jeudi 26 mars 2020

Against the grain (Homo Domesticus) - James C. Scott

Against the grain (Homo Domesticus) - James C. Scott

Against the grain (2017) de James C. Scott, publié en français sous le sympathique titre Homo Domesticus, est un bouquin d'histoire globale qui se concentre sur les premiers états. Bref, on retrouve pas mal de choses déjà vues dans De l'inégalité parmi les sociétés, Le troisième chimpanzé, Cataclysmes, Wired for culture, La conquête sociale de la Terre, Sapiens... Outre son sujet assez spécialisé, la particularité d'Against the grain est son approche plus ou moins militante. En fait, l'auteur est un anarchiste : intéressante position à partir de laquelle faire une histoire des premiers états. Je me suis senti au moins autant face à une brochure politique qu'à un livre d'histoire globale, ce qui pose problème : ma confiance en ce que raconte l'auteur a été sapée.

Ainsi, on a plus l'impression que son approche est "Les états c'est nul, voyons ce que je peux trouver pour appuyer cette idée" plutôt que "Quelle était la nature des premiers états ?" Si le lecteur est ne serait-ce que très légèrement familier du sujet, Scott ne lui apprendra pas qu'en effet les nomades vivaient probablement mieux que la populace de base des premiers états. Et l'auteur va jusqu'à accuser les archéologues de valoriser l'importance des états dans l'Histoire car ils sont eux-mêmes payés par des états. Sérieusement ?! Mais lui-même est un universitaire payé par un état ! Pourquoi serait-il capable d'avoir un peu d'indépendance d'esprit et pas les autres ? De plus, j'ai souvent eut l'impression qu'il idéalisait les communautés nomades à cause de leur caractère probablement moins hiérarchique. Et le côté répétitif du bouquin n'arrange rien : par exemple, il répète au moins trois fois que la grande muraille de Chine a été construite aussi bien pour tenir à distance les envahisseurs que pour empêcher les "sujets" de fuir, ce qui accentue l'impression de lire plus de l'idéologie que de l'Histoire.

Ceci dit, il est vrai que l'Histoire des états a une importance démesurée en comparaison de l'Histoire des humains sans états, simplement parce que ce sont les états qui laissent le plus de traces (ruines, écriture...). Aussi, contre l'idée que l'agriculture serait un pas en avant civilisationnel car elle exigerait de se projeter en avant dans le futur, Scott affirme que le nomadisme n'exige pas moins de projection dans le futur.

Les proto-états de la Mésopotamie auraient été basés sur l'eau et l'abondance d'alluvion. Ils se seraient développés sur des "dos de tortue" dans des estuaires, des sortes d'îles qui échappaient aux crues qui fertilisaient la terre alentour et apportaient du poisson. Ces points sédentaires dépendaient beaucoup du bois, et c'est là que le charbon prend toute son importance : il était bien plus rentable à transporter. D'ailleurs, tous les transports sur eau étaient bien plus économiques que ceux par terre, d'où un déboisement en amont des points sédentaires, le long des rives des rivières. Cette déforestation peut ensuite être une cause d’effondrement à cause de problèmes d'érosion.

Les états, pour pouvoir récolter des taxes, ont besoin d'une ressource qui soit un équivalent de monnaie : le blé et ses cousins conviennent parfaitement, notamment parce que la récolte est très localisée dans le temps et permet aux puissants de savoir quand frapper pour récolter l’impôt. Les tubercules, par exemple, peuvent rester tranquillement sous terre et se conservent moins bien. De même pour les légumineuses : elles produisent leur récolte de façon continue sur une longue période.

L'auteur tient à redéfinir la "civilisation" comme n'étant pas que les états possédant un point central, et l'effondrement comme pouvant n'être qu'une dispersion sans grand mal des "sujets" qui auraient tendance à gagner au change. J’apprécie plus l'idée d'une coévolution des états et des "sauvages", ces derniers, en commerçant avec les états, contribuant à leur future extinction.

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