Le réchauffement climatique de Frédéric Durand est un excellent concentré de l’état des lieux sur le sujet, dense, hautement lisible et ponctué de tout un tas d’illustrations pertinentes (j’en place quelques-unes plus bas). Par exemple, sur presque exactement le même format de « manuel », La contrainte climatique d’Alain Foucault, peut-être en partie à cause de son sujet plus vaste, est bien moins plaisant à parcourir.
Commençons, comme l’auteur, par un petit rappel brutal de l’importance des faits : « Il sera extrêmement difficile d’éviter que le climat de la planète ne dérive vers celui du Pliocène, voilà 3 millions d’années, quand la température moyenne de la planète était de 2 à 3 degrés plus chaude qu’actuellement, avec un niveau des mers de 25 mètres plus élevé. […] La concentration en CO2 dans l’atmosphère atteinte à la fin des années 2010, 410 ppm, était celle du Pliocène. La transition vers ce type de climat est déjà en cours. »
Si le climat a des variations naturelles (voir images plus bas), elles sont globalement lentes, de l’ordre de 0,01°C par siècle, soit cent fois, voire mille fois, plus lentes que le réchauffement anthropique.
Émissions de gaz à effet de serre par activités :
- 25 % — électricité et production de chaleur (centrales thermiques)
- 24 % — Agriculture et forêts (utilisation massive d’engrais dans l’agriculture intensive, source de protoxyde d’azote, élevage industriel et riziculture, sources de méthane, et rejets de CO2 causés par les feux de forêt liés au défrichage)
- 21 % — industrie
- 14 % — transports
- 6 % — bâtiment (béton)
- 10 % — autres
Bien entendu, l'espoir de limiter le réchauffement à 2°C est parfaitement utopique : il faudrait ne plus émettre de carbone d’ici 2060 et même en retirer de l’atmosphère. Plus probablement, si les trajectoires actuelles se poursuivent, les émissions devraient doubler d’ici 2050.
La fonte des glaces entraîne une baisse de salinité qui entrave les courants marins, dont le Gulf Stream, qui apporte chaleur à l’Europe et lui permet de ne pas avoir le climat du Canada. La circulation océanique aurait ralenti de 15 à 20 % au cours de dernier siècle et demi. L’hypothèse d’une fin du Gulf Stream est hautement floue et incertaine pour l’instant, mais c’est une perturbation majeure potentielle, quoiqu'à priori pas immédiate, à rajouter à toutes les boucles de rétroaction plus connues (méthane du permafrost, chaleur qui favorise la formation de nuages bas qui favorisent effet de serre, etc.).
Et une potentialité qui m’était inconnue : la fonte des glaciers provoque des rebonds post-glaciaires, c’est-à-dire le relèvement des masses terrestres, libérées du poids des glaciers, ce qui favorise tremblements de terre et éruptions volcaniques.
À l’horizon 2050/2070, les forêts pourraient cesser d’être des puits à carbone pour devenir des sources de carbone, notamment à cause des extinctions forestières dues au réchauffement trop rapide pour une adaptation des espèces, et bien sûr aux feux de forêt qui se démultiplieront. De plus, les conditions extrêmes poussent les plantes à diminuer leur activité, et donc l’absorption de carbone.
Selon les prévisions actuelles, une baisse des précipitations en France de l’ordre de 30 à 40 % à l’horizon 2050.
Le nucléaire, sans parler des risques divers, et bien qu’il soit bien sûr très efficace sur le plan gaz à effet de serre, n’est pas une vraie solution. Les centrales nécessitent des sources d’eau, notamment des rivières, pour se refroidir. Or, avec le réchauffement, il arrive déjà que les centrales doivent fermer en été ou rejeter dans les rivières de l’eau plus chaude que les normes (qui autorisent de réchauffer les rivières de 0,5 à 3°C). Et cela ne va pas s’arranger, car le débit moyen des rivières en France devrait baisser de 10 à 40 % d’ici 2050/2070. Mais surtout, en maintenant le niveau de production actuel, il ne resterait que 100 ans de réserves d’uranium, soit moins de 10 ans si le nucléaire passait des 2 % actuels à 25 % de la production d’énergie mondiale.
Pour les voitures électriques, la seule fabrication des batteries est équivalente à la consommation énergétique sur 50000 kilomètres de route. En somme, une voiture électrique commence à émettre moins de gaz à effet de serre qu’une voiture thermique après 80000-150000 kilomètres. Il est impossible de faire des progrès environnementaux en conservant le nombre de voitures actuel. Bien sûr, ce nombre va augmenter.
À l’échelle mondiale, les subventions à la production et à la consommation d’énergies fossiles représentent 500 milliards par an.
En somme, il est impossible d’empêcher un réchauffement colossal, jusqu’à 8°C d’ici 2100, en restant dans une logique de, je cite, « développement ». Et bien sûr, le réchauffement ne s’arrêtera pas en 2100. Le chemin actuel, c’est, et je cite l'auteur, un cataclysme équivalent à celui causé par l’astéroïde qui a provoqué l’extinction des dinosaures.
La seule solution, hors utopisme technologique, c’est la décroissance — ou quel que soit le nom qu’on donne à une baisse drastique du niveau de vie global — ce qui n’arrivera sans doute pas volontairement.
Quelques lectures supplémentaires à ce sujet : La guerre des métaux rares, La fin de l'alimentation, Overshoot, Les limites à la croissance, La Terre inhabitable, Le syndrome de l'autruche...
Et quelques illustrations très didactiques, cliquer pour agrandir :
Les cycles climatiques naturels liés aux mouvements de la Terre. |
Les forçages climatiques naturels comparés au forçage anthropique |
Cycle simplifié du carbone et stocks de carbone. |
Évolution de la température. |
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