dimanche 28 juillet 2013
Un cantique pour Leibowitz - Walter Miller Jr.
Leibowitz est un ancien ingénieur qui a survécu à l'anéantissement de la civilisation par le feu nucléaire. Alors que dans les cendres radioactives la majorité des survivants se livrent à la Simplification, l'extermination de tous les intellectuels et hommes de science, accusés (non sans raison ?) d’être responsables de la catastrophe, Leibowitz va fonder un ordre monastique qui aura pour objectif d'accumuler et de conserver le savoir de l'ancienne civilisation. Pour pouvoir planter les graines de la connaissance quand les hommes seront de nouveau prêts à les recevoir. Ainsi, pendant des centaines et des centaines d'années, les moines conservent et recopient des fragments d'une connaissance qu'ils ne comprennent pas. Ils attendent.
L'histoire de Leibowitz nous est transmise à travers son monastère, car c'est lui le véritable héros du livre. La première partie se déroule 600 ans après l'apocalypse, et dans un monde retraversant un moyen age cette fois peuplé de mutants, frère Francis découvre des documents originaux de la main de Leibowitz lui-même. Encore 600 ans plus tard, des empires se sont formés, et par conséquent la guerre à grande échelle est de retour. Parallèlement, les hommes de science apparaissent, et commencent à s'intéresser au savoir préservé dans l’abbaye de Leibowitz. Mais qui nous dit que ce savoir, mis au service des puissants, ne servira pas à répéter les erreurs du passé ? Dans la dernière partie, à nouveau 600 ans après, la nouvelle civilisation a dépassé technologiquement celle qui repose en cendres. Mais le monde n'est pas pour autant uni dans un but commun, et le feu nucléaire ne sert pas qu'à produire de l'énergie ...
La force du roman, qui saute rapidement aux yeux, c'est sa capacité à transporter le lecteur sur une échelle de temps considérable, en parlant d'un sujet relativement complexe (la lente reconstruction de la civilisation), le tout avec une aisance et une clarté remarquable. Et quasiment sans s'éloigner de l’abbaye. On s'en doute, comme la majorité des personnages sont les moines et les abbés successifs occupants le monastère, la religion tient une place capitale dans le roman. Le sujet est en effet envahissant, mais dans le bon sens du terme. A part quelques passages comportant un peu trop de phrases en latin (sauf pour ceux qui savent le lire, bien sur), la façon dont le roman aborde la théologie est très convaincante. Tout d'abord, dans Un cantique pour Leibowitz, rien n'est jamais trop pris au sérieux, il y a toujours une bonne dose d'humour, et un ton relativement détaché, qui nous rappelle à l'aide de l'échelle de temps considérable que les charognards seront toujours là pour ronger les cadavres de l'humanité. De plus, les opinions contraires ne manquent pas, et suscitent des débats passionnants, que ce soit avec un savant se soumettant à un tyran dans l’intérêt de la science ou à un médecin conseillant l'euthanasie à des victimes agonisantes. Quelques personnages extravagants contribuent eux aussi à donner au roman ce charme si spécial, comme ce vagabond se faisant passer pour (ou étant réellement) le Lazare de la bible ou encore ce poète bouffon à l’œil de verre amovible.
Un cantique pour Leibowitz m'a laissé une profonde impression d'originalité. Un récit de la destruction nucléaire de l'humanité par elle-même, puis d'une reconstruction pas plus glorieuse, le tout du point de vue d'un monastère et de ses occupants sur plus de 1000 ans ... Je n'ai pas le sentiment d'avoir déjà lu quelque chose de ce genre. Ce qui vient conforter cette impression, c'est le ton très particulier du roman : juste et humain, à la fois grave et décalé, entre absurdité de la destinée humaine et foi religieuse. Un grand roman, riche en concepts et en idées, et assez unique en son genre.
450 pages, 1960, Folio SF
Les avis de Nébal, le Cafard Cosmique, Scifi Universe, Unwalker ...
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