mercredi 6 septembre 2017
Libération - Sándor Márai
Un roman écrit dans le crépuscule de la seconde guerre mondiale, quand les ruines de Budapest fumaient encore. Le personnage principal, Elizabeth, sert essentiellement à percevoir l'état étrange de la ville et les événements qui se précipitent autour d'elle. Libération me semble avant tout être un roman sur Budapest, et plus précisément un roman sur une période unique dans l'histoire de la ville : l'attente de la libération, au milieu des bombardements, des violences militaires et des combats de rue. Ce que vit Budapest dans ces pages, on peut le transposer sans difficulté à d'autres villes.
Sándor Márai cultive avec son style l'art de la répétition. Il lui arrive souvent de tourner longuement autour de la même idée, de l'examiner sous différents angles, avec insistance, quitte à employer les mêmes mots, presque les les mêmes phrases. Globalement, ça fonctionne : le portrait de Budapest est saisissant. La ville est comme figée dans l'attente, les hommes sont fatigués de faire preuve de compassion. Les sans abri cherchent désespérément un refuge dans un environnement où la venue soudaine et inattendue de la mort fait désormais partie de la normalité la plus banale. Entre deux bombardements, entre deux rafles, on va au restaurant manger tiède, on va au au théâtre voir un spectacle bancal.
Mais le moment critique arrive, les russes sont aux portes de la ville, et il devient nécessaire de se terrer de longues semaines dans les caves. Cette cohabitation forcée se passe étonnamment bien, jusqu'à ce qu'arrivent les derniers oppresseurs, qui dans les derniers moments de la guerre trouvent encore la motivation de traquer et d’exécuter les boucs émissaires, de jouir d'une autorité cruelle et sanguinaire. Et les hommes, maintenant que tout est quasiment fini, trouvent seulement maintenant l'énergie de s'indigner.
Les russes arrivent, et les libérateurs, entre hommes simples et soldats déshumanisés, font ce que les circonstances les invitent à faire : ils violent. Elizabeth, souffrant à moitié du syndrome de Stockholm, ne vit pas la libération qu'elle espérait. Je suis tenté d'écrire « comme Sándor Márai », mais je ne suis pas certain qu'il ait beaucoup espéré.
223 pages, 1945, Albin Michel
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