L'adieu aux insectes ? de Vincent Albouy, Denis Richard et Pierre-Olivier Maquart, dont la couverture est particulièrement réussie, est une petite somme bien foutue concernant la disparition des insectes. Comme vu très récemment dans Le réchauffement climatique de Frédéric Durand, et à bien d'autres endroits d'ailleurs, les activités humaines sont en passe de provoquer une extinction de masse du vivant. Or, les insectes, ectothermes (leur chaleur vient de l'extérieur) et souvent hautement spécialisés, sont bien plus sensibles que la plupart des autres formes de vie animale aux perturbations anthropiques. Ainsi, pour eux, l'extinction de masse n'est pas sur le point de se produire : elle est actuellement en cours.
Il y a quelques années, une étude a fait les gros titres : elle parlait d'une extinction des insectes de l'ordre de 80% (en biomasse). Or, c'est une sous-estimation : non seulement cette étude a été réalisée dans des réserves naturelles, c'est-à-dire des lieux où les insectes devraient s'en sortir mieux que sur l'ensemble du territoire, mais plus important encore, elle utilise l'année 1989 comme point de référence. On comprend vite le problème : en 1989, l'extinction des insectes était déjà en cours. Si on prenait comme point zéro le tout début de l'agriculture intensive par exemple, on aurait plutôt un taux d'extinction entre 95 et 99%. Ce qui est une extinction de masse. Une extinction qui ne ralentit pas. Les insectes continuent à disparaitre à un rythme situé entre 1 et 2,5% par an.
Les causes sont relativement évidentes, mais faisons tout de même une petite liste.
- Artificialisation des milieux et tout simplement destruction des environnements naturels
- Agriculture intensive (destruction des milieux, utilisation massive de pesticides et insecticides, drainage des zones humides...)
- Réchauffement climatique (et comme les habitats sont morcelés, les migrations sont entravées)
- Pollution par les engrais (l'azote nuit aux plantes à fleur au profit des graminées sans nectar ni pollen)
- Déforestation et artificialisation des forêts (voir Nature's Temples)
- Augmentation du taux de CO2 (diminue qualité nutritionnelle des plantes)
- Pollution lumineuse
- Routes (barrières qui fragmentent les milieux) et voitures (mort par impact)
- Les réserves ne sont que des confettis égarés dans la grande bétonisation et les cultures intensives dont elles subissent le effets délétères
- Dans les montagnes, le surpâturage cause une disparition des fleurs nourricières, d'autant plus que les troupeaux, via leurs déjections, répandent les diverses substances chimiques utilisées comme biocide
Les auteurs vont bien plus en détail. Bien sûr, le déclin des insectes entraine du même coup le déclin des oiseaux et des plantes qui dépendent d'eux pour leur pollinisation. Ce qui est particulièrement triste, c'est qu'à l'échelle humaine, il est extrêmement difficile de se rentre compte à quel point la quantité et la diversité de la vie diminue : le désert de la modernité devient quasi instantanément la normalité, et, pour la plupart des subjectivités, tout ce qui a été perdu n'existe plus même en souvenir.
Bel ouvrage des Éditions Ulmer.Le declin des insectes est-il inéluctable ? Si rien n’est fait ce sera le cas.
RépondreSupprimerUn peu de poésie de René Char dans Fureur et mystère :"Le peuple des prés m’enchante,sa beauté frêle et depourvue de venin,je ne me lasse pas de me la réciter...la sauterelle qui claque et compte son linge,le papillon qui simule l’ivresse...,les fourmis assagies par la grande étendue verte..Prairie,vous êtes le boîtier du jour.
Merci pour la page de poésie ! Mais l'absence de venin, je ne suis pas sûr ;)
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