dimanche 23 septembre 2018

La Supplication - Svetlana Alexievitch



Un recueil de témoignages de gens impliqués dans la catastrophe de Tchernobyl, essentiellement du côté biélorusse. Surtout des gens du commun : des liquidateurs (nettoyeurs), des femmes de liquidateurs, des vieilles qui restent habiter dans le coin, des soldats, des scientifiques, des journalistes, des enfants... Je me demande à quel point tous ces témoignage ont été réécris par Svetlana Alexievitch. Probablement aussi peu que possible. Le premier texte m'a fait un peu peur : il est fascinant, mais c'est surtout un débordement d'émotions extrêmement vives. Compréhensible, mais sur le coup je me suis dit que j'aurais du mal à finir le livre s'il déborde autant de pathos du début à la fin. Heureusement, la plupart des témoignages retrouvent un ton plus lisible. Je le redis, le sujet est captivant. On a l'impression de lire de la science-fiction, mais non, c'est la réalité.

Les  « volontaires » font des trous pour enterrer la terre radioactive... dans la terre. Personne ne comprend vraiment le danger des radiations. Ceux qui vont sur le toit de la centrale se condamnent à très court terme. Ils meurent d'une façon horrible. Le régime communiste tente de conserver le secret et donc ne distribue pas d'équipements de secours et n'évacue pas assez. Des vieux ne veulent pas partir et restent chez eux, seuls dans un village vide, et développent une sensibilité accrue envers la vie de la faune et de la flore. Des militaires doivent traquer et tuer toute cette faune contaminée. La vodka coule à flots, comme prétendu remède et pour forcir les cœurs. Certains se réjouissent vaguement de la libéralisation du pays, sans illusions, d'autres regrettent la force et l'ordre du stalinisme. L'âme russe est disséquée par ces mêmes russes. L'âme russe, c'est aller à la mort avec courage, c'est se livrer au hasard plutôt qu'à la raison. Les déchets radioactifs, c'est à dire meubles, outils, véhicules et même nourriture sont sujets au trafic et dans leur quasi intégralité revendus ailleurs dans le pays. Les victimes de Tchernobyl deviennent des parias et beaucoup choisissent donc de rester pour faire partie d'une communauté unie. Les enfants, quand ils vivent, côtoient la mort, et même l'attendent. D'autres sont déformés et/ou attardés. Les jeunes femmes ont peur d'avoir des enfants. Et c'est le règne du silence. Sur la fin, ça commence à devenir un peu répétitif. Néanmoins, un bouquin plus que captivant. L'une des plus grandes catastrophes d'origine directement humaine, et pourtant, elle sombre aisément dans l'ombre, cachée derrière sa propre mythologie. A noter que sur l'échelle internationale des événements (oui, événements) nucléaires, Fukushima est la seconde catastrophe, avec Tchernobyl, à avoir le score maximal.
 
251 pages, 1997, j'ai lu

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire