Œuvre assez peu connue de l'auteur de l'excellent Soleil vert, Deathworld (1960) est une trilogie dont la dernière édition française regroupe en un seul volume les trois tomes. J'ai fait ma lecture en VO, et ce compte-rendu ne concerne que le premier tome, roman parfaitement indépendant.
Ça commence comme du bon gros pulp. Jason, notre héros, est un aventurier qui gagne sa vie en écumant les casinos de toutes les planètes grâce à ses pouvoirs psi. C'est immédiatement plaisant, la scène du casino n'a pas été sans me rappeler les péripéties de James Bond, et on se laisse gentiment prendre au jeu. L'auteur ne perd pas son temps et Jason choisit volontairement, quand il en a l'opportunité, d'aller faire un tour sur le deathworld. Car Jason est un aventurier qui s'ennuie, et il voit là un défi à sa hauteur : j'ai apprécié cette motivation simpliste mais crédible, car qui d'autre qu'un casse-cou trop sûr de lui irait se fourrer dans ce bourbier ?
Le deathworld, c'est une planète très peu peuplée où l’environnement est en guerre déclarée contre les quelques humains qui s'y attachent. Gravité double de celle de la Terre, météo pire qu'en Islande, et surtout, absolument toutes les formes de vie locales ne sont faites que pour une chose : exterminer du bipède. On s'en doute, les humains locaux sont coriaces : montagnes de muscle, armés jusqu'aux dent, surentrainés et terriblement belliqueux. Harry Harrison parvient très bien à donner de la chair à cette planète et à ses dangers, grâce notamment à un long développement au cours duquel il accumule les détails et les indices. Jason doit ainsi passer des mois à s'entrainer à affronter la faune avant d'avoir le droit de mettre le nez dehors.
L'auteur est un minimum subtil et il ne s'agit finalement pas d'un simple récit d'aventure : les mystères ne tardent pas à émerger, et Jason va devoir utiliser son cerveau encore plus que ces muscles, ce qui est bon signe pour la qualité du roman. La lutte des habitants du deathworld n'est-elle pas vouée à l'échec ? Pourquoi donc la planète s'est-elle retournée contre eux ? Et y aurait-il d'autres habitants qui parviennent à vivre en harmonie avec elle ? Comment réconcilier ces factions aux idéologies radicalement opposées ?
Certes, le fond du roman est assez simpliste et on devine ses grandes lignes très rapidement : en gros, la nature se retourne contre les humains car elle les perçoit comme une menace. Aujourd'hui, c'est un poncif extrêmement banal, mais en 1960, deux ans avant le Printemps silencieux de Rachel Carson, c'était sans doute différent. On peut aussi regretter des détails bancals, comme par exemple le fait que les habitants du deathworld savent que la nature devient de plus en plus pacifique quand on s'éloigne de leur cité, mais ça n'a pas l'air de les frapper... Au bénéfice de l'auteur, l'un des sujets est l’extrémisme idéologique, et on peut admettre qu'ils sont simplement aveuglés par leur culture.
Finalement, on ne fera pas de Deathworld un chef-d’œuvre, mais ça ne manque pas non plus de qualités pour le lecteur avec un faible envers la SF à tendance environnementaliste. Harry Harrison, sous une forme dynamique façon pulp, et malgré un propos un peu simpliste, parvient à poser un univers frappant tout en prenant le temps d'explorer comment les humains, physiquement et idéologiquement, s'y adapteraient — ou ne s'y adapteraient pas.
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