Je lis beaucoup de littérature fantastique lovecraftienne, ou du moins de littérature fantastique qui tente péniblement d’être lovecraftienne. Une bonne partie est trop médiocre pour m’accrocher au-delà de la première page. Ces deux petits textes de Nick Land sont un très bon exemple du haut du bas du panier (oui), plus précisément de la sous-variété à forte prétention intellectuelle. Phyl-Undhu (2014) n’est pas activement mauvais, mais c’est narrativement inepte. Une mère qui fait de la thérapie pour ex-sectaires, sa fille qui a un pote imaginaire inquiétant, et le père qui, eh bien, est là aussi. La seconde partie de la nouvelle prend place dans un jeu vidéo, une sorte de réalité virtuelle où la gamine, qui a passé plus de temps ici que dans la réalité, guide ses parents. C’est un monde en ruine qui ressemble à un futur très lointain. Mais rien ne fait clic, rien n’est compréhensible, il n’y a pas de chute, pas de révélation, rien pour faire sens de tout ce charabia. L’auteur cite le paradoxe de Fermi, Lovecraft, Alistair Reynolds, Arthur C.Clarke, mais on ne construit pas une intrigue en enchaînant les références non développées. Ensuite, l’auteur se commente lui-même. Abstract Horror, c’est quelques banalités sur des films d’horreur qui ne sont pas rendues profondes par l’abscondité de la prose. Exterminator est un peu plus intéressant : on y trouve quelques réflexions non dénuées de pertinence sur le Grand Filtre comme problème existentiel ultime de l’humanité.
Chasm (2015) est immédiatement plus percutant narrativement. Le narrateur, avec un équipage de quatre autres personnes, est chargé par une mystérieuse compagnie de larguer un mystérieux cargo au plus profond de la fosse des Mariannes. Encore une fois, c’est intriguant, et encore une fois, malgré une écriture qui arrive à maintenir la curiosité, ça ne mène strictement nulle part. Les personnages ont une insomnie permanente, qui ne sera jamais expliquée, ils ont des visions, jamais expliquées, et ils finissent par s’entretuer sans qu’on y comprenne rien. Et l’auteur, sans doute pour faire intelligent, balance de façon bien lourde des termes comme « ontologie » ou « topologie » sans strictement rien en faire de pertinent. Je n’ai pas lu plus de quelques lignes des deux appendices qui font office d’auto-commentaire.
Ce n’est pas parce qu’on veut faire de l’horreur qu’on peut se permettre de ne rien expliquer à rien. Le flou total, non seulement ce n’est pas effrayant, mais c’est nul narrativement. Lovecraft, le modèle absolu de ce genre de littérature, est précis. Certes, la menace existentielle ultime reste au loin, souvent dans l’imagination des protagonistes, mais tout le reste est carré, logique, aiguisé. L’horreur, ou quelque que soit l’impression que recherche cette littérature, surgit de la précision, d’un nœud adroitement tissé qui se resserre inéluctablement, et pas d’une nébulosité qui cherche à cacher sa béance par un écran de fumée, aussi « ontologique » que soit cet écran de fumée.
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