jeudi 9 juin 2016
Soleil Vert - Harry Harrison
Passons sur le titre français, Soleil Vert, absurdité héritée du film, et mentionnons le titre original : Make room ! Make room ! Passons aussi sur la couverture de cette édition, le roman se déroulant intégralement à New York, j'ai du mal à comprendre le rapport avec cette illustration montagnarde. Peut-être que la bizarre structure est sensée être l'aqueduc détruit apportant l'eau à la ville ? Mystère.
Ce roman, c'est un peu une version plus courte et plus focalisée du Tous à Zanzibar de John Brunner qui sortira deux ans plus tard, en 1968. A quel point Soleil Vert a-t-il influencé Brunner ? En tout cas, les points communs sont nombreux. Dans le New York de 1999, la surpopulation fait des ravages. Il y a longtemps qu'il n'y a plus de pétrole. Les voitures immobilisées servent désormais de refuge a une partie de la multitude de sans abris. Le taux de chômage est affolant. La famine guette. Il n'est plus question de manger de la viande, sauf pour les quelques privilégiés qui peuvent se fournir au marché noir. L'eau est strictement rationnée. Le climat part en vrille, les moments de température extrême se multiplient. Tout cela semble incroyablement d'actualité, en accord avec nos préoccupations au XXIème siècle. Soleil Vert est assez visionnaire, et le monde que Harrison parvient à créer ne semble en aucun cas une excentricité improbable et obsolète. Au contraire, il est vraisemblable, et ce futur là représente toujours une crainte latente enfouie dans la conscience collective.
Trop de gens naissent et meurent comme des animaux. J'en veux aux politiciens pourris qui n'ont jamais osé poser le problème, par démagogie et par imprévoyance. C'est ainsi que les hommes ont pillé en un siècle des ressources qui ont pris des millions d'années pour se constituer, et personne n'a écouté tous ceux qui sonnaient l'alarme. C'est ainsi qu'il n'y a plus de pétrole, c'est ainsi qu'il n'y a plus de sols fertiles, c'est ainsi que les arbres sont morts, que les espèces animales se sont éteintes, que l'eau est devenue un poison. Et la seule récompense que nous en avons tirée, ce sont sept milliards d'hommes vivant une existence misérable.
Ce genre de texte d'anticipation pourrait sans souci être écrit aujourd'hui. Soleil Vert est rédigé d'une écriture qui se lit vite et bien, et sur seulement 200 pages, les différents personnages suivis permettent de dresser un portrait fort efficace de ce sombre futur. Les personnages sont tous plus ou moins misérables, esclaves de la situation du monde. Andy, le filc, se fait totalement exploiter, mais mieux vaut bosser quatorze heures par jour que ne pas avoir de boulot. Shirl, la jeune femme, n'a rien d'autre pour la faire vivre que sa jeunesse et sa beauté. Sol, le vieux colloc d'Andy, est une relique du passé, se souvenant du monde d'avant, et c'est finalement celui qui comprend le mieux l'état des choses, ou plutôt, ce qui est un peu triste, le seul à s'y intéresser vraiment. Billy, le jeune SDF, poussé au vol et à la drogue par l'absence d'alternative. Et, contrairement à son adaptation cinématographique, Soleil Vert ne prétend pas offrir de révélation choc à la fin. Cette absence de poncif narratif est presque un soulagement, cela laisse la place au plus important : la description d'un monde fatigué et des humains qui s'y débattent.
191 pages, 1966, presses de la cité
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