mercredi 30 avril 2014
Les Enfers Virtuels - Iain M. Banks
Les Enfers Virtuels fait parti du cycle de la Culture. La Culture est une vaste société galactique extrêmement développée, libérée des contraintes matérielles, dirigée par des IA, hédoniste. La Culture tente de convertir les civilisations qu'elle rencontre à son point de vue, de façon pacifique si possible, en intervenant discrètement. Chaque tome est une histoire indépendante prenant place dans l'univers de la Culture.
Ce qu'il y a de bien avec Banks, c'est que l'univers de la Culture est riche d'une infinie variété de civilisations plus ou moins développées à l'organisation sociale variée. Rien que pendant les premières pages du roman, on en voit de toutes les couleurs. Le premier chapitre des Enfers Virtuels se déroule dans une société moyennement avancée : Ledjedje s'y fait assassiner par l'homme le plus puissant du coin, Veppers. Mais avec la technologie adéquate la mort n'est pas définitive, et Ledjedje, sauvée et peut-être manipulée par la Culture, fera tout pour se venger. Second chapitre : une guerre dans un monde médiéval, que l'on devinera plus tard être virtuel. Troisième chapitre : sur une orbitale de la Culture, on nous présente Yime, membre de Quietus, division de la Culture qui s'occupe de toutes les affaires concernant les morts dont l'esprit continue d'exister dans le virtuel. Quatrième chapitre : bienvenue en enfer. L'enfer à l'ancienne, plus proche de celui de Dante que de celui de Sartre, avec des démons, des flammes et de la torture. Beaucoup de torture. En évoluant, les sociétés laissent derrière elles les croyances de leur jeunesse, mais parfois elles peuvent utiliser la technologie pour rendre ces croyances réelles. C'est ainsi que cette race non-humaine châtie ses morts. Deux vivants s'y sont infiltrés pour en dénoncer les horreurs, reste à savoir s'ils pourront en sortir ...
Ces enfers ne plaisent pas à toutes les civilisations. Une longue guerre fait donc rage, une guerre virtuelle. La Culture a cru bon de ne pas s'y impliquer directement, même si elle est comme on s'en doute dans le camps anti-enfers. Et voilà que les anti-enfers semblent perdre le combat, et sont très tentés de rompre leurs engagements et d’amener la guerre dans le réel ...
Les Enfers Virtuels est dans la continuité de Trames, c'est à dire qu'il m'a semblé plus accessible que les tomes précédents (mais peut-être que c'est simplement du à mon évolution en tant que lecteur). La narration est dynamique, pleine de complots et de trahisons. Pourquoi pas, malheureusement j'ai trouvé que le tout avait un petit air de déjà vu. C'est particulièrement frappant dans les relations vivants/IAs. Une bonne partie du récit nous fait suivre Ledjedj, accompagnée par un mental délicieusement tordu, ou Yime, elle aussi accompagnée par un mental. Les intelligences fabuleuses que sont les mentaux sont toujours aussi fascinantes, mais la combinaison d'un vivant et d'une IA commence à être un peu habituelle. De plus, les humains sont assez inutiles : les mentaux sont infiniment plus intelligents et plus puissants, pensent et communiquent à une vitesse folle. C'est une thématique récurrente du cycle de la Culture : les vivants devenus à la fois libérés de toute contrainte matérielle et totalement dépendants d'intelligences quasi-divines heureusement bienveillantes. Mais là on a souvent l'impression que les humains sont des boulets qui permettent à l'auteur des dialogues et situations souvent savoureuses et parfois dramatiques mais qui n'ont pas vraiment de raison d’être là. Peut-être les mentaux sont-ils assez délicats pour laisser croire aux êtres de chair et de sang que leur existence a encore un sens (et en tirent satisfaction), comme un humain d’aujourd’hui promène son chien ou caresse son chat ...
Bref, malgré ces quelques réserves, la trame des Enfers Virtuels est fort plaisante à suivre, et les thématiques intéressantes ne manquent pas, notamment par rapport aux civilisations qui croient sincèrement à l'utilité des enfers. Mais ce sont deux autres éléments qui rendent la lecture du livre extremement agréable. Tout d'abord, l'univers. Je suis toujours autant enthousiasmé par la Culture, cette civilisation est un régal à explorer. Le reste de la galaxie, bien que parfois plus dangereux, n'est pas en reste, je pense notamment aux Bulbitiens, massives structures habitables et intelligentes, vestiges d'une civilisation depuis longtemps disparue. Yime va avoir l'occasion d'en rencontrer un, et j'adore ce genre d'exploration de structures de pensées décalées et incompréhensibles. Ensuite, l'écriture de Banks. C'est intelligent et subtil, et surtout toujours aussi drôle. Une légère distance moqueuse et satirique, des personnages, situations et dialogues croustillants juste comme il faut ...
Les Enfers Virtuels, ce n'est pas le meilleur de la Culture, contrairement à Excession, Le sens du vent ou même Trames. C'est un roman solide, peut-être un peu trop "professionnel", mais qui offre cependant tout ce qui fait que j'aime dans l'écriture de Banks et l'univers de la Culture. Un vrai plaisir à lire, très recommandable.
861 pages, 2010, Le livre de poche
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