Paru en 1836, La nature est le premier essai d'Emerson, qui deviendra plus tard l'ami de Thoreau. Je crains de n'avoir pas clairement saisi le fond de sa pensée. Il fait, je crois, l'apologie du lien intellectuel et artistique que l'homme doit entretenir avec la nature pour réaliser son plein potentiel, sur fond de mysticisme à tendance panthéiste. Ceci dit, il ressort de l’œuvre des morceaux particulièrement pertinents, et fort beaux.
Pour commencer, une vision radicale de la solitude que je confirme authentique, ayant encore encore en mémoire le premier choc de la vraie solitude de l'homme seul entre la terre et les étoiles, sans lumière, sans écran, sans livre, sans rien d'autre que l’humidité et les bourdonnement des moustiques :
Pour se retirer de la solitude, on a autant besoin de quitter sa chambre que la société. Je ne suis pas seul tandis que je lis ou écris, bien que personne ne soit avec moi. Mais si un homme veut être seul, qu'il regarde les étoiles. (p.11)Je crois ici lire de l'épicurisme :
La misère de l'homme ressemble au mauvais caractère d'un enfant quand on examine avec quelle constance et quelle prodigalité il a été pourvu à son besoin et à son plaisir sur cette boule verte qui le porte en flottant à travers les cieux. (p.16)Continuation :
Tout être rationnel reçoit la nature en dot pour son établissement. Elle est sienne, s'il le souhaite. Il peut y renoncer, il peut se trainer dans son coin et abdiquer son royaume, ainsi que le font la plupart des hommes, mais il possède un droit sur le monde par sa constitution. A proportion de la force de sa pensée et de sa volonté, il porte en lui-même le monde entier. (p.24)De belles phrases, toujours de belles phrases :
L'homme sensuel conforme sa pensée au monde, le poète conforme le monde à sa pensée. (p.63)La vision théiste d'Emerson semble inclure la nature comme création divine non moins importante que l'homme :
Finalement, la religion et la morale, qui peuvent être appelées à juste titre la pratique des idées ou l'introduction des idées dans la vie, ont un effet en commun avec toute culture moins élevée, celui de rabaisser la nature et de suggérer sa dépendance vis-à-vis de l'esprit. Elles diffèrent en ce que leur doctrine du devoir puisent leur origine dans l'homme chez l'une et en Dieu chez l'autre. La religion inclut la personne de Dieu, la morale non. Mais elles ne font qu'un au regard de ce qui nous occupe ici, car toutes deux foulent aux pieds la nature. Le premier et le dernier mot de la religion est : "Ce que l'on voit est temporel, ce que l'on ne voit pas est éternel. C'est un affront à la nature. (p.69)
94 pages, 1836, allia
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