samedi 15 octobre 2016
Futu.re - Dmitry Glukhovsky
L'immortalité. En Europe, 120 millions de personnes vivent dans des tours colossales. Et des centaines de millions de plus ailleurs dans le monde. Comme plus personne ne meurt, plus personne ne doit naitre. L'eau, l'air et l’énergie ne sont pas disponibles à l'infini. Si un parent est prêt à se sacrifier pour donner la vie, un enfant est possible. Il y a évidemment ceux qui essaient de frauder : avoir la parenté et la vie éternelle. Mais ceux-ci sont des criminels, traqués par les commandos des Immortels, troupes de choc dont le rôle est la répression des fraudeurs. L'enfant est enlevé pour grandir dans un internat et devenir plus tard un immortel lui-même, et l'un des parents se fait injecter la vieillesse.
717, le narrateur, est un Immortel. C'est un peu un connard. Mais pas trop. Enfin, il n'a pas eu une enfance facile. Tout le long du récit on a droit à des flashbacks sur son enfance dans un internat. C'est glauque. Futu.re (dont je n'ai d'ailleurs toujours pas compris le titre) est un roman très cru. Voir très violent. C'est parce que l'univers décrit l'est. Sous les apparences, le sang coule. Chose étonnante, le récit commence exactement comme Deus Ex. 717 est un soldat d'élite obéissant à une autorité qu'il respecte. Envoyé accomplir des missions délicates, il se verra confronté à divers choix et révélations qui viendront bouleverser ses croyances. Exactement comme dans Deus Ex : tuer un leader rebelle ou écouter ce qu'il a à dire ? Puis, comme dans toute dystopie qui se respecte, il se trouve une amoureuse et voit la vie en rose. Ses aventures seront l'occasion de faire visiter au lecteur différents aspects de cette société : les lieux de plaisir, les quartiers isolés où s'entassent les vieux, une Barcelone bordélique et dangereuse remplie d'immigrés, les lieux de pouvoirs qui récupèrent l'imagerie antique...
Commençons par quelques réserves. La structure narrative décrite plus haut est assez classique. L'histoire d'amour, dans ce genre de contexte, a presque l'air d'un cliché. Et en parlant de cliché, l'image de la femme qui se coupe les cheveux pour symboliser un changement intérieur, bon, c'est un peu superflu. Et le fait qu'une bonne partie de l'intrigue repose sur une histoire de famille. A savoir : mais qui sont mes parents ? On a droit à une révélation du style "Je suis ton père, Luke." Ah, les liens familiaux, ou comment injecter aisément du mélodrame.
Mais rien n'y fait, j'ai dévoré Futu.re (mais qu'on m'explique ce foutu titre) avec passion, d'une façon dont peu de romans peuvent se vanter. C'est juste terriblement efficace. Très, très bien foutu. J'aime les dystopies. Ici, on sent énormément l'influence des Monades Urbaines et de Soleil Vert, dont les deux visions d'un avenir surpeuplé semblent se mélanger. L'influence de Deus Ex est peut-être bien réelle. Et les dernières pages rappellent de manière frappante la toute dernière scène de Matrix. On y retrouve même le "system faillure". Mais malgré tout cet héritage, on n'a jamais l'impression de lire une pâle copie. Futu.re tient solidement sur ses deux pieds. On remarque en souriant les piques de l'auteur à sa Russie natale, et l'on s'interroge sur ce que, à défaut d'autre mot, ou pourrait appeler le message du livre (notion délicate). Dmitry Glukhovsky n'a pas l'air de penser que l'immortalité puisse bénéficier à l'humanité. Vraiment ? Serait-ce la fin de toute créativité, un désert d'ennui et d'artificialité ? Ou l'immortalité, dans un autre environnement sociétal, pourrait-elle être la libération tant rêvée ? Enfin bref. Une captivante exploration d'une humanité figée dans la vie, belle, violente, et l'impression de, peut-être, qui sait, avoir lu un futur classique.
(Sinon, pour le titre, le point est censé symboliser l’immortalité, qui interromps l'écoulement normal du temps ? Mouais. Je ne sais pas.)
726 pages, 2013, L'atalante
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