Bonjour tristesse (1954) de Françoise Sagan, étonnant best-seller de la littérature française par une auteure de 18 ans. Je n'ai appris ce dernier point sur sa page Wikipédia (à la biographie peu valorisante) qu'après avoir fini le roman, lu d'une traite en quelques heures. Outre l'avantage d'être bien née, la jeune Françoise Sagan a clairement une sensibilité d'écrivaine. Son écriture est très simple, hautement lisible, ce qui explique en bonne partie son succès, mais il y a tout de même un peu plus que ça.
Une courte histoire d'ado vaguement dévergondée qui fait inévitablement penser aux classiques du genre, comme Le diable au corps ou L'attrape-cœurs. Une maison de vacance, une ado, Cécile, avec son père et l'amante du père, et les semaines qui défilent au soleil. Éléments perturbateurs : le beau gosse qui plait à Cécile, et la femme mature et sérieuse qui vient remplacer l'amante pour s’approprier le père et l'épouser. Cécile n'est pas contente et décide de monter un plan machiavélique pour perturber ces projets, plan qui va mal finir. En chemin, elle apprend l'amour et l'introspection. Classique, efficace.
C'est la sensibilité et l'évolution de Cécile, mises en valeur par de régulières pointes dans l’écriture, qui viennent épicer tout ça. Elle a l'œil, cette gamine précocement cynique, elle a de l'esprit, on l'aime bien. J'ai souvent rigolé, entre deux imparfaits du subjonctif, quand elle murmure à son vertueux amant "Vous êtes gentil, Cyril, vous allez être un frère pour moi.", quand son père énonce "noblement" que sa fille "trouvera toujours des hommes pour la faire vivre", quand elle "comprenait qu'elle était plus douée pour embrasser un garçon au soleil que pour faire une licence"... Il y a une certaine lucidité plaisante qui est loin du cri d'émancipation naïf : "La liberté de penser, et de mal penser et de penser peu, la liberté de choisir moi-même ma vie, de me choisir moi-même. Je ne peux dire "d'être moi-même" puisque je n’étais rien qu'une pâte modelable, mais celle de refuser les moules." Et avec cette lucidité, elle manipule joyeusement, mais non sans doutes éthiques, ceux qui sont sensés être plus matures qu'elle. Je lirai sans doute d'autres romans de Sagan (qui ont l'avantage relatif d’être courts) ne serait-ce que pour la perspective féminine qui, dans les romans d'un certain âge, n'est pas si courante.
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