vendredi 29 janvier 2021
Moonraker (James bond 3) - Ian Fleming
« Champagne et benzédrine ! Plus jamais. »
Eh bien, décidément, je ne m’attendais pas être aussi positivement surpris en lisant les romans James Bond ! Après un excellent Casino Royale et un Live and Let Die nettement inférieur, je croyais avoir vu tout ce qu’il y avait à voir dans les romans de Fleming. Mais non, Moonraker (1955) est tout à fait honorable.
Le premier tiers, qui se déroule sur une journée, est franchement brillant. On découvre Bond égaré dans sa vie quotidienne, car il ne va en mission que deux ou trois fois par an : il lit des rapports, on apprend qu’il dépense rapidement son modeste salaire, car il est persuadé de mourir avant quarante-cinq ans au cours d’une mission… On a un aperçu de son quotidien assez solitaire, partagé entre coucheries avec des femmes mariées et parties de cartes avec quelques amis, et golf le week-end… On découvre même la secrétaire des doubles zéros, portrait franchement touchant et réussi d’un personnage féminin secondaire que je ne m’attendais pas à trouver sous la plume de Fleming. Sont même évoquées les inégalités entre hommes et femmes dans le monde des services secrets. Bond est convoqué par M, qui lui confie une petite mission officieuse pour la soirée : direction le club de cartes le plus select de Londres pour remettre à sa place Hugo Drax, un millionnaire qui, bizarrement, triche aux cartes. J’ai énormément aimé ce ton plus posé, plus personnel, plus modeste, où Bond n’est pas vraiment à sa place, d’autant plus que cette retenue est parfaitement compatible avec le suspense du jeu de cartes, où, cette fois, Bond se sent chez lui.
Ensuite, direction le site du Moonraker, une fusée expérimentale chapeautée par Hugo Drax et censée donner à la glorieuse Angleterre une totale dominance nucléaire. Évidemment, il y a anguille sous roche, et, pour être honnête, les ficelles sont un peu grosses : les services secrets anglais semblent franchement incompétents pour ne pas voir de telles ficelles. C’est aussi un peu bizarre quand Bond ne prend pas la peine de signaler à ses supérieurs une tentative d’assassinat contre lui. On commence aussi à voir clairement les outils narratifs de Fleming : le méchant enlève la jeune femme, Bond part à sa poursuite et, pas de bol, se fait capturer lui aussi, mais bien sûr le méchant ne le tue pas tout de suite… Ça fait déjà trois fois en trois romans. Ces réserves mises à part, j’ai beaucoup apprécié l’étonnante retenue de Fleming : pendant les deux tiers du roman, il n’y a pas d’ennemi bien identifié, on est vraiment dans une ambiance d’espionnage, certes pulp, mais néanmoins réussie. Cela permet également de pas être immédiatement dans une relation conflictuelle avec l’antagoniste, ce qui permet de développer les personnages et leurs relations de façon plus dense et naturelle. Et toutes ces intrigues autour d’une fusée m’ont beaucoup fait penser à Tintin Objectif Lune !
Le personnage féminin principal, Gala, est également une bonne surprise. Elle est dans l’ensemble l’égal de Bond, c’est un agent infiltré. On a même l’occasion de suivre la narration de son point de vue et d’avoir des aperçus de son opinion (mitigée) de Bond. Si elle est tout naturellement obsédée par son maquillage, elle utilise l’excuse de devoir se « repoudrer le nez » pour mener à bien ses objectifs d’espionne, ce qui, décidément, contribue à m’interroger sur le traitement ambigu des personnages féminins par Fleming. D’ailleurs, la fin du roman est elle aussi tout simplement excellente : Bond, comme d’habitude cœur d’artichaut malgré lui, se fait dans sa tête plein de plans romantiques pour passer son mois de congé convalescence avec Gala. Mais paf, gros coup de poing de la réalité : Gala est fiancée et elle n’a pas la moindre intention de fricoter avec Bond, qui va donc devoir passer son congé dans la solitude, ou avec des femmes seulement de passage… Vraiment, c’est une fin étonnamment forte et touchante.
C’est presque bizarre à dire, mais je crois que je vais continuer à lire les romans James Bond…
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Une femme qui se refuse à Bond,pauvre Bond. Comment c’est possible? Vu son tableau de chasse je ne suis pas trop inquiet .lol
RépondreSupprimerSympas et tres humoristiques tes textes sur Bond.
Oui, c'était une bonne surprise que de voir le roman se terminer sur la rupture d'un cliché éculé !
SupprimerYour the best
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