé est monoculture de pin. On mange au cœur d’une de ces monocultures qui, celle-là, a le bon goût de ne pas être plantée en lignes. L’herbe des sous-bois est grasse et, malgré les souches tranchées par les machines, on se laisse bercer par l’irrégularité et on a l’impression, un instant, d’être dans une véritable forêt. Les couleurs sont vives et les collines sont douces. Quelques pas plus tard, les lignes droites sont de retour. On ne croise vraiment personne. On finit sur la départementale ultra-rurale, c’est la descente vers Tarnac, étonnamment « grand » selon les standards du plateau.

Descente vers Tarnac.


On file au magasin général, qui n’ouvre qu’à 16h30. On se pose dans la fraiche église, où le sol est encore composé de blocs de roche massifs. De retour sur la terrasse du bar fermé aujourd’hui, devant la boutique, des vieux s’installent, émergés du bus d’une compagnie de voyage organisé. Quand la boutique ouvre, ils s’y élancent, et se plaignent qu’il n’y a pas de verre pour leurs bières. On prend de quoi subsister dans cette épicerie de village à la sélection remarquable, avec son rayon bio, et je fais à la vendeuse une blague douteuse sur le fait que je ne vais pas lui demander de verre pour nos bières. Les vieux parlent fort, ils luttent ardemment pour la parole, chacun tentant d’imposer ses anecdotes aux autres. Je décapsule ma Chimay avec mon briquet, mais je m’inquiète de le voir tomber presque en morceaux, alors j’achève la capsule de la Chimay d’Antoine à coups de clé. Pas malins, on aurait dû prendre des cannettes.

Une fois les vieux partis, la vie s’étale sur la terrasse où l’on s’incruste, la terrasse du bar fermé… mais ouvert pour les amis. Les gens de Tarnac, les jeunes qui ont repris le magasin général avant d’ouvrir le bar-restaurant et même une petite bibliothèque, c’est une communauté anarchiste rendue célèbre par l’affaire de Tarnac : la lecture de l’article Wikipédia vaut le coup. Cette fuite active, cette alternative vécue, nous touche. Sans vouloir s’imposer à ces gens probablement farouches, et non sans raison (le magasin aurait notamment été sur écoute téléphonique), on profite de cette oasis de vie dans le désert rural. Le cœur de la communauté semble se trouver dans une ferme isolée non loin.

Il y a les gens qui gèrent l’endroit, quelqu’un du centre médico-social du village d’à-côté qui raconte un moment violent vécu ce matin, un Allemand du village probablement alcoolique qui écrit des poèmes dans sa langue natale et refuse de les traduire parce que « l’émotion » ; la conversation dévie sur Baudelaire, puis il s’agit de « tentatives d’écoles », de gens qui doivent passer à la ferme… Il y a des enfants qui gazouillent, ils se servent dans la boutique, l’un d’entre eux me demande ce que je fais à griffonner dans mon carnet ; ça parle au minimum français et allemand. Antoine part acheter une troisième bière, mais je n’arrive pas à la décapsuler, la honte. Toute cette vie dans ce coin précis, au-delà du projet purement politique dont nous ne connaissons pas les détails, et pour mon regard biaisé, c’est un succès ; c’est la vie insufflée au village ; c’est faire société ; c’est des enfants qui grandissent avec des modèles adultes variés ; c’est le travail pratique marié au sens de la communauté, marié à la théorie nourrissante ; c’est la flamme qui trouve de quoi s’alimenter sans devenir feu de brousse hors de contrôle. Certes, sous notre vision naïve se cache sans doute l’envers moins plaisant de la vie communautaire, sans compter les cadres idéologiques qui lient ou délient, mais pour eux, ça vaut le coup, j’en suis persuadé.

On va se poser au camping du village où nous sommes les seules tentes, il n’y a que des camping-cars. La douche est chaude, réconfortante, et nos portables affamés se nourrissent au-dessus des lavabos alors qu’enfin j’ouvre cette fichue troisième bière.

L'industrie, omniprésente.


10 juin

Repartis vers le lac de Vasivière, que veut voir Antoine. Si ce lac, artificiel, me laisse parfaitement indifférent, la journée sera plus pauvre que la moyenne en plantations de pin, ce qui est bon à prendre. En chemin, au milieu de nulle part, un homme âgé sort d'un camping-car garé en bord en route et nous propose un café. Nous acceptons et, à notre invitation, il nous raconte ses voyages aventureux en Amérique du Sud. Le café fini, il nous regarde partir avec ce que je perçois comme une certaine mélancolie ; la mélancolie des voyages de jeunesse, sac au dos, voyages qui se trouvent dans son passé, alors que son présent n'offre que le déplacement hyper-véhiculé, et son avenir rien d'autre que l'inévitable déliquescence, voyage sans retour. Déjeuner dans un coin idyllique, avec ruisseau, vaches, verdure. Je continue de trouver en bord de route de la camomille inodore, que je me désole de ne pouvoir tester. Bizarrement, sans doute sous l’influence délétère d’Antoine, qui refuse de goûter la plupart des plantes approximativement identifiés que je mâchouille avec intérêt et que je lui propose, je ne songe même pas à en prendre avec moi.


Le politique nous poursuit, cette fois sur les murs : « Plateau réveille-toi », « Résister désobéir repeupler ». Ainsi il y a bien un mouvement spécifique au plateau, les insatisfaits forgent leurs propres oasis là où la propriété n’est pas complètement inaccessible. Antoine, lui, peut se voir vivre sur le plateau, pour peu qu’il n’y soit pas seul. Moi, je ne cherche pas autant de ruralité, j’aimerais pouvoir vivre, si possible, sans voiture personnelle, et ici ce n’est clairement pas possible. De plus, les monocultures de pin, où nous campons encore ce soir, sont vraiment trop nombreuses. Je ne fantasme pas sur une nature intouchée, je sais qu’en Europe de l’Ouest toutes les pierres ont été retournées, je sais qu’il faut bien du bois pour construire des trucs et des machins… mais tout de même, tout de même, toute cette gestion, toutes ces lignes droites, tout cet ordre ! Même les genêts sont artificiels : ils sont plantés en lignes entre les jeunes pins pour, en tant que légumineuse, leur fournir de l’azote. Quitte à cohabiter, inévitablement, avec une gestion rationnelle du territoire, je préfère encore pourvoir aller faire mes courses à vélo — mais je sais que c’est un fantasme.


Ma petite tente, le soir.

11 juin

Quel plaisir, au cours de ces quelques jours commencés sous un épuisement écrasant, d’avoir senti mes forces me revenir progressivement. Ce matin, nous marchons vers Eymoutiers sur des pistes pentues que j’avale en souriant et en rêvassant. J’en veux plus, donnez-moi des côtes ardues ! Mais toujours, inévitablement, l’ennui, le doute, la perpétuelle insatisfaction, le ver rongeur qui m’a, quelques jours auparavant, poussé à tracer vers Tarnac pour avoir un but clair. Que fais-je à errer sur ces chemins au lieu de songer à mon avenir économique ? Que fais-je à rêver de la vie campagnarde si je ne suis pas foutu de gagner ma vie ? L’argent, l’argent ; ça ne suffit pas de ne pas crever de faim, il faut en gagner, parait-il… Si je ne choisis pas la fuite — inévitablement temporaire — avec mon sac à dos, alors certainement je dois la gagner, ma vie, c'est inévitable, et ne pas juste traiter le travail comme une vague stimulation qu’on quitte quand on en a extrait l’essence qui devient poison par ingestion répétée… La bénédiction et l’horreur de l'ancrage à long terme ; paradoxalement pouvoir se projeter dans l’avenir tout en étant bloqué, paralysé ; et peut-être savoir jouir de cette paralysie qui met un point final à la tyrannie du choix. J'ai le malheur privilégié d'avoir pris goût à une liberté intenable, économiquement comme, peut-être, moralement.

Deux cafés sur une petite terrasse enchanteresse à Eymoutier. Antoine est charmé, c’est décidé, il vivra là ! Il y a même une librairie qui semble honnête. Puis nous sommes à Limoges, où nous mangeons avec un ami qui nous fait visiter la ville. Il s’apprête à rentrer par un chemin détourné dans la fonction publique, avec un bureau personnel et des plantes vertes. Je peine à prononcer la moindre parole ; seulement pendant un répit en terrasse, où mon esprit immobilisé physiquement effleure un certain focus, je parviens à être un peu plus sociable. Le travail, le travail, grand dévoreur, grand intégrateur, grand spécialisateur ; je suis très tenté de poursuivre l’esquive, mais si je ne veux pas une trop grande marginalité, qui déjà fait plus que me grignoter, il va falloir esquiver l’esquive…

Sur la terrasse à Eymoutiers, sous les arbres, entre les deux cafés, puis dans le train vers Limoges, je ponds ce qui suit.


Anarchistes

Désolation dans l’abondance
Où monocultures de pin
Et vaches à grasse panse
Se partagent le grand rien

Le nez dans les bas-côtés
La chlorophylle m’émeut
Par ses pousses prêtes-à-manger
Qui ne sont plus qu’un jeu

« Résister, désobéir, repeupler ! »
Hurlent à travers bois
Les murs politisés
« Plateau réveille-toi ! »

Terre linéaire et rationnellement gérée
Découpée en carrés utiles —
Le chaos nécessaire est sur le bas-côté
Où prospèrent les herbes inutiles… 

 

lundi 21 juin 2021

Bonjour tristesse - Françoise Sagan

Bonjour tristesse - Françoise Sagan

Bonjour tristesse (1954) de Françoise Sagan, étonnant best-seller de la littérature française par une auteure de 18 ans. Je n'ai appris ce dernier point sur sa page Wikipédia (à la biographie peu valorisante) qu'après avoir fini le roman, lu d'une traite en quelques heures. Outre l'avantage d'être bien née, la jeune Françoise Sagan a clairement une sensibilité d'écrivaine. Son écriture est très simple, hautement lisible, ce qui explique en bonne partie son succès, mais il y a tout de même un peu plus que ça.

Une courte histoire d'ado vaguement dévergondée qui fait inévitablement penser aux classiques du genre, comme Le diable au corps ou L'attrape-cœurs. Une maison de vacance, une ado, Cécile, avec son père et l'amante du père, et les semaines qui défilent au soleil. Éléments perturbateurs : le beau gosse qui plait à Cécile, et la femme mature et sérieuse qui vient remplacer l'amante pour s’approprier le père et l'épouser. Cécile n'est pas contente et décide de monter un plan machiavélique pour perturber ces projets, plan qui va mal finir. En chemin, elle apprend l'amour et l'introspection. Classique, efficace.

C'est la sensibilité et l'évolution de Cécile, mises en valeur par de régulières pointes dans l’écriture, qui viennent épicer tout ça. Elle a l'œil, cette gamine précocement cynique, elle a de l'esprit, on l'aime bien. J'ai souvent rigolé, entre deux imparfaits du subjonctif, quand elle murmure à son vertueux amant "Vous êtes gentil, Cyril, vous allez être un frère pour moi.", quand son père énonce "noblement" que sa fille "trouvera toujours des hommes pour la faire vivre", quand elle "comprenait qu'elle était plus douée pour embrasser un garçon au soleil que pour faire une licence"... Il y a une certaine lucidité plaisante qui est loin du cri d'émancipation naïf : "La liberté de penser, et de mal penser et de penser peu, la liberté de choisir moi-même ma vie, de me choisir moi-même. Je ne peux dire "d'être moi-même" puisque je n’étais rien qu'une pâte modelable, mais celle de refuser les moules." Et avec cette lucidité, elle manipule joyeusement, mais non sans doutes éthiques, ceux qui sont sensés être plus matures qu'elle. Je lirai sans doute d'autres romans de Sagan (qui ont l'avantage relatif d’être courts) ne serait-ce que pour la perspective féminine qui, dans les romans d'un certain âge, n'est pas si courante.

vendredi 18 juin 2021

Le défi alimentaire - Samuel Rebulard

Le défi alimentaire - Samuel Rebulard

Le défi alimentaire de Samuel Rebulard : un énorme pavé de 500 pages, grand format, pesant plus d'un kilo, presque un manuel, avec des centaines d'illustrations et de graphiques. Pas le genre de livre le plus fun qui soit, mais néanmoins une lecture riche et dense, malgré inévitablement quelques passages qui ont moins retenu mon attention. Pas facile de parler d'une telle somme, je me contente de relever quelques points.

Et quelques autres livres qui recoupent les mêmes thèmes : L'adieu aux insectes ?, Entangled Life, Le triomphe des graines, Edible Forest Gardens 1, Une ferme résiliente, Introduction à la permaculture, Nature's Temples (Les forêts anciennes), Le réchauffement climatique, La fin de l'alimentation...

Pour augmenter la production agricole, on peut augmenter la quantité de surfaces cultivées ou augmenter le rendement des surfaces : après la seconde guerre mondiale, c'est la deuxième option qui explique l'explosion de la productivité. En 1660, en France, on produisait environ une tonne de blé par hectare. En 1961, c'était encore vrai à l'échelle mondiale. Mais en 1966, en 5 ans, cette moyenne mondiale a triplé. (Jusqu'à 9 tonnes/hectares aux Pays-Bas.) Comment expliquer cette évolution drastique ?

  • Les engrais minéraux. L'importance de l'azote et du phosphore sont compris dès 1850. Les engrais minéraux de synthèse ne tardent pas, avec le procédé Haber-Bosch, qui permet de fixer le diazote atmosphérique. On exploite aussi des gisements de phosphate et potasse (qui ne sont pas infinis).
  • Les produits phytosanitaires. Dès 1885, la bouillie bordelaise. En 1938, la DDT. La guerre permet à l'industrie chimique de se développer.
  • La mécanisation. Facteur crucial et extrêmement rapide dans les pays riches.
  • Développement de l'irrigation avec les techniques modernes, comme les tuyaux souples.
  • Innovation variétale, mise au point de techniques de sélections qui développent la productivité.

Toute cette évolution, liée à une ouverture aux marchés internationaux, a été incroyablement perturbatrice, notamment sur le rapport à la terre. En France, entre 1955 et 2010, la surface agricole a légèrement baissé, le nombre d'exploitations a drastiquement baissé et la surface par agriculteur a drastiquement augmenté. De la même façon, les grandes surfaces se sont mises à dominer le marché : en 1970, seuls 5% des achats alimentaires était faits en grande surface, contre 72% en 2011. La "destruction créatrice" du nouveau marché a notamment pour conséquences :

  • Une concentration du pouvoir entre les mains de quelques géants au détriment des producteurs.
  • Une baisse progressive de la valeur des produits agricoles.
  • Distorsion de la concurrence : les pays riches peuvent par exemple subventionner leur production pourtant plus chère à produire et ainsi la rendre artificiellement compétitive sur le marché global.
  • Les pays sont économiquement avantagés quand ils se spécialisent, et ainsi ils renoncent à leur autonomie alimentaire et deviennent dépendants au marché global.

Le rapport individuel à la nourriture est en partie inné : l'exemple le plus frappant est sans doute la tolérance (ou non) au lactose, génétique, et plus développée dans les régions où s'est appliquée au fil des millénaires une pression sélective favorisant les individus capables de digérer le lait en produisant l’enzyme lactase. Mais c'est aussi le cas pour d'autres aliments, comme l'amidon : cette fois, c'est la production de l'enzyme amylase qui est en question, et la digestion est facilitée pour qui a un plus grand nombre de copies du gène de l'amylase. L'explication se trouve encore une fois dans la sélection évolutionnaire sur le long terme en fonction de la nourriture disponible dans chaque environnement.

Les tendances mondiales : la population asiatique devrait continuer à croitre jusqu'à atteindre les 5 milliards en 2060. C'est la population africaine qui prendra le relai de la croissance, pour s'élancer vers les 5 milliards vers la fin du siècle. La population urbaine augmentera alors que la population rurale restera stable. A l'échelle mondiale, la consommation de viande est en croissance permanente, de même que la consommation de poisson (de plus en plus d'élevage). Les biocarburants ne prendront pas le relai : pour remplacer la consommation européenne de pétrole par des biocarburants, il faudrait y consacrer 12% des terres arables de la planète.

Si la cueillette est très efficace pour les quelques peuplades dont l'environnement en permet encore la pratique, c'est bien entendu l'agriculture qui domine le monde. La compréhension de l'évolution des plantes cultivées est très récente : pour Humbolt, en 1807, c'était un mystère, car pendant la majeure partie de l'histoire de l'humanité, la sélection humaine a été involontaire. Quelques traits pour lesquels les humains sélectionnaient sans trop s'en rendre compte : semences restant sur la plante à maturité, autofécondation, maturations synchronisées, hypertrophie des organes qui intéressent les humains, disparition des enveloppes de protection des grains, baisse des taux de substances toxiques... Par exemple, les figuiers de barbarie a proximité des villages amérindiens donnaient des fruits de meilleure qualité que les pieds éloignés : en effet, les gens sélectionnaient les plus beaux fruits et répandaient leurs graines autour du village dans leurs déjections, avec du beau terreau en bonus.

Deux types de sélection :

  • La sélection directionnelle, qui pousse une variété dans une direction désirée. Exemple : en sélectionnant les les plants à gros grains.
  • La sélection stabilisatrice, qui vise à l'uniformisation, par exemple en sélectionnant les plants qui arrivent en même temps à maturité.

Les végétaux sont autotrophes (ils fabriquent leur matière à partir d’éléments chimiques sous forme minérale et avec de l'énergie solaire) alors que les champignons sont hétérotrophes (ils se nourrissent de matière organique morte, comme les champignons forestiers, ou vivantes, comme les mycoses, l'oïdium ou la rouille).

Astuce à mon usage futur : pour déterminer la teneur en argile d'une terre, il suffit de voir si on peut en faire un boudin courbé (plus de 20%), voire un boudin en cercle (plus de 30%). Quant à lui, un sol fertile aura tendance à être grumeleux, à bien laisser passer les racines. Et quand les lombrics digèrent la terre, ils augmentent grâce à leur flore intestinale sa densité en nutriments (azote, potassium, phosphore). De plus, les galeries des lombrics forment des autoroutes qu'empruntent les racines pour aller plus profond.

Les pratiques agricoles modernes négligent souvent les assolements (cultures en alternance pour protéger le sol). Par exemple, un cinquième de la surface de maïs est en monoculture (c'est-à-dire sans aucune rotation — définition généreuse de la monoculture), jusqu'à 50% en Aquitaine et Alsace. La monoculture favorise les bioagresseurs et demande en retour plus de lutte chimique, lutte chimique qui est indispensable à l'existence de ces monocultures. Aujourd'hui, seules 10% (25% en bio) des rotations intègrent des légumineuses fixatrices d'azote. La productivité massive (exportation de nutriments) sans restitution égale (à l'état naturel par débris végétaux et animaux) exige des apports nutritifs artificiels, les classiques étant azote (N), phosphore (P) et potassium (K).

Plus la vitesse de minéralisation d'un engrais est élevée, plus ses nutriments seront rapidement disponibles. Les engrais organiques animaux et les engrais de synthèse se minéralisent très vite, ce qui les rend aisément disponibles pour les plantes, mais en revanche cela favorise leur drainage, par les pluies notamment, ce qui risque de créer de fortes pollutions locales. Les engrais d'origine végétale, eux, se minéralisent lentement, mais, s'ils sont peu variés, peuvent créer un manque d'azote. Les consoudes et orties sont efficaces pour éviter ce problème. Les fumiers compostés qui mélangent déjections animales (riches en azote) et paille (riche en carbone et retenant les éléments nutritifs) sont particulièrement efficaces. L'azote des engrais de synthèse vient de l’atmosphère via un procédé très coûteux énergiquement qui, de plus, contribue à la production de gaz à effet de serre. Le phosphore et l'azote viennent de mines et carrières. Les engrais ne sont donc pas anodins, d'autant plus que leur utilisation est généralement excédentaire, les plantes n'en prélevant souvent pas la moitié.

Les variétés modernes (cultivars) des plantes sont souvent, contrairement aux plantes sauvages, extrêmement limitées génétiquement, ce qui les rend vulnérables. C'est ce qui explique la crise de la pomme de terre en Irlande dans les années 1845 : une variété unique de pomme de terre, une variété clone, était cultivée dans tout le pays. C'est également à cause d'une absence de variété génétique que la vigne française a été décimée dans les années 1860 par un puceron. Ensuite, pour reconstituer le vignoble, ce sont des vignes américaines sauvages qui sont utilisées comme porte-greffes : elles apportent la résilience, et les classiques vignes françaises apportent les bons raisins. Ce sont toujours ces vignes mixtes qui sont cultivées en France !

Les tomates, à l'état "naturel", contiennent des substances toxiques et elles deviennent molles à maturité. C'est le croisement avec des espèces sauvages qui permet de limiter leur vulnérabilité aux maladies (début XXe), et la conservation est améliorée par sélection de certaines allèles qui inhibent la production d’éthylène (phytohormone gazeuse impliquée dans le murissement) mais aussi les arômes. La véritable tomate cœur de bœuf ne se conserve pas plus de trois jours, ainsi de nombreuses tomates à l'apparence ancienne sont en fait des créations modernes.

Point capital : une variété de plantes homogène, comme le sont la plupart des variétés cultivées, est uniforme génétiquement. Ainsi, contrairement aux espèces sauvages, variées génétiquement, elles ne peuvent pas "évoluer" face aux changement de conditions, ce sont des impasses évolutionnaires. Par contre, les organismes "ennemis", les bioagresseurs, ont eux une grande diversité génétique.

Comment fait-on des OGM ? On peut utiliser la capacité naturelle d'une bactérie à insérer un petit fragment d'ADN dans le génome des plantes qu'elle infecte. Mais on peut aussi... utiliser un canon pour tirer des billes sur lesquelles se trouve fixé de l'ADN ! Vraiment. Projetées à grande vitesse, ces billes pénètrent dans les cellules végétales et l'ADN désiré se fixe aléatoirement. Il faut ensuite identifier les cellules qui ont bien intégré le gène souhaité. Il ne semble pas y avoir de preuves concernant un éventuel danger des OGM sur la santé, mais la question mérite d'être posée pour chaque OGM, car chacun à des caractéristiques propres. Et bien sûr, il y a les questions éthiques plus larges, comme la privatisation du vivant.

Les élevages sont le premier contributeur de l'agriculture à l'émission de gaz à effet de serre : conversion de forêts en pâture et production de méthane par les ruminants, sans compter les concentrations de déjections polluantes en cas d'élevage intensif. D'ailleurs, les ruminants finissent par digérer les micro-organismes qui se développent dans leur système digestif : ils apportent les nutriments absents des végétaux. L'essentiel de la reproduction des bovins est réalisée par insémination artificielle, même si on voit encore parfois des taureaux dans les champs, sur le plateau de Millevaches par exemple. Le sperme est vendu sur catalogue. Ainsi, pas de maladies sexuelles, contrôle génétique total, sélection du sexe de la progéniture avec 90% d'exactitude, et plus besoin d'entretenir des taureaux. Par contre, diversité génétique en chute libre, car quelques milliers de mâles suffisent à tout un pays.

A l'échelle mondiale, un tiers de la production de céréale est consacrée à l'alimentation animale, et 75% dans les pays industrialisés. L'utilisation du blé tendre produit en France est très surprenante :

  • 7% seulement pour la consommation humaine française !
  • 7% pour la planification
  • 17% pour la production d'amidon ou d'agrocarburants
  • 20% pour la consommation animale (française je suppose)
  • 49% pour l'exportation, ce qui inclut les usages ci-dessus faits par les pays importateurs

Autre point capital : on estime que 50% de l'eau d'irrigation, à l'échelle mondiale, provient de sources non renouvelables, comme les aquifères des zones peu pluvieuses. Toujours à l'échelle mondiale, 70% des prélèvements d'eau sont destinés à l'agriculture, contre 19% pour les usages industriels et 11% pour les usages domestiques.

La diversité des espèces cultivées est limitée (40 fournissent 96% de la biomasse consommée, guère plus de 109 espèces en tout). A l'inverse, la biodiversité des peuples vivant de cueillette est bien plus élevée : 1112 espèces pour les amérindiens d'Amérique du nord. Et en bonus, le début de la liste des plantes les plus cultivées au monde, du plus vers le moins : canne à sucre (1701 millions de tonnes), maïs (851), riz (702), blé (649), pomme de terre (334), soya (265), manioc (243), betterave à sucre (229), palmier à huile (225), tomate (152), orge (124), banane (106)... On trouve aussi le sorgho en place 23, l'igname en 24, le piment en 33, l'ail en 39...

Il existe deux types de conservation génétique.

  • La conservation ex situ, où la biodiversité est perçue comme un ensemble statique de gènes qui sont stockées dans des "banques" ou "conservatoires". Il faut cultiver un minimum les plantes pour renouveler les stocks. C'est le cas dans les pays industrialisés.
  • La conservation in situ, où les plantes vivent leur vie sur le terrain au fil des saisons. La biodiversité est considérée comme une dynamique. Cette pratique est plus adaptée à un environnement incertain et permet l’interaction avec les variétés sauvages.

Certaines molécules des pesticides peuvent ne pas disparaitre : elle persistent dans l'environnement et voyagent jusqu’à être trouvable dans les animaux de l’antarctique. Les pesticides créent un cycle dangereux : leur utilisation les rend encore plus nécessaires,car ils détruisent les espèces qu'ils ciblent, mais aussi les ennemis naturels des espèces qu'ils ciblent.

Il existe tout un tas de pratiques presque oubliées à cause de l'uniformisation des techniques de monoculture fortement mécanisées. La rizipisciculure par exemple : les poissons dans les rizières mangent les débris végétaux et fertilisent : moins de pesticide, moins d'engrais, moins d'émissions de méthane. Chez les amérindiens, mélanger cultures de haricots et mais : le mais sert de tuteur et le haricot fournit de l'azote. Ou tout simplement alternance maïs/courge/fève en permaculture, pour faire des barrières contre les bioagresseurs et avoir un fournisseur d'azote. Il est ainsi possible, dans certains cas, d'avoir une productivité supérieure à une monoculture, mais la mécanisation est fortement limitée. Par exemple, au Bangladesh, élever des canards dans les rizières augmente les rendements des cultures de 20% (fertilisation par déjection et les canards mangent limaces et adventices) sans compter une forte augmentation des revenus liée à la production de viande. Certaines pratiques marginales, comme la permaculture, mettent au centre de leur vision ce genre d’interaction complexe. S'il semble indéniable qu'une pratique comme la permaculture ne manque pas de qualités, c'est sa rentabilité qui, si elle est clairement possible, n'est pas encore assez limpide. L'auteur étudie l'exemple de la célèbre ferme du Bec Hellouin. Une petite parcelle y est très productive, et rentable, mais elle est en interaction avec des zones moins productives (mare, fleurs, forêt-jardin), et la ferme bénéficie du fumier d'un club hippique voisin.

Sur l'avenir du bio :

Adrian Muller et ses collaborateurs, en 2017, ont modélisé différents scénarios (162 au total) permettant de nourrir l'humanité en 2050 avec des proportions croissantes de surfaces mondiales en agriculture biologique (de 0% à 100% ), selon différents paramètres (surface cultivée, production de gaz à effet de serre, etc.). Ils affirment qu'il est possible de nourrir 9 milliards d'humains avec 100% d'agriculture biologique, à superficie constante, mais à deux conditions: la réduction du gaspillage alimentaire et la réduction de la consommation de produits animaux. Des cultures destinées à l'alimentation humaine plutôt qu'animale permettraient de compenser les pertes de rendement. Malgré tout, des questions restent en suspens. Les apports d'azote (par les légumineuses par exemple) pourront-ils compenser ce qui n'est plus apporté par les déjections animales et les engrais minéraux de synthèse ? Dans une hypothèse 100% bio, les aliments produits seront-ils plus chers qu'aujourd'hui et dans quelle proportion ? Les consommateurs pourront-ils les payer ?

Dans tous les cas, il est indéniable que le bio a le plus souvent un impact positif, et au pire neutre, sur toutes sortes de facteurs : qualité du sol, qualité des eux souterraines et de surface, diversité animale et végétale des écosystèmes, émissions de gaz à effet de serre, pesticides dans l'environnement...

Un sol de qualité est souvent lié à un travail de la terre limité voie absent. L'agriculture de conservation, qui se voue à cet objectif, notamment en gardant autant que possible le sol protégé par un mulch ou des plantes bien vivantes, a en France un rendement très proche de l'agriculture conventionnelle, mais en zone tropicale cette approche peut aller jusqu’à doubler les rendements. Et c'est sans compter la grande réduction de l'érosion des sols.

Autre approche, l'agroforesterie : mélanger cultures d'arbres et de céréales (et autres plantes au sol). Les deux types de plantes n'ayant pas les mêmes rythmes, elles ne sont en compétition pour le soleil que pendant deux mois, de fin avril à début juin. Sur plusieurs années, plus de lumière est captée en mélangeant ces deux types de culture. Les céréales poussent les arbres à aller chercher de l'eau plus profondément, ce qui est de toutes façons impossible pour les céréales, et ce qui a pour effet de faire remonter par "exsudats racinaires" une partie de l'eau profonde au bénéfice des céréales. L'arbre est aussi une pompe nutritive, qui par la chute de ses feuilles apporte des nutriments autrement inaccessibles. Et en plus, les arbres ont un effet brise-vent, ce qui limite l'asséchement du sol et favorise les insectes pollinisateurs. Il faut en revanche étudier les espèces pour s'assurer qu'elles n'ont pas de forts besoin en lumière ou en eau pendant la même période. En Europe, certains produits fameux sont associés à ce genre de système : par exemple, les arbres à cidre/calvados/poiré sont historiquement produits dans des prés-vergers. C'était le cas dans ma maison de campagne familiale en Normandie ! Mon père faisait le cidre avec les pommes des pommiers sous lesquels broutaient les vaches d'un fermier voisin. Ou encore les châtaigneraies corses où gambadaient les cochons en dehors des périodes de récolte. Dans tous les cas, les arbres et les haies fréquentes favorisent la vie, et en plus la vie de bestioles utiles : guêpes parasitoïdes, insectes pollinisateurs, chouettes...

Détail amusant : la régularité des dates des semis conduit à la sélection des plantes adventices (mauvaises herbes) synchronisées avec le calendrier agricole. Ainsi, si on décale les semis d'un mois, ou même de 10 jours, il n'y a quasiment plus d’adventice, sans herbicide. Jusqu'à ce que la pression sélective fasse à nouveau son boulot, bien sûr.

mercredi 16 juin 2021

Récolte d'aspergette, ou ornithogale des Pyrénées

Hop, une petite récolte d'aspergette, alias ornithogale des Pyrénées, plante sauvage comestible très populaire. Tellement populaire que l'endroit où j'étais, connu des locaux, ressemblait à un champ de bataille. Par contre, c'est délicieux. Sur le plan technique, l'endroit était franchement peu praticable et la plupart de mes prises de vue se sont révélées inutilisables. J'ai aussi un peu trop expérimenté avec la parole adressée directement à la caméra, j'en ai enlevé une bonne partie, et si je ne compte pas forcément stopper complètement ce procédé, je le réduirai.

Sous-titres français disponibles et lien direct vers la vidéo.

samedi 5 juin 2021

Récolte de 4 gaillets comestibles : sauvages et abondants

Hop, dans cette petite vidéo je présente et récolte 4 variétés de gaillets comestibles. C'est la première fois que je fais une telle vidéo en m'adressant directement à la caméra en anglais : ma prononciation, sur le moment, n'est pas toujours optimale. Et j’accorde Galium au pluriel comme en anglais, alors que c'est du latin ! Je ne sais pas trop ce que ça donne, mais allons-y, allons-y.

Sous-titres français disponibles et lien direct vers la vidéo.