La fermentation comme moyen de conservation, sans parler des avantages nutritionnels et gustatifs : sujet captivant. Enfant, en Islande, j'ai eu l'occasion de manger du requin fermenté pendant des mois dans un trou. D'après mes souvenirs, ça ressemblait à du camembert pourri. Mais c'était comestible. Aussi, il y a déjà plusieurs années que je vis sans frigo. Ça se passe très bien, mais je suis curieux d'essayer de continuer de vivre ainsi si jamais je transitionne vers une vie rurale. J'ai déjà expérimenté (très maladroitement) avec la fermentation naturelle des baies de sureau. Et il y a quelques semaines, je me suis mis à faire de la choucroute maison : ça s'annonce plutôt bien.
The art of fermentation (Fermentations ! en français) de Sandor Ellix Katz est captivant. Le début du bouquin explore la théorie, et la suite se fait plus encyclopédique, listant toutes sortes de pratiques aux quatre coins du monde. J'ai sauté certains de ces passages, mais l'ensemble n'en est pas moins excellent. (Comme je l'ai lu en anglais, je ne suis pas sûr de moi à propos des termes spécialisés qu'il faudrait employer en français.)
La fermentation, en gros, c'est simplement changer les conditions de conservation (accès à l'oxygène, émissions de CO2, humidité, salinité, température...) d'un aliment pour favoriser le développement de certaines bactéries qui nous sont bénéfiques. Par exemple, pour la choucroute : immerger sous du liquide et saler. Hop, la plupart des bactéries naturellement présentes sur l'aliment ne sont pas contentes parce qu'elles n'ont pas d'air, mais les "lactobactéries" prennent le relai. En dominant la faune locale, elles empêchent le développement d'autres bactéries nuisibles, notamment par la production d'acide lactique. Dès qu'une plante est récoltée, le nombre de microorganismes augmente, car la fragilisation des tissus de la plante augmente la disponibilité des nutriments : donc, il s'agit de contrôler cette croissance. Les avantages nutritionnels de ces aliments ne sont valables, pour l'essentiel, que si ils n'ont pas été chauffés à plus de 47°C, c'est-à-dire si le vivant qu'ils contiennent n'a pas été tué. La fermentation agit comme une pré-digestion, ce qui a tendance à rendre les nutriments plus disponibles, mais aussi à en créer de nouveau. Aujourd'hui, la plupart des aliments hautement hygiéniques et stérilisés contiennent peu de bactéries en tous genre qui, pourtant, jouent un rôle crucial dans la diversité de la faune intestinale, qui elle-même joue un rôle crucial dans nos capacités métaboliques.
Définition : un "probiotique" est un microbe qui confère un avantage à l'organisme qui l'absorbe.
Il y a toutes sortes de techniques étonnantes : par exemple, tout comme la chair de requin, les choux peuvent se conserver dans des trous, sous certaines conditions. Les épices étant des fongicides naturels, comme vu dans Le triomphe des graines, ils aident à la conservation des aliments au cours de la fermentation. Le sel, lui aussi, s'il est parfois facultatif, peut jouer un rôle capital : il conserve les aliments croquants, il inhibe la croissance de nombreuses bactéries mais pas de celles qui produisent de l'acide lactique, il diminue la vitesse de la fermentation en ralentissant les enzymes digestives et donc permet une conservation plus longue.
Ce qui est frappant dans tout ça, c'est la facilité. La choucroute est un exemple évident, et le procédé qui fonctionne avec la choucroute fonctionnera avec un tas d'autres végétaux. Mais aussi le levain par exemple : il suffit de laisser traîner de la farine avec de l'eau, de remuer régulièrement pour stimuler les échanges avec les bactéries naturellement présentes dans l'air, et hop, des bulles apparaissent, on rajoute de l'eau et de la farine pour faire de la quantité, et voilà. Il est ensuite possible de conserver cette base pendant des années, ou recommencer à chaque fois.
J'ai lu ailleurs quelques craintes concernant le botulisme, mais Sandor Ellix Katz prend le temps de les écarter. Le botulisme est associé non pas avec la fermentation, mais avec les conserves. En effet, les spores de C. botulinum sont extrêmement résistantes à la chaleur : une mauvaise stérilisation peut donc tuer toutes les bactéries mais pas ces spores, ce qui leur laisse le champ libre pour se développer tranquillement. Important : si la fermentation de plantes est généralement sans aucun risque (car les bactéries à acide lactique les dominent aisément) pour qui ne mange pas une fermentation clairement ratée, ce n'est pas le cas pour la fermentation de chair animale, beaucoup plus délicate (car la chair n'a pas de glucides pour nourrir les bactéries de la fermentation).
Je vais de ce pas expérimenter avec la fermentation naturelle de diverses plantes sauvages, mais je vais aussi faire des choucroutes arrangées de façon originale et essayer de faire des pancakes au levain maison et du tofu fermenté. Ah, et de l'hydromel aussi : ça m'a l'air d'être la boisson alcoolisée la plus simple.
Intéressant .Je m’étais un peu intéressé aux vertus des probiotiques (actuellement c’est un marché porteur dans les pharmacies)et le prix est assez exorbitant.
RépondreSupprimerJe me suis reporté de ce fait sur les produits lactofermentés,dont le lait de Kéfir,très bon pour la flore intestinale.Mais choucroute et pain au levain c’est aussi bien.
Et le plaisir de faire soi-même !
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