lundi 24 août 2020

The Future We Choose - Christiana Figueres & Tom Rivett-Carnac

The future we choose - Christiana Figueres & Tom Rivett-Carnac

The future we choose
(2020) de Christiana Figueres & Tom Rivett-Carnac est un bouquin hautement frustrant. Je vais vainement ventiler cette frustration ici. Les deux auteurs font partie des géniteurs de l’accord de Paris de 2015. Je vois ce livre comme un aveu d’échec : ils ne tentent pas une seule fois d’analyser ce qui a été accompli depuis l’accord. À la place, ils s’attaquent aux individus, à la responsabilité individuelle. Ce n’est pas tout. Ils commencent par dépeindre deux visions du futur de 2050. La première, très réaliste, est bien entendu cauchemardesque. C’est d’ailleurs un excellent passage, efficace par sa brièveté. (Voir The uninhabitable earth notamment.) Ensuite, ils décrivent le futur qu’ils souhaitent promouvoir : un futur dans lequel l’augmentation de température a été limitée à 1,5°. Or, c’est parfaitement fantaisiste. Aujourd’hui, on est à 1°. Même si la civilisation industrielle s’effondrait demain, il est probable que les 0.5° supplémentaires, et plus encore, soient déjà enclenchés. Comment donc prendre au sérieux tout ce blabla ? D’autant plus que les auteurs comptent sur des technologies miracles, des peintures à nanoparticules, des « smart grid » qui redistribuent efficacement l’énergie, des imprimantes 3D, des bio-carburants, des drones, des voitures électriques et automatiques et bien sûr l’« intelligence artificielle »… (Voir d’autres idées de ce genre dans Drawdown.) De même, ils partent du principe que les énergies « vertes » sont gratuites et illimitées. Sans blague. Comme si les machines ci-dessus, une éolienne ou un panneau solaire se construisaient tout seul, sans quantités industrielles de béton, de métaux et de minerais rares venus des quatre coins de monde ; comme si ces machines avaient une durée de vie infinie… (Détails notamment dans La guerre des métaux rares.) Tout leur futur zéro carbone est juste une continuation de la course en avant actuelle dans un monde où, de toute façon, les ressources fossiles sont limitées.

Je parlais récemment du trop plein d’optimisme dans Blueprint et on atteint là de nouveaux sommets. Dès l’intro ont est assailli par leur site web : GlobalOptimism.com. Encore une fois, ce n’est pas que je tienne particulièrement au pessimisme, loin de là, mais quand l’optimisme est aussi foireux et illusoire, alors oui, un peu de pessimisme ferait du bien. Parce que là, de leur point de vue, on peut continuer à produire toujours plus de voitures, tant qu’elles sont électriques. DeepMind (l’IA de Google) optimise la gestion de l’énergie de leur data centers, alors tout va bien. Je sais bien qu’il ne serait pas réaliste, ni même utile ou bénéfique, de vouloir faire disparaître les voitures ou les data centers, mais il est fondamentalement grotesque de promettre à la fois une continuation du progrès et en même temps des objectifs environnementaux invraisemblables.

Ensuite les auteurs nous engagent à changer notre « état d’esprit » en citant Gandi ou encore Paulo Coelho. Arg. Il faudrait s’aider de la « méditation », de la « pleine conscience ». Horreur. Je cite : « Face au changement climatique, nous devons tous être optimistes, non pas parce que le succès est garanti mais parce que l’échec est impensable. » Quoi ? C’est parfaitement absurde. Je comprends l’idée : l’optimisme motive, l’espoir est énergisant… mais dans leur propos, ça ressemble plus à du déni. Ils citent en exemple Airbnb et Uber pour mettre en avant un futur dématérialisé, comme si les immeubles et voitures n’existaient plus.

Je sais que face à un problème aussi insoluble il n’y a pas de solution aisée et c’est d’autant plus frustrant quand ces gens, qui d’un côté prétendent avoir quasiment sauvé le monde avec l’accord de Paris, demandent aux individus de se transformer en moines et de croire en l’arrivée de la prochaine percée technologique miraculeuse.

Ils n’ont pas tort dans beaucoup de leurs recommandations, bien sûr. Pourtant, dans l’ensemble, je vois dans ce texte un bel exemple de la corruption de la pensée environnementaliste qui promet en même temps le beurre et l’argent du beurre, en même temps l’utopie sociale et une transition tranquille, en même temps reforestation et biocarburants, éoliennes et panneaux solaires. Je n’ai juste pas la foi pour ce genre d’angélisme. Quant aux actions individuelles : oui, oui. Bien sûr. Dommage qu’il soit difficile d’être un moine, ou même de vouloir être un moine, quand on vit dans un cabaret.

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