lundi 30 octobre 2017

Cleer, une fantaisie corporate - Laurent Kloetzer


Cleer, une fantasie corporate - Laurent Kloetzer

Vinh et Charlotte sont deux nouvelles recrues de Cohésion Interne, une division de la gigantesque multinationale Cleer qui s'apparente à des ressources humaines de très haut niveau. Cleer, c'est une énorme machine à dollars, présente dans tous les secteurs, et notamment dans l'électronique, genre téléphones et ordinateurs. Une énorme machine à dollars qui cultive une très puissante culture d'entreprise, une véritable aura religieuse. Vinh et Charlotte sont le lien entre les hautes sphères de l'abstraction monétaire et la réalité du terrain, où il faut recadrer, virer, délocaliser, manipuler. Étonnamment, le récit se déploie sous forme d’enquêtes, au nombre de cinq, chacune formant un mini techno-thriller. Les deux personnages se transforment à l'occasion en véritables James Bond. Mais plus on avance dans le roman, plus les choses deviennent cryptiques. On comprend à peine quels sont les enjeux, Vinh et Charlotte perdent la boule, frôlent le burnout, et on a vient parfois à douter de la réalité des expériences qu'ils vivent. Cela va encore plus loin, par exemple quand Charlotte se fait remettre une sorte d'anneau magique qui la rend insomniaque et développe dangereusement ses capacités d'empathie. Est-ce que c'est vraiment un anneau magique, comme dans un conte de fée ? Charlotte est-elle victime d'une machination de Cleer visant à expérimenter sur ses employés ? Ou l'objet n'a-t-il aucun rapport avec ce qui est simplement un burnout ?

C'est flou, et parfois frustrant. Par contre, le récit réussit à créer un atmosphère exotique, une atmosphère de couloirs blancs traversés par des génies psychopathes, de nuits de travail agrémentées de verres de vodka et de quelques heures de sommeil, de compétition inhumaine poussée jusqu'au combat à mort, littéralement. Les actionnaires qui siègent au board sont des anges, vivant dans le royaume de lumière qu'est le sommet du gratte-ciel de Cleer, et l'ambition de tout cadre est de joindre leurs rangs. Pour cela, il faut connaitre et pratiquer la doctrine, éliminer les hérétiques et se transcender à coup d'expériences mystiques. Ces êtres de lumière, ceux qui ont le pouvoir et l'argent, semblent hors du monde sensible, stoïques à l’extrême, asexués, immatériels. Leurs voies sont impénétrables. Du coup, dès qu'on sort du coté espionnage du roman pour aller vers de la mystique corporate, le lecteur froncera sans doute les sourcils. Pourtant, c'est clairement le plus intéressant. Opaque, mais stimulant. Et le langage utilisé, à défaut d’être toujours clair, est imprégné de l'aspect frénétique et exalté de l'univers qu'il décrit.

351 pages, 2010, denoël

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