lundi 31 octobre 2016

Au-delà de la planète silencieuse - C.S. Lewis


Au-delà de la planète silencieuse - C.S. Lewis

C.S. Lewis a lu Wells, et ne manque pas de le faire savoir. Le narrateur n'a pas oublié Les premiers hommes dans la Lune et, face à des intelligences extraterrestres, décide dans un premier temps de pas trop évoquer tout les détails de la vie belliqueuse des humains. En fait, c'est tout le roman qui semble s'inspirer de celui de Wells, on y retrouve en gros la même structure. Un homme se retrouve sur une autre planète, explore un peu, est étonné par toutes les choses étranges qui s'offrent à ses regards, tente de comprendre les locaux, et tout s'achève sur un long dialogue avec le leader de la planète. Ici, Ransom, le narrateur, est emmené vers Mars contre son gré par deux scientifiques sans scrupule. Pendant la majeure partie du roman, il ne saura même pas avec certitude qu'il est sur Mars, les aliens utilisant évidemment leur terminologie propre pour désigner les planètes. Et, détail pratique, Ransom est philologue, ce qui lui permet d'apprendre rapidement la langue locale. Toujours comme le roman de Wells, Au-delà de la planète silencieuse gagne en intérêt au fil de la lecture. Au début, c'est juste un roman d’aventure pas très palpitant, mais les choses deviennent nettement plus intéressantes quand Ransom fait la rencontre d'autres êtres intelligents.

Au début du livre, dans la courte présentation de l'auteur, il est précisé que la conversion de Lewis au christianisme, en 1931, « aura une influence importante sur son œuvre. » Et en effet, Au-delà de la planète silencieuse est... de la SF chrétienne ! C'est assez étonnant. La planète ressemble vraiment à une petite utopie chrétienne. A vrai dire, il est indiqué que tout l'univers l'est, sauf la Terre, tombée sous l'emprise du Pervers. C'est à dire Satan. Mars est dominé par un être presque immatériel, ayant le pouvoir de vie et de mort sur les créatures de chair et de sang, et lui-même semble un sous-dieu, délégué du Dieu unique. Partout dans l'univers se baladent des êtres translucides et insaisissables, bref, des anges. Les créatures chez lesquelles échoue Ransom mènent une vie simple et, attention c'est amusant, n'aiment le sexe opposé qu'une fois dans leur vie, juste ce qui est suffisant pour se reproduire. Ce ne sont pas de vils pécheurs, eux. Les idées de guerre ou de cupidité leurs sont aussi totalement étrangères. Vers la fin, l'un des deux méchants humains se pose en représentant de Satan. Il refuse la mort, veut que l'humanité se dresse contre sa condition mortelle et colonise tout l'univers. Il faut croire que dans une bonne partie de la SF moderne, c'est Satan qui a gagné. On retrouve même la notion de « châtiment », la nécessité d'expier ses péchés...

Au-delà de la planète silencieuse commence très mollement et n’intéresse qu'à partir du premier contact. On pourrait croire que toute cette dimension chrétienne nuit a l’œuvre, mais c'est plutôt le contraire : elle lui donne un coté unique presque rafraichissant. L’intérêt vient de la découverte de cette déconcertante société chrétienne cosmique, aussi invraisemblable que cela soit.

266, 1938, Folio SF

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire