jeudi 11 octobre 2018

The Giver - Lois Lowry




The Giver commence de façon tout à fait innocente.

Pendant toute la première moitié du roman, j'avais l'impression de lire La première dystopie de bébé. Jonas est sur le point d'avoir douze ans, et dans la communauté dans laquelle il vit, c'est l'âge où les enfants se voient attribués leurs métiers pour la vie. C'est une dystopie terriblement dérivative, où la plupart des éléments sont des clichés. Tout semble parfait, mais les émotions humaines sont réprimées, et il y a un terrible secret, du genre oh mon dieu la cérémonie de libération pour les vieux et les marginaux est un mensonge en fait ils les tuuuent. Banal. Il y a bien un détail qui m'a surpris, et l'ensemble est fort bien écrit, très élégant, et on est curieux d'en apprendre plus sur cette société. Bref, c'est pas transcendant, mais ça fonctionne bien.

Puis, vers la moitié du récit, tout part en vrac. Jonas devient le gardien de mémoire de la communauté, et l'auteur introduit, comme ça, l'air de rien, de la magie. L'ancien gardien de mémoire (le Giver du titre) fait passer les souvenirs de tout et n'importe quoi à Jonas en... le touchant. Comment ça marche ? On n'en saura rien. C'est de la magie. Bref, Jonas décide soudain que sa société est toute nulle et qu'il faut la changer. Alors en gros il devient Jésus et se sacrifie pour que les souvenirs retournent dans les esprits des autres gens de la communauté et que ainsi ils deviennent plus humains. Voilà. Comment la mort et même l'éloignement géographique font passer les souvenirs d'un gardien de mémoire au reste de la population ? On en sait rien. C'est comme ça. C'est de la magie.

Une scène incroyable est assez révélatrice du ton du livre. L'ancien gardien de mémoire passe à Jonas son souvenir préféré. Qu'est-ce que c'est ? Une scène traditionnelle de noël américain. Sérieusement ? Le mec, il a accès à des millions de souvenirs géniaux, et le meilleur, selon lui, c'est un noël américain ? Une famille heureuse réunie, pourquoi pas, ça irait. Mais dans ce souvenir, ce qui unit la famille, c'est l'acte de déballage des cadeaux. Ce qui unit la famille, ce qui les rend heureux, c'est le consumérisme. Le meilleur souvenir possible, hein ? J'ai juste l'impression que le succès de ce livre vient du fait que la société américaine décadente a besoin d'être rassurée sur ses propres mythes. Le lecteur veut entendre la confirmation que ses croyances sont les meilleures.

Une dernière chose. Comme Ayn Rand dans Anthem ou Jaroslav Melnik dans Espace Lointain, Lois Lowry imagine une société qu'on peut qualifier de communiste, une société ultra rigide et contrôlée, qui reste stable sur une énorme période de temps, ici des siècles. Pour moi, c'est une ignorance considérable de la nature de l'humanité et de ses sociétés. Une telle stabilité, du moins sans imaginer des bouleversements technologiques radicaux qui la rendraient crédible, est, à mon humble avis, impossible.

171 pages, 1993, houghton mifflin harcourt

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