dimanche 18 décembre 2016
The Country of the Blind - H.G. Wells
J'ai consommé cette nouvelle d'une façon particulière : en la lisant en version originale sur wikisource, tout en écoutant une version audio, très agréable, disponible également sur wikisource. Ça dure une heure, et c'est chouette.
Quelque part dans les Andes, perdue dans une vallée isolée, existe une petite civilisation. Ils sont peu nombreux, quelques centaines, peut-être moins, et depuis quinze générations, tous sont aveugles. Dans leur petit coin paisible, la vie n'est pas trop dure pour eux, et leurs autres sens se sont développés pour palier à leur absence de vision. Et un beau jour, après une longue chute dans la neige, le long de pentes abruptes, égaré, voici qu'arrive un homme du dehors. Un homme qui voit.
“What is blind?” asked the blind man, carelessly, over his shoulder.
Se sentant supérieur, il est tenté d'abuser de sa force. Les locaux croient que leur vallée est le monde, qu'au dessus de leurs têtes se dresse un plafond bien défini, que le chant des oiseaux est la voix des anges. L'homme qui voit désire le pouvoir, mais seul, il ne peut qu'échouer. Alors il se résigne, et accepte les coutumes locales. Peu importe la vérité quand il faut manger. Considéré comme un handicapé simplet, incapable de percevoir les sons avec finesse, son intégration se poursuit lentement, jusqu'à ce que l'amour le mette face à un grand problème : doit-il renoncer à sa vision pour devenir définitivement l'un des leurs ?
Dans cette petite nouvelle à la prose délicieuse, Wells examine la normalité. Pour ces aveugles, la normalité est de ne pas voir, ils ignorent l'existence d'un sens supplémentaire. Non seulement toute leur conception du monde en est chamboulée, mais cela pose la question suivante : et si l'humanité dans son ensemble ignorait un ou plusieurs sens ? Et si chacun d'entre nous était comme l'un de ces aveugles, incapable de voir l'évident ? Et il semble que ce soit le cas, il n'y a qu'à voir (ou pas, du coup) le spectre limité de la vision humaine par rapport à tout ce qui pourrait être perçu. Ce genre d'idée a été exploré vers la même époque par Rosny dans Un autre monde puis par Maurice Renard dans L'Homme truqué. Et l'homme étant un animal social, la normalité est définie par les croyances communes. Ainsi, étant le seul à voir, que ce soit vrai ou non, l'étranger est fou, et en vient à douter lui-même de la réalité de ses perceptions. La fin de la nouvelle, magnifique, fait ressentir au lecteur toute la beauté des choses simples qui l'entourent, beauté qui apparait à l'étranger quand il est sur le point de la perdre. Dans The History of Mr. Polly, Wells fait redécouvrir cette beauté à son personnage : « After a lapse of fifteen years he rediscovered this interesting world, about witch so many people go incredibly blind and bored. He went along country roads while all the birds were piping and chirruping and cheeping and singing, and looked at fresh new things, and felt as happy and irresponsible as a boy with an unexpected half-holiday. » (p180)
Allez, je m'autorise un plaisir rare : une petite morale.
Ne soyons pas aveugles à la beauté gratuite.
1904
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Ah, oui, vous en avez consommé, du Wells, surtout en 2016 à ce que je vois, et pas uniquement des plus connus! S'il vous en reste encore quelques-uns que vous auriez envie de (lire et) chroniquer, ça peut être le moment, d'ici à fin juillet 2022, pour inscrire vos billets dans le "Mois Wells"...
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