jeudi 15 novembre 2018

Des machines, des plateformes et des foules - Erik Brynjolfsson & Andrew McAfee


Des machines, des plateformes et des foules - Erik Brynjolfsson & Andrew McAfee

Je vais parler rapidement du contenu de ce bouquin avant de m'intéresser à son ton idéologique. A noter que je suis à peu près certain que ma compréhension de beaucoup des concepts de ce livre est relativement limitée.

Les auteurs (qui bossent au MIT) organisent les bouleversements technologiques modernes en trois points.
  • L'intelligence de la machine. Son équivalent traditionnel, c'est l'esprit humain. 
  • La plateforme, c'est à dire un service dématérialisé qui met en relation mais ne produit pas physiquement. Son équivalent traditionnel, c'est le produit (bien et service).
  • La foule, c'est à dire la possibilité de mobiliser aisément des quantités phénoménales de ressource humaine. Son équivalent traditionnel, c'est le cœur, c'est à dire les organisations en entreprise ou institutions. (p.21-22)

C'est la partie sur la machine qui a le plus retenu mon attention. Les auteurs parlent beaucoup du Système 1 et du Système 2 de Daniel Kahneman, et, exemples à l'appui, ils en déduisent qu'il est généralement plus efficace de confier la plupart des décisions à des algorithmes. La puissances des statistiques semble battre à plate couture le jugement humain.

Avant de parler d'une bonne explication de deux méthodes diférentes pour partir en quête de l'IA, un petit point sur le paradoxe de Polanyi : c'est l'idée que les hommes peuvent difficilement expliquer leur propre comportement et fonctionnement, et que, en conséquence, il peut sembler illusoire de pouvoir reproduire ce comportement et fonctionnement dans une machine.

 « Les enfants n'ont pas besoin de leçons explicites sur les règles pour apprendre à parler correctement ; la plupart des adultes, si. » (p.71) L'IA symbolique est entreprise de la même façon qu'on apprend une langue à un adulte : c'est à dire lui inculquer des tonnes de règles. Mais sachant que l'humain ne connait même pas ses propres règles, et que rapidement on atteint une quantité invraisemblable de règles, cette méthode semble un échec. « Si aucune entité sur terre ne connait les règles au moyen desquelles les humains font ce qu'il font, y compris les humains eux-mêmes, comment pourra-t-on créer un système fondé sur des règles (...) pour les imiter ? » (p.74) L'autre approche, c'est l'IA qui apprend par elle-même, comme un enfant. C'est celle qui a le vent en poupe.

Globalement, en lisant Des machines, des plateformes et des foules, on a l'impression que le monde est uniquement peuplé d'entrepreneurs technophiles ayant foi en l'avenir et en leurs profits. C'est un bouquin qui me semble... inhumain. Ici, personne ne souffre, personne ne subit les effets secondaires de la modernité. L'être humain y a pour seul objectif de créer sa startup et de profiter des économies que lui offre son Uber. De part son pragmatisme, ce livre dresse le portait d'un monde où tout va bien, où chacun peut « se lancer dans toutes sortes d'échanges et de transactions, faisant entrer des milliards d'autres participants dans l'économie mondialisée » (p.25), saisir dans le chaos des « opportunités » (p.31), un monde où « avoir un nouveau cours de gym, trouver un moyen bon marché de faire un trajet ou un voyage, se faire livrer un repas ou une robe de soirée sont, bien sûr, de bonnes choses » (p.189). Et pas de panique : les « plateformes encourageant la consommation peuvent être une bonne nouvelle pour la planète » (parce qu'elles « augmentent le taux d'utilisation de nombreuses ressources du monde physique ») (p.189).

Finalement, les auteurs diagnostiquent leur propre position : le « solutionnisme, c'est à dire l'idée qu'une bonne combinaison d'énergie entrepreneuriale et d'innovation technique permet de résoudre tous les problèmes ». (p.281)

Je suis fasciné par cette vision du monde, même si je m'y sens plus qu'étranger.

316 pages, 2017, odile jacob

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