dimanche 2 février 2020

Un homme chez les microbes - Maurice Renard

Un homme chez les microbes - Maurice Renard

De Maurice Renard, j'avais déjà lu L'homme truqué il y a quelques années. Un homme chez les microbes (1928) est beaucoup plus extravagant, tout en continuant de contribuer à forger la SF française, alias merveilleux scientifique. Déjà, l'écriture frappe : le prologue, qui s'amuse avec le cliché du manuscrit trouvé, est complètement insolite et détonnant. Je l'avoue, je n'ai pas été mécontent que le ton devienne un poil plus sobre par la suite, pour rester tout de même coloré, surprenant et, surtout, plein d'humour. La première moitié du récit est une petite satire sociale teintée d'un élément classique de la SF d'un certain âge qui cherche à explorer ce qui se trouve au-delà des sens humains dont les limitations deviennent évidentes : l'homme qui rétrécit, thème qu'on retrouve, pour ne citer que deux romans, dans L'homme élastique de Jacques Spitz et La chute dans le néant de Marc Wersinger. Si notre héros se fait rétrécir, c'est pour plaire aux parents de sa bien-aimée, qui le trouvent trop grand à leur goût. Ce mélange des genres fonctionne très bien, c'est vif et intelligent.

Puis, la seconde partie du roman est à nouveau un récit dans le récit : le témoignage à la première personne de notre valeureux héros qui raconte ses expériences chez les microbes... qui, c'est très pratique, sont à peu de choses près des humains. Vraiment, il n'y pas grand rapport avec l'infiniment petit, le narrateur pourrait tout aussi bien se trouver sur une autre planète. Mais, au fond, c'est un peu l'idée, à travers cette notion chimérique que les atomes sont peut-êtres des mondes, et la Terre elle-même un atome. On passe donc sur une structure classique de la littérature utopique : un visiteur arrive dans une société inconnue et on la lui présente. Bien sûr, la satire sociale est toujours là, accompagnée d'idées plus sérieusement spéculatives. Le thème central, c'est encore une fois la limitation des sens humains, que l'on retrouve à la même époque chez Rosny Ainé, entre autres. Ces petits humains ont au-dessus de leur tête une sorte de pompon : c'est un organe sensoriel. Maurice Renard rend très bien la frustration du narrateur qui se sent comme un aveugle, ou un sourd, face à ce sens insaisissable qui régit en bonne partie cette société. Mentionnons aussi un système reproductif à trois sexes, ou encore la façon dont les bébés (pardon, les larves) sont façonnées pour remplir une fonction à la façon de des Premiers hommes dans la Lune de Wells, et on comprend que ce court roman ne manque pas d'idées.

Rajoutons là-dessus l'extravagance d'un antagoniste qui traque le narrateur pour le trépaner, par simple curiosité scientifique, la menace de champignons géants, qui permettent à Renard de façonner un final cataclysmique, et un épilogue qui vire sur le méta. Piouf. Vraiment, j'ai une certaine fascination pour ces romans invraisemblables qui sont plein d'idées et vont à toute vitesse en jouant sur tous les tableaux. Le tout sans se planter. On peut leur reprocher de s'éparpiller, mais c'est peut-être leur intérêt principal, du moins pour les esprits éparpillés.

Les avis de TmbM et Nébal.

2 commentaires:

  1. Un conte philosophique à tendance humoristique qui m'avait beaucoup plu.
    Et merci pour le lien !

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    1. Je m’efforce vaguement d'être un blogueur sociable ;)

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