lundi 14 avril 2014
Temps Futurs - Aldous Huxley
Temps Futurs, un étrange roman de Huxley qui a pour titre original Ape and Essence. Même sans lire la quatrième de couverture, on s'attend logiquement à de la SF. Pourtant, les premières pages nous mènent au milieu du vingtième siècle, le jour de l'assassinant de Gandhi, dans le monde du cinéma. Un jeune homme à l'ironie mordante tombe par hasard sur un scénario rejeté, et après avoir découvert que son auteur est mort, il nous le transmet ...
Voilà donc ce qui fait la majeure partie de ce récit : un scénario. Bien sur, ce n'est pas un scénario au sens strict, il tient plus d'un roman dans lequel on trouverait des indications pour la caméra et parfois une mise en page plus proche du théâtre. Et à ces éléments s'ajoute la poésie : une sorte de narrateur s'exprime assez souvent en vers, et de façon générale on trouve une multitude d'extraits de poèmes. Tout cela est un peu déstabilisant, mais ce n'est encore rien : au début du scénario, l'histoire met du temps à s'installer, on a droit à une sorte d'introduction allégorique dans laquelle des babouins intelligents se font la guerre à coup d'armes chimiques en tenant Albert Einstein en laisse ... Façon originale de nous présenter la troisième guerre mondiale.
Bon. Maintenant, on passe à l'histoire principale. Longtemps après la WWIII, une expédition venue de la lointaine Nouvelle-Zélande (épargnée pendant le conflit grâce à sa position excentrée) vient explorer une Californie post-apocalyptique. Une Californie habitée. Le Dr Poole, un biologiste un peu niais, va se faire capturer par les autochtones, et comme on peut s'y attendre, Huxley nous propose une visite guidée de cette société. Sa principale particularité est de vénérer Bélial. Si l'on en croit l'histoire récente, à savoir la guerre nucléaire, il semble en effet assez logique de penser que le diable a vaincu son opposant et tient la Terre sous son emprise. D'où une société sataniste qui massacre les nouveaux nés ayant un peu trop subis les effets des radiations et qui victimise les femmes qui les mettent au monde. Sans parler de rites sexuels assez particuliers. Temps Futurs est donc finalement une sorte de dystopie. On y retrouve un système oppresseur mais pourtant tristement logique, un héros qui tente de conquérir sa liberté, et une violente critique du comportement irrationnel des hommes du passé qui ont presque condamné leur espèce (Huxley n'a apparemment pas grande confiance dans le progrès scientifique). A moins que tout ne soit que la volonté du Seigneur des Mouches ... Cette religion satanique est un régal : Huxley nous offre une multitude de cantiques et rituels qui obéissent à une profonde logique tout en étant assez marrants. Temps Futurs n'est en effet pas aussi sérieux que Le meilleur des mondes ou Ile. Le fond est sérieux, les idées exprimées sont graves, mais l'ensemble est traité avec un ton ironique et moqueur, presque grotesque. Le héros lui même est un sujet permanent de moqueries. Finalement, c'est plutôt à Tallis, l'auteur du scénario, que l'on s'attache, notamment grâce à une fin particulièrement touchante, qui quitte l'anticipation sociale pour faire le lien avec la première partie du récit.
Temps Futurs est un peu perturbant, mais juste ce qu'il faut pour étonner et captiver sans sombrer dans l'opacité. Sans doute plus original dans la forme et par la société imaginée que dans les idées exprimées (critique classique de la bêtise humaine à grande échelle), c'est une dystopie bizarre et amusante, entre autres choses.
Détail étrange : mon exemplaire a apparemment été imprimé en juillet 2014. C'est à dire dans trois mois.
192 pages, 1948, Pocket
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