Comment parler de cette étrangeté ? Premier tome d'une trilogie dont les deux autres volumes n'ont, je crois, jamais été traduits en français, L’œil dans la pyramide est pour le moins... déconcertant. Déjà, oubliez toute notion de continuité. Si les auteurs restent parfois sur un point de vue stable pendant plusieurs pages, il est la plupart du difficile de savoir ce qu'il se passe, quand, où, avec qui et pourquoi. Souvent, toutes les deux ou trois lignes, on passe sans transition de personnage en personnage, de lieu en lieu, en allant et venant dans le temps. Et on ne sait jamais vraiment si ce que l'on lit est une hallucination sous acide, un bad trip, un fantasme de névrosé ou quelque chose se rapprochant de la réalité.
Comme l'indique le titre, les illuminati sont réels (ou pas ?), et les quelques personnages identifiables du roman sont soit en pleine enquête pour comprendre une vérité élusive, soit déjà activement entre lutte contre les comploteurs. Mais à part quelques rares moments, les illuminati existent essentiellement à travers les discours de ceux qui cherchent à se renseigner sur leur existence et ceux qui luttent contre eux, ou s'imaginent lutter contre eux. Les iluminati pourraient juste être une illusion, un bouc émissaire sorti de l’esprit de gens en quête de sens, paumés dans un monde trop complexe. C'est quelque chose que le roman fait plutôt bien : mettre en scène le chaos idéologique de l'humanité, la confusion des idées, des opinions, des modes de vie. On peut estimer que le style d'écriture est une expression de ce chaos... On passe d'une expédition en sous marin du coté de l'Atlandide en compagnie d'un mélange entre le capitaine Nemo et Andrew Ryan à... Hum. Il est difficile de se souvenir de scènes en particulier, dans cette vaste purée saupoudrée d'une infinité de références. Lovecraft, Machen, Ambrose Bierce, William Chambers, Huxley, Ayn Rand, Burroughs... Et ce ne sont là que les auteurs, on trouve intégrés à ce grand bordel toutes sortes d'autres personnalités. Et du coup, est-ce que c'est bien ? Parfois j'adorais, devant des passages d'un humour loufoque et cynique irrésistible, parfois je m'ennuyais, submergé par une multitude de fragments bordéliques dont je ne savais que faire. Disons juste que je suis content que ce machin existe, et qu'il vaut le détour. Quand à essayer de le décrire, je laisse la parole aux auteurs, qui ne manquent pas de se moquer d'eux-mêmes dans leur propre roman :
C'est un livre horriblement long, explique Wildeblood avec mauvaise humeur, et je n'aurai certainement pas le temps de le lire, mais je suis en train de le parcourir très attentivement. Les auteurs sont de la dernière incompétence - aucun sens du style ou de la structure. Ça démarre comme une enquête policière, puis ça bascule dans la science fiction et enfin, dans le surnaturel, le tout agrémenté de détails sur des dizaines de sujets tous les plus ennuyeux les uns que les autres. Et la chronologie est complètement chamboulée, dans une imitation très prétentieuse de Faulkner et de Joyce. En plus, il est parsemé de scènes de cul cochonnes au possible, juste pour faire vendre, manifestement ; et les auteurs - dont je n'ai jamais entendu parler - ont le mauvais goût suprême d'introduire de véritables personnalités dans tout ce mic-mac et de faire semblant de dévoiler une authentique conspiration. Tu peut être sur que je ne vais pas perdre mon temps à lire des âneries pareilles, mais tu auras une critique parfaitement dévastatrice sur ton bureau demain à midi.
478 pages, 1975, abysses
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