vendredi 10 juin 2016

Le génie et la déesse - Aldous Huxley


Le génie et la déesse - Aldous Huxley

Le génie : Maartens, scientifique brillant mais égoïste, détaché des choses humaines comme des responsabilités les plus primaires d'un adulte. La déesse : Katy, sa femme-mère, pour qui la vie est une évidence. Et en entre les deux, racontant de nombreuses années plus tard cette histoire à un ami, avec le recul de l'expérience, John Rivers. Assistant du génie, jeune homme emmuré dans une éducation catholique, intoxiqué par les notions de culpabilité et de péché, totalement ignorant de ce que sont les plaisirs du corps. Mais il ne manquera pas d'apprendre avec Katy.

Les romans d'Aldous Huxley sont pour moi comme ces grosses tablettes de chocolat aux noisettes. Son écriture, c'est le sucre, la fluide douceur de la lecture. Son intelligence, c'est le cacao, le goût intense qui éveille les papilles de l'esprit. Et les noisettes sont ces réguliers passages particulièrement brillants, par leur drôlerie ou leur pertinence, qui croquent sensuellement entre les dents. Miam miam.

— Quel gouffre entre l'impression et l’expression ! Voilà notre ironique destin — d'avoir des sentiments shakespeariens et (à moins que, par quelque hasard à un milliard contre un, nous ne nous trouvions être Shakespeare) d'en parler comme des vendeurs d'automobiles, ou des gosses de treize à dix-neuf ans, ou des professeurs d'université. Nous pratiquons une alchimie à rebours —nous touchons de l'or, et il se change en plomb ; nous touchons les chants lyriques de l'expérience, et ils se transforment en les équivalents verbeux du fatras et des eaux grasses. 
— N’êtes vous pas indument optimiste au sujet de l'expérience ? questionnai-je. Est-elle toujours aussi dorée et poétique? 
— Elle est intrinsèquement d'or, insista Rivers. Elle est poétique par sa nature essentielle. Mais, bien entendu, si vous êtes suffisamment plongé dans le fatras et les eaux grasses que servent les modeleurs de l'opinion publique, vous aurez automatiquement tendance à polluer vos impressions à la source ; vous recréerez le monde à l'image de vos propres idées — et, bien entendu, vos propres idées, ce sont celles de tous les autres ; de sorte que le monde dans lequel vous vivez sera réduit aux plus petits dénominateurs communs de la culture locale. Mais la poésie originelle est toujours là — toujours, insista-t-il.

156 pages, 1955, presses pocket

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