lundi 12 octobre 2020

La grande beuverie - René Daumal

La grande beuverie - René Daumal

Dans La grande beuverie (1938), René Daumal commet très exactement les péchés que je me réjouissait de ne pas trouver dans son fort sympathique roman posthume et inachevé Le mont Analogue : c'est-à-dire qu'à trop vouloir faire de l'expérimentation littéraire à tendance surréaliste, l'auteur chute irréparablement dans un absurde décousu. On commence, sans surprise, par une scène de beuverie assez rigolote qui projette le narrateur dans la visite d'une société satirique fantasmée dans les vapeurs de l'alcool, visite qui constitue l'essentiel du roman avant un retour au réel. On retrouve certains codes, et pas les meilleurs, de la littérature utopique ou dystopique, comme dans Meccania d'Owen Gregory ou Ile d'Huxley, dans le sens qu'il s'agit littéralement d'une visite guidée : le narrateur est trimbalé d’attraction en attraction, chacune étant l'occasion d'une petite scénette où tel ou tel groupe de personne en prend pour son grade. Certes, l'écriture est toujours aussi habile et, prises individuellement, les piques satiriques ne manquent pas de sel, mais il n'y a pas vraiment de trame. Globalement, c'est loin d'être bête mais ça ne va nul part. Frustrant.

Si l'on peut malgré tout accrocher à La grande beuverie, c'est sans doute grâce à l'écriture de Daumal. Quelques exemples :

Par exemple, un monsieur passe dans la rue, tout occupé de ses chatouillements internes (ses pensées, comme il dit). Vous criez : "Hep !". Aussitôt toute cette machine compliquée, avec sa mécanique de muscles et d'os, son irrigation sanguine, sa thermo-régulation, ses machins gyroscopiques...

Il y a encore tout près d'ici une colonie de cultivateurs qui font pousser des pommes de terre afin de se nourrir pour avoir les forces nécessaires à la culture de pommes de terre.

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