Destination ténèbres (The Dark Beyond the Stars) de Frank M. Robinson commence excellemment. On est en plein dans un thème classique de la SF, exploré aussi par exemple dans La nef des fous de Richard Paul Russo : le vaisseau générationnel. Notre narrateur commence avec la mémoire effacée, comme d'habitude c'est bien pratique pour l'auteur, mais admettons qu'il parvient à très bien intégrer ce point de départ à sa trame. Le fait est que dès le début la plume accroche et les mystères esquissés attisent la curiosité. Quelque chose ne va pas dans ce vaisseau, quelque chose cloche, la paranoïa s'installe, et on veut en savoir plus.
La tension qui habite le roman, c'est la lutte entre deux perspectives. D'un côté les croyants, qui après 2000 ans et de nombreuses générations espèrent toujours accomplir la mission originelle du vaisseau : trouver de la vie extraterrestre. Le capitaine est de ceux-là, et parmi les autres croyants, beaucoup le sont simplement grâce au charisme de leur chef, qui se trouve, lui, être un immortel. Quant à eux, les incroyants en ont marre d'errer vainement dans l'espace et ne demandent qu'à retourner sur Terre. A priori, superbe tension pour mener un roman dans un cadre de vaisseau générationnel, mais dans les faits, ça s'essouffle assez vite. Une fois les premiers mystères vaguement résolus, on déchante, on se rend compte qu'on passe la plupart de notre temps à suivre des dramas relationnels et une rébellion contre un chef tyrannique, thèmes éculés et traités d'une façon assez conventionnelle, on se croirait presque dans un bouquin pour ados. C'est un long roman, et au fond, il y a trop de péripéties pour trop peu de substance : l'auteur se repose essentiellement sur un suspense primal pour accrocher son lecteur plutôt que sur l'exploration d'idées qui, admettons-le, sont bien là, mais étalées trop finement sur l'épaisse tartine du suspense.
La fin relève l'intérêt quand la narration accélère follement et explore enfin pleinement la temporalité d'un immortel qui navigue sur le long terme avec des mortels, mais c'est trop peu trop tard, j'en étais déjà à somnoler à moitié devant des rebondissements à la chaine qui ne sont pas soutenus par une structure et des idées assez solides.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire