« Drawdown désigne le point de bascule à partir duquel la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, après avoir atteint un pic, se met à diminuer d'une année sur l'autre. » (p.19)
Un bouquin fascinant qui dresse une liste d'une centaine de pistes pour inverser le cours du réchauffement planétaire. Alors soyons clairs : c'est très optimiste. Certainement bien trop optimiste (et parfois assez technologiste). Mais c'est le but : envisager des solutions qui fonctionnent. Les solutions sont classées en divers thématiques : énergie, alimentation, femmes et filles, urbanisme, affectation des terres, transport, matériaux, et une dernière catégorie qui se concentre sur des potentialités plus lointaines. Alors, bien sûr, il y a les évidents : les éoliennes, le recyclage, le végétalisme (qui est pudiquement appelé Alimentation riche en végétaux)... Mais aussi pas mal de surprises instructives. Je vais relever quelques points. Je précise que le bouquin s'attaque précisément au réchauffement climatique, et moins aux autres formes de pollution.
- D'abord, la base : « Lorsque nous brulons des combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel), fabriquons du ciment, labourons des sols riches et détruisons des forêts, nous libérons dans l’atmosphère du dioxyde de carbone, qui a la faculté de retenir la chaleur. Notre bétail, nos rizières, nos décharges et l'exploitation des gisements de gaz naturel libèrent du méthane, lequel réchauffe la planète encore davantage. D'autres gaz, notamment l'oxyde d'azote et les gaz fluorés, qui se dégagent de nos terres agricoles, des sites industriels, des systèmes de réfrigération et des zones urbaines, multiplient d'autant l'effet de serre. » (p.11)
- Les centrales solaires thermodynamiques, constituées de miroirs placés en cercle, n'est pas à confondre avec les panneaux photovoltaïques. Les rayons concentrés chauffent un fluide, qui libère de la vapeur et fait tourner des turbines. (p.62)
- Des solutions originales de stockage de l'énergie renouvelable (et donc intermittente) : utiliser l'énergie pour pomper de l'eau en hauteur. Ensuite, on peut quand on veut faire descendre l'eau dans des turbines, récupérant ainsi l'énergie. Même système par voie ferroviaire : faire monter des wagons de mines équipés de générateurs, puis les faire descendre et utiliser la résistance pour produire de l'électricité. (p.103)
- « On estime que les émissions du bétail, notamment de dioxyde de carbone, d'oxyde d'azote et de méthane, sont responsables de 18 à 20% des gaz à effet de serre émis annuellement, une part que ne dépassent que les combustibles fossiles. » (p.115)
- Pourquoi les rizicultures émettent pas mal de méthane ? La méthanogenèse : certains microbes émetteurs de méthane adorent les rizières, pleines de matière organique. Mais il y a des solutions, comme l’asséchement régulier des rizières. (p.139)
- Le livre mentionne tout un tas de façons de modifier l'agriculture en mieux. Les systèmes d'agroforesterie avec cultures intercalaires (embrasser la diversité végétale), l'agriculture régénératrice (sans engrais), l’agriculture de conservation (sans labour, et donc sans libérer le carbone de la terre)... A noter que ces techniques, en plus d'être bien plus durables, ne sont pas forcément moins productrices.
- Le vitrage intelligent : des vitres qui réagissent à la météo et à la luminosité en temps réel, s’éclaircissant ou s'assombrissant, pour optimiser la gestion de la chaleur et ainsi réduire les consommations de chauffage et de climatisation.
- Les milieux côtiers humides (mangroves, marais, eaux saumâtres...), en plus d’être très riches en faune et flore, sont des puits à carbone. La destruction de ces écosystèmes libère le carbone qui y est stocké depuis des siècles.
- « La disparition des forêts tropicales à elle seule est responsable de 16 à 19% des émissions de gaz à effet de serre anthropique. » (p.283)
- On ne s'y attend pas forcément, mais les tourbières sont d'énormes puits à carbone : « Bien que ces écosystèmes uniques ne couvrent que 3% de la surface terrestre de notre planète, ils sont les deuxièmes réserves de carbone les plus importantes après les océan. » (p.301) « Les tourbière asséchées ne représentent que 0.3% de la surface terrestre, mais elles sont cependant responsables de 5% de toutes les émissions anthropiques de dioxyde de carbone. » (p.303) Du coup, mieux vaut laisser les tourbières en paix.
- Le ciment génère 5 à 6% des émissions anthropiques de carbone annuelles, dont plus de la moitié en Chine. Pourquoi ? Décarboner la chaux nécessaire au ciment produit énormément d’émissions, et le reste est dû à l'intensité énergétique du processus de fabrication.
- La fonte du permafrost, qui couvre 24% de l’hémisphère nord, est une menace colossale, peut-être la plus importante de toutes. La fonte progressive, qui s'accentue au fil du réchauffement climatique, libère des quantités énormes de méthane, qui vient à nouveau accentuer le réchauffement. Une solution pourrait être de repeupler la toundra. Les animaux mangeraient les jeunes pousses d'arbres, laissant une toundra seulement herbeuse et donc plus froide.
- Petit aperçu du cycle carbonique naturel : Plein de formes de vie, du plancton aux arbres, absorbent le dioxyde de carbone et le relâchent sous forme solide dans les sols. « A mesure que les niveaux de dioxyde carbone diminuent, l'effet de serre est moins puissant et les températures chutent. Les périodes glaciaires qui s’ensuivent réduisent considérablement l'activité microbienne, ce qui finit par mettre un terme à l'extraction du dioxyde de carbone. Au fil du temps, les volcans actifs en libèrent de nouveau dans l’atmosphère, réchauffant la planète, et le cycle reprend. » (p.412)
- L'avenir pourrait être en bois : construire des bâtiments en bois venu de forêts bien gérées est une façon d'absorber et de stocker du carbone, en évitant les émissions d'autres types de matériaux comme le béton. (p.482)
- « Ce que nous choisissons de manger et les pratiques choisies pour faire pousser les aliments sont en première ligne des causes et des remèdes du réchauffement planétaire, au coude à coude avec l'énergie. » (p.492)
Quelques détails de ce bouquin sont un peu douteux, notamment la photo pour illustrer la partie sur la téléprésence : un type dans un bureau salue une sorte de drone roulant avec le visage du télétravailleur sur un écran. C'est franchement dystopique. Mais il n'empêche que ce livre est une précieuse mine d'informations et d'optimisme. Pourtant, j'ai envie de conclure sur une note plus crépusculaire : « L'effet rebond est un principe économique découlant de la nature humaine : si le prix d'un produit ou d'un service baisse, nous auront tendance à en acheter ou consommer davantage, annulant ainsi les gains de productivité. Par exemple, si un meilleur rendement énergétique débouche sur une baisse du coût pour les consommateurs, ces derniers pourraient être tentés d'utiliser davantage l'énergie. » (p.502)
510 pages, 2017, actes sud
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