mercredi 24 octobre 2018

Confessions - Saint Augustin


Confessions - Saint Augustin

La dernière fois que j'avais essayé de lire les Confessions, je n'étais pas allé bien loin. Saint Augustin passe en effet une phrase sur trois à louer la gloire de Dieu, ce qui devient vite fatiguant. Mais cette fois, je me suis accroché, et j'ai même apprécié. L'écriture d'Augustin n'y est pas pour rien : c'est d'une élégance rare. Il parle de son enfance, et des péchés commis, comme par exemple voler des poires pour le simple plaisir de voler. Puis c'est l’adolescence et les attraits de la chair qui vont avec, et Augustin se repent beaucoup. Il regrette aussi d'avoir été si sensible aux charmes des spectacles. Il ne semble ne pas pouvoir vivre sans les femmes et, si j'ai bien calculé, a un fils à dix-huit ans. Il devient professeur de rhétorique et se tourne vers le manichéisme, qu'il passe beaucoup de temps à critiquer. Le néo-platonisme est une porte d'entée vers la foi chrétienne. Petit à petit, il trébuche avec ses amis jusqu'au catholicisme, il se convertit, abandonne ses leçons pour se consacrer à Dieu et à l'écriture. Sa mère meurt, il loue sa piété, et est très triste. Et puis... Il abandonne la narration pour passer à de la doctrine chrétienne très sèche. Ouille. Oui, j'ai encore abandonné les Confessions en cours de route. Cette fois, vers la page 350 sur 550. J'ai feuilleté la suite, et je ne suis pas très chaud pour deux-cent pages de pure théologie. Je ne doute pas que ce soit très intéressant pour comprendre la pensée chrétienne, mais une autre fois peut-être.

Il y a déjà beaucoup à tirer de la partie plus narrative des Confessions. Ce qui m'a le plus marqué, c'est à quel point dans la vision augustinienne du monde le divin imprègne toute chose. Ainsi, tout ce qui arrive de bien, c'est grâce à Dieu, et tout ce qui arrive de mal, c'est à cause de l'homme. Un peu facile, non ? Augustin sort du manichéisme, qui oppose deux puissantes forces du bien et du mal, mais pourtant il mentionne quelques fois le démon, Satan, pour expliquer le mal. J'ai du mal à percevoir en quoi c'est différent du manichéisme. Mais c'est sans doute que le problème du mal me semble impossible à résoudre religieusement, à moins d'accepter que le divin n'est pas que bonté, loin de là.

La haine de la vie se retrouve en filigrane un peu partout : « cette vie misérable, à laquelle je ne sais si je dois donner le nom d'une vie mortelle, ou plutôt d'une mort vivante. » (p.32) Et encore une magnifique prose pour décrire les attraits de la chair :
Je mettais mon plus grand plaisir à aimer et à être aimé. Mais je ne demeurais pas dans les bornes de l'amitié chaste et lumineuse où les seuls esprits s'entr'aiment d'une manière spirituelle. Les vapeurs grossières et impures qui s'élevaient de la boue et du limon de ma chair et des bouillons de ma jeunesse obscurcissaient mon cœur et l'offusquaient de telle sorte qu'il ne pouvait discerner la sérénité pure et resplendissante d'une affection pure et légitime d'avec les images ténébreuses d'un amour infâme. Ces deux causes qui se mêlaient ensemble allumaient en moi le feu d'une brutale concupiscence, emportaient la faiblesse de mon age dans les dérèglements violents des passions, comme au travers des roches et des précipices, et la plongeant dans le gouffre des crimes honteux. (p.66)
Et, en même temps, Augustin affirme à Dieu que « toutes vos œuvres rendent un témoignage public que vous êtes ennemi de toutes corruption et de tout mal. » (p.79) Mais alors, d'où viennent les tourments de l'adolescence, les tentations de la chair, qui semblent si, justement, mauvaises ? J'ai vraiment du mal à percevoir comment Augustin se sort de ces pirouettes théologiques. Ainsi, page 226 : « Quel est donc le principe du mal, puisque Dieu qui est tout bon, n'a rien fait qui ne fût bon ?»

Je trouve en note quelque chose qui se rapproche d'une réponse :
L'un des axes de la pensée augustinienne : l'homme a été crée pour le bonheur, pour jouir de Dieu. L'action de la Grâce divine substitue à l'attrait des biens illusoires et éphémères la joie intense de la découverte du Bien véritable, infini et éternel. Aucune théologie n'a pu retrouver un tel lyrisme poétique : de là sa séduction dans tout l'occident chrétien (p.572)
Mais c'est un peu le serpent qui se mort la queue : le Bien véritable peut-il être le Bien véritable s'il est à l'origine de la mort, du désir charnel, de la maladie, de la douleur, de la guerre (Babel) ?

Fait amusant : pour démolir l’astrologie, qui l'a un temps tenté, Augustin utilise les mêmes arguments que j'ai déjà utilisé contre des chrétiens qui mentionnaient de prétendues prophéties réalisées qu'on trouverait dans la bible pour justifier sa véracité. A savoir, qu'il arrive aisément que le hasard et l'esprit de l'homme peuvent aisément, combinés, trouver un vague sens dans à peu près n’importe quoi, surtout quand il s'agit de confirmer ses croyances. (p.120)

Un ami cher à Augustin meurt, et il est dévasté. Il écrit les mots suivants : « Car d'où venait que cette affliction m'avait si aisément pénétré le cœur, sinon de ce que j'avais rependu mon âme sur l'instabilité d'un sable mouvant, et aimant une personne mortelle comme si elle eut été immortelle ? » (p.127) J'ai l'impression qu'ici Augustin dit que le seul être que l'on peut aimer sans souffrir est Dieu. C'est, à mon sens, un aveu : aimer Dieu est ainsi pratique, c'est une sécurité. C'est à peu près ce qu'il dit un peu plus tard : « Car celui-là seul ne perd aucun de ses amis qui n'en aime aucun qu'en celui qui ne se peut jamais perdre. » (p.129)

Un exemple classique : Augustin est mortellement malade, et il attribue sa guérison à Dieu. Mais à qui attribue-t-il la cause de sa maladie ? Je ne comprends pas. (p.127)

Un exemple de la pensée typiquement religieuse d’obéissance. Augustin parle de sa mère : « Elle reçut cet ordre avec tant de respect et d’obéissance, que je ne pus voir sans admiration qu'elle ne se fût si facilement résolue à condamner plutôt la coutume qu'elle suivait auparavant, qu'à examiner pourquoi on ne lui permettait pas de la suivre. » (p.183.) Ça me hérisse les poils. 

A propos de l'interprétation de la bible : « en tirant les voiles mystiques il découvrait les sens cachés des passages qui à les interpréter selon la lettre semblent enseigner une mauvaise doctrine ». (p.189) Ainsi, le sens des textes sacrés est modifiable a volonté, l'interprétation permet une horrifiante fluidité des doctrines basées sur un unique texte. Le genre de choses qui déclenche des guerres.

La lecture de la partie narrative des Confessions n'est pas désagréable. Augustin écrit fort bien, et il y a une vraie beauté à son parcours, sa quête de la vérité. Une vraie puissance narrative. Mais, vraiment, je n'arrive à faire ce qu'il faudrait faire : garder une distance qui me permettrait d'admirer et comprendre la géométrie de cette pensée. La théologie chrétienne, ça m'écorche trop l'esprit. Qui sait, je ferais une autre tentative dans quelques années.

Un peu d'humour pour terminer :
Ô vérité ! vérité ! combien soupirai-je dès lors vers vous du plus profond de mon âme, quand ces hommes vous nommaient si souvent, et me parlaient si souvent de vous, mais seulement en l'air, quoique ce fût en plusieurs volumes. (p.97)

550 pages, 400, folio

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